Autre sujet
d'intérêt, vous noterez à nouveau un phénomène qu'on observe
encore assez souvent dans la tradition: la contamination d'une
chanson par une autre. Les derniers couplets de celle ci ont comme un
air de “déjà entendu”.
Pour écouter la
chanson et lire la suite
Si vous avez
l'habitude de fréquenter ces quelques lignes hebdomadaires, il est
une rengaine qui n'a pas dû vous échapper: “chanson très
répandue, nombreuses versions...”. Oubliez la. D'après nos
recherches, cette chanson est limitée à quelques versions assez
proches les unes des autres et toutes localisées en Haute-Bretagne
ou en Vendée (1) . Autre point commun: ce sont toutes des chansons à
danser; bal paludier en pays guérandais, grand-danse et autres
rondes en Vendée. L'histoire qu'elle nous conte n'a pourtant aucune
raison d'être particulière à ces contrées. Il n'y a pas ici de
vraie tradition de chaudronnerie comme il peut y en avoir par exemple
à Villedieu les Poêles (Manche). Alors pourquoi cette chanson
a-t-elle été mieux conservée sous nos latitudes ? Mystère.
Pour faciliter les
relations amicales ou amoureuses il est des professions ou des
situations qu'il vaut mieux éviter. On voit souvent des jeunes
filles s'en servir pour repousser un galant trop entreprenant. Elles
s'inventent des parents lépreux, sarrasins (2) une famille de
charbonniers à la figure noire...Quand elles ont obtenu ce qu'elles
voulaient et dégoûté le prétendant, elles ne lui laissent que des
regrets en avouant une origine sociale des plus respectables.
Cette fois ci c'est
encore parmi les professions mal jugées que se recrute la
demoiselle. Ni charbonnier, ni savetier mais chaudronnier. Ce métier
n'a pourtant rien de déshonorant, si ce n'est qu'il se pratique dans
des ateliers bruyants, malsains et surtout salissants. D'où
l'étonnement du danseur qui découvre que la plus jolie fille n'est
pas celle qu'il attendait. Tant pis pour cette parenté peu
attrayante, le galant est prêt à en faire abstraction.
Dans une autre
version de la chanson le chaudronnier est présenté comme
“drouineur”, c'est à dire un bohémien, artisan itinérant. La
drouine, mot originaire du breton désignait “ la besace que
l'homme portait au dos et dans laquelle il rangeait ses outils,
quelques pauvres habits de rechange, un maigre viatique”(3). Voilà
peut-être une explication du rejet inspiré par cette profession.
Cette chanson notée
à Guérande par Gustave Clétiez, offre une particularité qu'on ne
trouve pas dans les autres exemples. Un phénomène plus courant
qu'on ne croit, qui se manifeste par l'introduction de couplets qui
viennent manifestement d'une autre chanson type. Celle ci est connue
sous le titre “jeune préférée à la vieille” ou “la cadette
mariée avant l’aînée”. Le passage d'une chanson à l'autre est
facilité par des assonances semblables et une versification
identique.
notes
1 – juste pour
nous faire mentir: une version notée par Patrice Coirault dans les
Deux-Sèvres, mais tout près de Fontenay le Comte.
2 – nous vous
renvoyons encore une fois à la chanson “les marins de Redon”
version locale de la fille du lépreux ou encore de “Ah qui me
passera le bois”.
3 – d'après:
Gérard Boutet, la France en héritage – dictionnaire
encyclopédique des métiers, coutumes, vie quotidienne (éditions
Perrin - 2007)
interprètes:
Roland Guillou et Yannick Elain
source: le
trésor des chansons folkloriques recueillies au pays de Guérande,
Fernand Guériff, tome1, page 194 - collecte de Gustave Clétiez
(1830 - 1896) à Guérande
catalogue P.
Coirault: la jolie fille du chaudronnier (1822 - amourettes)
L'autre jour en me
promenant
Tout le long de la
rive
La de ra lire
La de ra la
Là, j'ai trouvé,
j'ai rencontré une danse de filles
Là, je me suis pris
à danser avec la plus jolie
Etes-vous la fille
du roi que vous êtes si jolie ?
La fille du roi je
ne suis pas, ne suis pas assez riche !
Je suis la fille du
chaudronnier le plus noir de la ville
Aux 500 diables, le
chaudronnier ! Qu'il a de jolies filles !
Que ne me les
donne-t-il à garder ! Ou bien qu'il les marie !
V'la la plus grande
qui monte en haut, qui pleure et qui soupire:
Mo père vous mariez
ma soeur, ma soeur la plus petite.
Taisez vous ma
fille, taisez-vous; vous en aurez un riche !
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