Encore une fois la ville de Nantes est à l'honneur dans une chanson traditionnelle. Mais passée cette annonce de voyage qui nous donne le titre, on comprend vite que le lieu où se déroule la scène n'a pas vraiment d'importance. Nous allons assister à un dialogue assez surréaliste entre une jeune fille pressée de se marier et l'oiseau le plus présent dans les chansons. Hormis ces deux protagonistes, l'amant de la fille, ses parents et sa grand mère ont aussi leur rôle à jouer.
pour écouter la chanson et lire la suite :
Pour compléter tout ce que nous allons dire aujourd'hui, reportez vous, dans ce blog, à nos publications de février 2018, et plus précisément à la chanson n° 235 « j'ai cueilli la rose rose ». Dans les commentaires nous évoquions déjà le texte de « Je suis allée à Nantes ». Les deux chansons ont, en effet, été publiées par Fernand Gueriff (1). Le texte de la précédente permet de mieux comprendre ce qui se passe dans celle-ci. La rose est le symbole de la virginité et la cueillette le signe d'un amour naissant. Le début de la chanson, manquant ici, est le plus souvent :
J'ai cueilli la rose rose
Qui pendait au rosier blanc
…
Je l'ai portée chez mon père
Entre Paris et Rouen
Changement de programme avec cette version. Ce n'est plus Rouen, mais Nantes. L'intention est la même : la jeune fille a besoin de confier ses doutes et ses attentes. Sur sa route elle croise opportunément un habitué des chansons traditionnelles.
Ce qu'il y a d'intéressant avec le rossignol, c'est qu'il est prêt à endosser tous les rôles : messager des amoureux, préposé à la distribution du courrier, ami et confident, ou encore conseiller matrimonial, comme ici. Le babillage intensif et incompréhensible (certaines chansons prétendent qu'il chante en latin!) se prête à toutes les interprétations. D'ailleurs, ce « gai rossignol chantant » est-il vraiment la voix de la sagesse ou plus simplement celle de la conscience de la jeune fille. Peut être même ne désigne-t-il que son amant rencontré au détour du chemin et qui, lui aussi, s'impatiente.
Marie toi fille, il est temps pourrait faire penser que la fille n'est vraiment plus toute jeune. Dans une autre version recueillie en Loire-Atlantique (2), le rossignol donne des précisions :
marions les filles à vingt ans, les garçons à vingt cinq ans
Ces âges correspondent en réalité à la moyenne constatée dans les registres paroissiaux ou communaux des siècles précédents. Moyenne peut-être même un peu basse.
Alors qu'ici on se contente de ses regrets, le dialogue nous révèle souvent les sentiments de la jeune fille :
Ne serais-je pas mieux entre les bras d'un amant
Il me conterait ses peines, ses peines aussi ses tourments
Je lui conterais les miennes, cela passerait le temps
Peu avare de conseils, le rossignol se laisse aller à d'autres suggestions :
n'écoutes pas toutes ces vieilles femmes
Car elles en ont toutes fait autant
Et décline un thème que les poètes ont toujours ressassé :
Il me dit en son langage, la vie est douce à quinze ans
mais comme la rose, elle se fane promptement
Mais avec le rossignol il faut s'attendre à tout et, croyez nous, on n'est pas au bout de nos surprises.
notes
1 - « j'ai cueilli la rose rose » est dans le tome 3, publié par Dastum 44.
2 – Chant du peuple de Haute-Bretagne, région de Nort sur Erdre – publié par le « groupe celtique de Nort » en 1985
interprètes : Roland Guillou et Yannick Elain
Source : Fonds Clétiez (C85) publié dans Le Trésor des Chansons Populaires Folkloriques, de Fernand Guériff, Tome 1, p.199.
Catalogue P. Coirault : Marie-toi belle, il est temps (1101 – Pressées II)
catalogue C. Laforte : I, G-08, La belle rose
1-) Je m'en suis allée à Nantes, sur un cheval noir et blanc. ( bis
Refrain :
Belle allons légèr', légèr', Belle allons légèrement ( bis
2-) Et dans mon chemin rencontre, le gai rossignol chantant. ( bis
3-) Il me dit dans son langage : Marie-toi, fille, il est temps ! ( bis
4-) Comment veux-tu que j' me marie ? Mes parents sont pas contents ! ( bis
5-) Hormis ma vieille grand-mère, qui se lasse du beau temps. ( bis
6-) Ell' me fait coucher à l'heure, à l'heur' du divertiss'ment. ( bis
7-) Ell' me fait l'ver à deux heures : à l'heure que je dormais tant ! ( bis
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