dimanche 24 mai 2020

341 Le roi a tout vendu


Situation courante dans la tradition orale: un vieux beau plus ou moins riche cherche à s'attirer les grâces d'une fille, belle mais sans le sou. Nouvel épisode de la lutte des classes ou simple exemple de drague hasardeuse ? Le Monsieur et la Bergère, personnages ordinaires de ces chansons, sont ici remplacés par un roi sur le déclin et une jeune fille qui a bien la tête sur les épaules.
Cette chanson, assez peu répandue, a été collectée, entre autres (1) par Raphael Garcia, à qui nous devons un fonds impressionnant de chansons de la Brière et du Pays Nantais.
Pour écouter la chanson et lire la suite:



Pourquoi le roi a-t-il tout vendu ? D'où vient ce besoin de liquidités ? On sait qu'une des activités préférées de nos nobles chevaliers était la capture de riches personnages pour demander une rançon. C'est le point de départ d'une de nos plus célèbre chanson traditionnelle: le prisonnier des hollandais (Auprès de ma blonde). Le roi de France, François 1er lui même n'a pas échappé à cette façon de s'enrichir en ruinant ses concurrents. Là aussi on en a fait une chanson.
Bref, le premier personnage de notre chanson est donc un roi désargenté. Le second couplet nous apprend que les soldes chez le roi (Merlin ?) n'ont pas rapporté grand chose. Est ce que cette situation a une influence sur la réaction de la jeune fille qu'il courtise ? A priori, non; On se retrouve encore une fois dans cette situation si fréquente dans la tradition orale ou une bergère (une fille du peuple) repousse un monsieur (roi, noble ou bourgeois) qui croit que sa situation suffira à conquérir une fille rêvant de s'élever dans l'échelle sociale.
Après un tour en bateau, voilà donc notre souverain qui invite la fille à “prendre un dernier verre”. Toutes les chansons de bergères n'aboutissent pas à un refus. Mais c'est quand même la conclusion la plus fréquente. Ce refus s'exprime de diverses manières. Pour le cas présent c'est assez courtois, poli et argumenté. On est entre gens de bonne compagnie. De nombreuses bergères ne s’embarrassent pas pour faire savoir au monsieur qu'il est un peu lourdingue. On lui conseille de se tremper dans l'eau fraîche pour refroidir ses ardeurs ou bien on lui donne l'adresse d'un apothicaire pour faire provision de bromure. Encore plus fréquemment on fait appel au berger armé d'un gros bâton ou, tout simplement, on lâche les chiens. C'est peut être son statut de monarque qui vaut au héros de notre chanson de n'essuyer qu'un refus poli. Non seulement la fille ne tombe pas dans la vulgarité mais elle conserve la tête sur les épaules. Aux promesses illusoires d'un roi dans la dèche, elle préfère un prince charmant à sa portée, un gars de village certes mais malgré tout “qui a de quoi”. S'ensuit une énumération du troupeau, modeste mais réaliste pour un jeune couple qui s'installe sur une ferme.
A ces biens matériels s'ajoutent des oisillons sauvages qui sont tout un symbole de ce qui peut faire la différence entre un beau garçon jeune et vigoureux et un vieux seigneur aux finances décadentes.
Comme d'habitude, la chanson utilise la métaphore animalière et plus précisément ornithologique pour définir ce qui ne peut être exprimé d'un manière trop explicite. L'oiseau qui traverse la mer sans mouiller son plumage nous renvoie à la chanson de la semaine précédente. Celle où le rossignol se trempait dans la fontaine.
La succession des couplets présente une structure irrégulière. Nous vous la livrons telle qu'elle a été entendue; dans son jus et sans remise en état, pour employer une terminologie de marchand d'automobiles d'occasion.

Note
1 – également collecté par Joseph Gervot chez Alphonse Denié et Lucie Rastel, ainsi que par Hervé Dréan chez M. Sébilot à Herbignac

interpètes: Janick Péniguel, avec Annick Mousset, Aurélie Aoustin, et Isabelle Maillocheau
source : collecte de Raphael Garcia auprès de Lucie Rastel à Saint-Lyphard 
Pas de correspondance dans les catalogues Coirault et Laforte

Le roi a tout vendu ( bis )
Ses châteaux et ses villes, lon la
Ses châteaux et ses villes

N’a rien trouvé dedans
Ni or, ni argent ( bis )
Qu’une tant jolie fille, lon la…

Si le roi le savait
S’en irait la chercher ( bis )
Dans son plus beau navire, lon la…

La bouteille à la main
Le verre dans l’autre main ( bis )
Mignonne, voulez-vous boire, lon la…

A moi n’appartient pas
De boire dans ce verre ( bis )
Le vin d’un si beau prince, lon la…

A moi appartiendrait
Un beau gars métayer ( bis )
Un beau gars de village, lon la…

Il aura quatre bœufs ( bis )
Cinq à six belles vaches, lon la…

Il aura des brebis ( bis )
Des oisillons sauvages, lon la…

Qui traversent les prés ( bis )
Sans mouiller leur feuillage, lon la…

Qui traversent les mers ( bis )
Sans mouiller leur plumage, lon la…


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