Situation courante
dans la tradition orale: un vieux beau plus ou moins riche cherche à
s'attirer les grâces d'une fille, belle mais sans le sou. Nouvel
épisode de la lutte des classes ou simple exemple de drague
hasardeuse ? Le Monsieur et la Bergère, personnages ordinaires de
ces chansons, sont ici remplacés par un roi sur le déclin et une
jeune fille qui a bien la tête sur les épaules.
Cette chanson, assez
peu répandue, a été collectée, entre autres (1) par Raphael
Garcia, à qui nous devons un fonds impressionnant de chansons de la
Brière et du Pays Nantais.
Pour écouter la
chanson et lire la suite:
Pourquoi le roi
a-t-il tout vendu ? D'où vient ce besoin de liquidités ? On sait
qu'une des activités préférées de nos nobles chevaliers était la
capture de riches personnages pour demander une rançon. C'est le
point de départ d'une de nos plus célèbre chanson traditionnelle:
le prisonnier des hollandais (Auprès de ma blonde). Le roi de
France, François 1er lui même n'a pas échappé à cette façon de
s'enrichir en ruinant ses concurrents. Là aussi on en a fait une
chanson.
Bref, le premier
personnage de notre chanson est donc un roi désargenté. Le second
couplet nous apprend que les soldes chez le roi (Merlin ?) n'ont pas
rapporté grand chose. Est ce que cette situation a une influence sur
la réaction de la jeune fille qu'il courtise ? A priori, non; On se
retrouve encore une fois dans cette situation si fréquente dans la
tradition orale ou une bergère (une fille du peuple) repousse un
monsieur (roi, noble ou bourgeois) qui croit que sa situation
suffira à conquérir une fille rêvant de s'élever dans l'échelle
sociale.
Après un tour en
bateau, voilà donc notre souverain qui invite la fille à “prendre
un dernier verre”. Toutes les chansons de bergères n'aboutissent
pas à un refus. Mais c'est quand même la conclusion la plus
fréquente. Ce refus s'exprime de diverses manières. Pour le cas
présent c'est assez courtois, poli et argumenté. On est entre gens
de bonne compagnie. De nombreuses bergères ne s’embarrassent pas pour
faire savoir au monsieur qu'il est un peu lourdingue. On lui
conseille de se tremper dans l'eau fraîche pour refroidir ses ardeurs
ou bien on lui donne l'adresse d'un apothicaire pour faire provision
de bromure. Encore plus fréquemment on fait appel au berger armé
d'un gros bâton ou, tout simplement, on lâche les chiens. C'est
peut être son statut de monarque qui vaut au héros de notre chanson
de n'essuyer qu'un refus poli. Non seulement la fille ne tombe pas
dans la vulgarité mais elle conserve la tête sur les épaules. Aux
promesses illusoires d'un roi dans la dèche, elle préfère un
prince charmant à sa portée, un gars de village certes mais malgré
tout “qui a de quoi”. S'ensuit une énumération du troupeau,
modeste mais réaliste pour un jeune couple qui s'installe sur une
ferme.
A ces biens
matériels s'ajoutent des oisillons sauvages qui sont tout un symbole
de ce qui peut faire la différence entre un beau garçon jeune et
vigoureux et un vieux seigneur aux finances décadentes.
Comme d'habitude, la
chanson utilise la métaphore animalière et plus précisément
ornithologique pour définir ce qui ne peut être exprimé d'un
manière trop explicite. L'oiseau qui traverse la mer sans mouiller
son plumage nous renvoie à la chanson de la semaine précédente.
Celle où le rossignol se trempait dans la fontaine.
La succession des
couplets présente une structure irrégulière. Nous vous la livrons
telle qu'elle a été entendue; dans son jus et sans remise en état,
pour employer une terminologie de marchand d'automobiles d'occasion.
Note
1 – également
collecté par Joseph Gervot chez Alphonse Denié et Lucie Rastel,
ainsi que par Hervé Dréan chez M. Sébilot à Herbignac
interpètes:
Janick Péniguel, avec Annick Mousset, Aurélie Aoustin, et Isabelle
Maillocheau
source :
collecte de Raphael Garcia auprès de Lucie Rastel à Saint-Lyphard
Pas de
correspondance dans les catalogues Coirault et Laforte
Le roi a tout vendu
( bis )
Ses châteaux et ses
villes, lon la
Ses châteaux et ses
villes
N’a rien trouvé
dedans
Ni or, ni argent (
bis )
Qu’une tant jolie
fille, lon la…
Si le roi le savait
S’en irait la
chercher ( bis )
Dans son plus beau
navire, lon la…
La bouteille à la
main
Le verre dans
l’autre main ( bis )
Mignonne,
voulez-vous boire, lon la…
A moi n’appartient
pas
De boire dans ce
verre ( bis )
Le vin d’un si
beau prince, lon la…
A moi appartiendrait
Un beau gars métayer
( bis )
Un beau gars de
village, lon la…
Il aura quatre bœufs
( bis )
Cinq à six belles
vaches, lon la…
Il aura des brebis
( bis )
Des oisillons
sauvages, lon la…
Qui traversent les
prés ( bis )
Sans mouiller leur
feuillage, lon la…
Qui traversent les
mers ( bis )
Sans mouiller leur
plumage, lon la…
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