Vous avez découvert la semaine passé l'évolution d'une chanson d'auteur passée dans la tradition. Plutôt que de suivre un ordre chronologique, nous avons choisi de remonter à la source et allons donc vous proposer, cette semaine, une interprétation de l’œuvre originelle, telle qu'elle apparaît dans le tome 1 des « chansons de Saillé ». Vous pourrez ainsi mesurer le degré d'évolution, à la fois du texte (un peu) et de la mélodie (beaucoup).
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Ce n'est pas la première fois que nous vous faisons entendre une composition de François Tuard (1). La raison en est simple. Ces chansons ont été adoptées par un public rural auprès de qui elles ont d'abord été diffusées.
Celui qui était plus connu sous son titre de « curé de Saillé » a composé dans la veine des chansons traditionnelles qu'il connaissait bien. Son implication dans le groupe folklorique et dans les fêtes locales le prouve. Beaucoup de ses chansons abordent des sujets de la vie de tous les jours, sur des mélodies qui s'inspirent souvent d'airs traditionnels. Certaines autres ont trait à des sujets plus religieux, ce qui n'est pas étonnant.
Voilà certainement pourquoi les premières ont intégré facilement le répertoire des chanteurs traditionnels. Ceux ci (et celles-ci) n'ont jamais fait la distinction entre les répertoires telle que des chercheurs peuvent être tentés de le faire. C'est un phénomène bien connu des personnes ayant pratiqué le collectage. Les interprètes peuvent avoir à leur répertoire des textes qui vont des plus anciennes balades aux chansons à la dizaine, en passant par des rengaines de leurs jeunes années ou des classiques de la chanson populaire qui incluent les succès de Botrel ou, sur un tout autre plan, d'auteurs locaux comme celui ci.
Avant d'être nommé curé de Saillé, paroisse aujourd'hui intégrée à la commune de Guérande, François Tuard a exercé son ministère du coté de Guémené-Penfao. Ceci explique que la chanson contienne des termes de parler gallo qui ne sont pas ceux de la presqu'ile guérandaise. Quatre recueils ont été publiés par le curé de Saillé soit un total de 160 chansons. On n'a donc pas fini d'en trouver d'autres dans les collectes réalisées dans le secteur.
Le thème de l'alcoolisme est bien présent dans les chansons traditionnelles, le plus souvent sur un mode comique. Ici, c'est l'aspect moralisateur qui domine, mais avec un certain tact, sans doute pour éviter de choquer ou de se mettre à dos quelques paroissiens portés sur la boisson. Le Cit' (cidre) n'est d'ailleurs pas le fléau le plus dramatique. La distillation de la goutte est une toute autre histoire sous l'angle d'attaque choisi pour cette chanson, c'est à dire l'autoconsommation de la production.
Enfin, même si aucune allusion directe n'est présente dans le texte, il ne faut pas négliger l'aspect biblique du fruit défendu. Comme au paradis terrestre c'est encore la pomme qui est cause de nos malheurs.
note
1 – reportez vous aux chansons : 143 - Mon parapluie, 153 - la prise de tabac, 286 - la fée Carabosse, 232 - Le moulin de Saillé, 325 – en revenant de Saint Nazaire.
interprète : Roland Guillou
source :
chansons de Saillé, 1er volume, page 31 (1925) – composition de
l'abbé François Tuard, curé de Saillé (Guérande)
Jean-Louis disait à sa fonme :
Nos pommiers sont ben fleuris
Yeu merci j’arons des pommes
J’pourrons p’têt’ faire du cit' un p’tit
refrain
C’est t’y donc joli un pommier fleuri
Mais c’est t’y donc laid un ivrogne
Mais c’est t’y donc laid un ivrogne aussi
C'est s'ment vra, qu'li dit sa fonme
Nos pommiers n'sont qu'trop fleuris
Je cré ben qu'j’arons trop d’pommes
Je f'rons ben d'en vend' un p'tit
Personne ne védra d’nos pommes
Et nout’ cit’ n’aura pas d’prix
Je f'rons ben mieux ma pauv’ fonme
D’en bar tous les jours un p’tit
J'te laiss'rai fair' mon bonhomme
A tout coup t’es l'mait' ici ;
Mais c'est ben trist' d'êt' ta fonme
Je n's'rai pas malheureuse qu’un p’tit !
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