La feuille d'automne emportée par le vent, en rondes monotones, tombe en tourbillonnant. Mais ce n'est pas le sujet de la chanson. Si elle est à l'envers, c'est juste une question de point de vue. Bien qu'il y soit question de l'oiseau dans les airs, celui-ci ne se distingue ni par son plumage, ni par son ramage. La faune et la flore ne sont là qu'à titre de décor pour une situation très classique où toutes les précautions de langage ne trompent personne. Et si la scène initiale bénéficie de la confidentialité de l'ombrage, la conclusion est claire comme le jour.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
La présence de meuniers ou meunières dans les chansons traditionnelle est la garantie d'une aventure plaisante, badine, voire grivoise. La profession donne pratiquement toujours prétexte à des sujets assez lestes. Pour vous en convaincre, que ceux et celles qui prennent « meunier tu dors » pour une chanson enfantine se reportent à la chanson n°42 de février 2014. Le double sens est, au moins, de rigueur. Cette chanson ne déroge pas à la règle.
Aller voir la feuille à l'envers est une expression imagée, en usage aux 18è et 19è siècles pour désigner la façon d'aller faire l'amour dans la nature ; plus exactement à l'abri des bois. Elle n'est plus guère utilisée de nos jours où l'acte sexuel a sans doute moins recours à la poésie.
Cette chanson est assez répandue dans le répertoire francophone. La version originale de celle-ci peut être entendue sur notre double CD « anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique » (1). Ici, l'interprétation est fidèle à l'enregistrement de Lucien Giquel. La fin de plusieurs couplets diffère ainsi de l'habitude prise dans la plupart des versions de cette chanson de compléter le dernier vers lors de la reprise, sur le modèle :
et le tour de la feu-euille
et le tour de la feuille à l'envers
Certaines de ces situations ne s'arrêtent pas à la naissance de l'oiseau pris dans les bois et jugent bon d'ajouter une morale :
Voilà voila le sort des amoureux
Qui vont se mettre à l'ombre
Voilà ce que c'est d'aller dans les bois
On y va deux et l'on n'en revient trois.
Quelques autres, plus rares, abandonnent carrément le second degré pour exprimer de façon beaucoup plus explicite :
Comment ferai-je pour te quitter, mon aimable meunière ?
Tes noirs cheveux, tes blancs tétons, surpassent la nature;
Jamais je n'ai vu un corps si bien fait,
Je crois que c'est l'amour qui l'a fait.(2)
Mais dans l'ensemble, celles que nous connaissons, en Loire-Atlantique ou ailleurs conservent ce langage à double sens qui fait tout leur charme.
notes
1 – CD 2, chanson n°9 - anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique (Dastum 44 – 2012) – cf rubrique nos éditions
2 – traduction d'une version en occitan, d'où un certain éloignement par rapport à la mélodie !
interprète : Janick Peniguel
source : Lucien Gicquel, enregistré à Saint-Vincent-des-Landes, en février 1988, par Patrick Bardoul, Robert Bouthillier et Lydie Pécot
catalogue P. Coirault : la feuille à l'envers (n° 2210 - larcins)
C'est en passant près d'un joli moulin, je vis une meunière (bis)
Et puis, je lui dis : la belle en passant
Voudrais-tu bien m'attendre - un instant
Non, non, monsieur, filez votre chemin, je ne veux rien attendre (bis)
Car tous les garçons ne sont qu'des trompeurs
Qui n’cherchent qu’à prendre - les cœurs
Pourtant la belle, si vous vouliez m'attendre, j'vous emmèn'rais dans l'ombre (bis)
Et j'vous ferais voir l'oiseau dans les airs
Et l'tour de la feuille - à l'envers
Et moi, curieuse qui voulait savoir : emmenez-moi dans l'ombre (bis)
Et faites-moi voir l'oiseau dans les airs
Et l'tour de la feuille - à l'envers
Mais quand la belle, elle a vu cet oiseau, elle se mit à rire (bis)
Oh, prêtez-le-moi, monsieur, je vous prie
Que je le mette en cage - aujourd'hui
Au bout d'sept mois, quatre semaines et trente jours, l'oiseau fit son ravage (bis)
La cage s'ouvrit et l'oiseau sortit
Grand dieu quelle souffrance - aujourd'hui.
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