Il n'y a pas de
chapeau pointu dans cette chanson. Le turlututu y est un moyen de
défense pour une bergère contre un “monsieur” trop
entreprenant. Peut on le traduire par l'expression “bas les
pattes”? C'est tout comme.
La version que nous
vous proposons est celle collectée en juillet 1949 par Claudie
Marcel-Dubois et sa collaboratrice Maguy Pichonnet-Andral pour le
Musée national des arts et traditions populaires. Après une visite
rapide en Basse Bretagne, les deux chercheuses se sont intéressées
aux vanniers du village de Mayun (La Chapelle des Marais). Les
enregistrements ont été effectués du 27 au 29 juillet de cette
année là. Un séjour bien court pour découvrir les traditions
locales mais qui a néanmoins laissé quelques belles traces sonores.
Pour écouter la
chanson et lire la suite:
Turlututu n'est pas
une onomatopée anonyme comme on en trouve dans de nombreux refrains.
Elle n'est pas là par hasard. Son utilisation dans le langage
populaire sert à marquer un refus : “interjection exprimant
l'ironie ou la moquerie dont on se sert pour interrompre un fâcheux,
un quémandeur lui signifier son incrédulité, son refus”, nous
dit le dictionnaire. Un autre sens, tombé en désuétude, pour
turluter, c'est imiter le son de la flûte. Turlututu aurait même
désigné un flûtiau ou un fifre au 16è siècle. Ces deux significations de turlututu sont bien présentes dans la chanson. Il
exprime le refus de Jeannette de se laisser aller au badinage avec un
inconnu. Il symbolise aussi la façon de son berger de lui jouer de
la flûte.
Nous retrouvons dans
cette saynète les deux personnages habituels du genre: la bergère
et le monsieur. La bergère, harcelée par le dragueur cherche à
s'en débarrasser à tout prix. Elle est prête à utiliser sa
quenouillette comme une arme. Elle rejoint ainsi la fille qui livre
bataille au roi d'Angleterre dans une autre chanson (1). Cet épisode
n'est pas développé ici, alors qu'ailleurs la fille menace le
gêneur du bâton de son berger, ce qui peut nous entraîner loin:
Si ton berger il
me frappe
Je le pourrai
blesser
Ah si mon berger
tu le blesses
Il saura bien te
tuer (2)
Ce “monsieur”
est-il un noble, un seigneur des environs. Le fait qu'il porte l'épée
au coté pourrait le faire penser. Il est plus souvent décrit comme
un bourgeois de ville ou comme un officier portant bottes, chapeau
brodé, épaulettes..et moustache ! Qu'importe ses demandes, la seule
réponse possible c'est la moquerie: Turlututu. Ce qui nous ramène
au berger et à sa flute dont il sait si bien se servir pour charmer
sa bergère.
Tout comme celle ci,
un grand nombre de versions de la chanson prennent fin sur cet air de
flute. Mais il en est aussi pas mal d'autres qui ajoutent quelques
couplets moralisateurs sur le thème du bon temps de la jeunesse qui
ne durera pas toujours. C'est le cas de plusieurs collectes réalisées
dans notre secteur. Voici, par exemple, les couplets notés dans le
Pays de Retz par le violoneux Poiraud:
Il nous dit
dansez jeunes filles
Au son de mon hautbois
Car quand vous serez marié
Vous n'irez plus danser
Quand vous aurez de la marmaille
Au son de mon hautbois
Car quand vous serez marié
Vous n'irez plus danser
Quand vous aurez de la marmaille
Tout plein votre
foyer
Il faudra vivre en ménagère
Il faudra vivre en ménagère
Et soigner vos
enfants
Arranger pour eux
la bouillie
Puis les faire
manger
La chanson entendue
à Ruffiac par Louisette Radioyes prend soin d'ajouter qu'à ce
moment :
Combien de femmes
qui regrettent
C'est d'avoir
fait...Turlututu
Nous voyons là se
préciser un autre sens, caché, du turlututu que notre dernier
couplet laissait déjà deviner, mais que la chanson, pudiquement,
n'a pas cru bon de préciser. Nous ne nous étendrons donc pas plus
sur le sujet.
Notes
1 – cf: Au pied
d'un lilas blanc (n° 123 – octobre 2015)
2 - Source : L.
Berthou-Bécam/Didier Bécam, L'enquête Fortoul, vol. I page 120
interprète:
Aurélie Aoustin
source:
Claude Roussel à Mayun – enregistrement de Claudie Marcel-Dubois
et Marie-Marguerite Pichonnet-Andral le 27 juillet 1949 pour les ATP
. A écouter sur Dastumedia
catalogue P.
Coirault: Turlututu (4109 – bergère et monsieur)
catalogue C.
Laforte: I, P-21, la rare beauté
L'autre jour en m'y
promenant
L'autre jour en m'y
promenant
Le long de ces
turlututu
bis
Le long de ces lonla
deridette
Le long de ces verts
près
2.
J'ai rencontré ma
mie Jeannette
Le long de ces verts
près
3.
Lors je me suis
approché d'elle
Pour lui vouloir
parler
4.
Mais elle a pris sa
quenouillette
Pour m'en vouloir
frapper
5.
Tout beau, tout
beau, ma mie Jeannette
Je suis votre berger
6.
Mon berger ne port'
point de bottes
Ni d'épée à son
côté
7.
Mais mon berger
porte une flûte
Pour me faire danser
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