Ce type de chanson
est tellement répandu dans les répertoires traditionnels que nous
l'avons déjà rencontré, sous une autre forme (1). Ce n'est pas une
raison pour se priver du plaisir d'y revenir. Pour échapper à un
galant un peu lourdingue les jeunes filles utilisent, dans les
chansons, des stratagèmes qui sèment le doute chez le gêneur. On
en a vu se vanter d'une origine sociale un peu douteuse ou d'un
risque sanitaire (2) pour écarter l'importun. Plus simplement, celle
ci joue sur la corde sensible en se mettant à faire la pleureuse.
Pour écouter la
chanson et lire la suite
Ce texte nous parle
d'un temps que même les plus de vingt ans ne peuvent pas connaitre.
C'était bien avant l'invention de la clôture électrique, bien
avant la généralisation du fil de fer barbelé. En pays de bocage
le champ n'était clos que de haies et fermé par une barrière
rustique. Il fallait donc confier aux jeunes la tâche ingrate de
garder les troupeaux. Ce qui nous a valu tant de chansons de
bergères. Désormais le progrès technique nous épargnera tous ces
soucis. Il parait même qu'on est en train d'inventer un procédé de
“tracking” pour surveiller les moutons ! Le concept de barrière
ne s'est jamais si bien porté; pour éviter les rencontres plus que
pour les favoriser, mais c'est une toute autre histoire !
Bref, le paysage
bocager avec ses haies et ses chemins creux est propice aux
rencontres amoureuses et aux aventures en tout genre. Voilà
probablement pourquoi la jeune fille se met à chanter dès qu'elle
est sur la lande (ou sur la plaine). Le lieu de rencontre y est
désigné comme la “crière” du pré, autrement dit la cornière,
le coin ou la sortie du pâturage, l'endroit par où passent les
bêtes, qui est aussi le plus commode pour faire la conversation.
Si les larmes de la
bergère ne suffisent pas pour se débarrasser de l'intrus on y ajoute
l'argument, imparable, de la mère malade qu'il faut aller soigner.
Comme pour la fille du lépreux, le risque de contagion suffit à
créer la distanciation.
La suite est plus ambiguë. On comprend bien l'argument utilisé dans la version
vendéenne notée par Jérome Bujeaud:
Je pleure mon
avantage
Que vous voulez m’ôter.
De la fille d'une
galle (galeuse)
Qui, ensuite, en voudrait ?
Qui, ensuite, en voudrait ?
C'est une simple
question d'honorabilité. Mais alors comment comprendre ce qui est la
morale de quasiment toutes les versions:
Quand on tenait
la poule il fallait la plumer
En revanche on
comprend bien que le garçon ne faisait pas l'affaire:
Ce gros lourdaud
trop bête pour m'embrasser...
Ce grand godiche
qu'a l'esprit dans ses pieds
La gardienne de
vaches rêve d'ascension sociale. De bergère, elle se voit bien
devenir bourgeoise:
Avec un gars
d’village
Qui saura
travailler
ou, tout simplement,
elle rêve au prince charmant:
Avec le plus bel
homme
Qu'y a dans l’évêché
Dans l’évêché de Nantes
Ou dans celui
d'Angers
et pourquoi pas
Avec le plus beau
gars que la terre a porté
Le plus bel homme
qu'il y a dans l'armée fera aussi bien l'affaire.
Cette chanson a été
fredonnée ou entonnée avec tellement de refrains différents qu'on
ne peut se contenter des ridondon, ridondaine qui, comme ici,
sont les plus fréquents. On trouve assez souvent des:
Vive l'amour les
filles, vive la liberté
Et pour la fine
bouche, on ne peut s'empêcher de conclure sur celui, tout empreint
de poésie, noté par Hervé Dréan dans le bourg de Férel:
Quand j'étais
chez mon père, les jambes en l'air
Garçon z'à
marier les jambes, les jambes
Garçon z'à
marier, les jambes écartées
notes
1 – Voilà ma
journée faite – chanson n° 119 en septembre 2015, et A nous le pompon - chanson n° 300 en juin 2019.
2 – chanson type:
la fille du lépreux. On n'avait pas encore inventé le coronavirus à
l'époque. La chanson des marins de Redon en est une variante (cf
chanson 192 en mars 2017)
interprètes:
Isabelle Maillocheau, avec Janick Péniguel, Annick Mousset, Aurélie
Aoustin
source: Le
trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande –
Fernand Gueriff (Dastum 44 / Parc de Brière – 2009) tome 3, page
86 – chanté par Julien Leroux en 1936 à la Turballe
Catalogue P.
Coirault: le galant intimidé par les pleurs de la belle (1905 –
occasions manquées)
catalogue C.
Laforte: I, K-08 l'occasion manquée
Quand j’étais
chez mon père } bis
Ridondon ridondaine
}
Garçon’z à
marier
Ridondaine daine
Garçon’s à
marier
Ridondé
J’allais garder
les vaches
Ri dondon ri
dondaine
Les moutons dans les
prés
Ridondaine daine…..
Je n’avais rien à
faire
Qu’une fille à
chercher
Un jour j’en
trouvai ‘t une
Dans la crière d’un
pré
J’me suis approché
d’elle
Pour d’amour lui
parler
La fille était
jeunette
Elle se mit à
pleurer
Elle s’enfuit dans
la lande
Et se mit à chanter
Tais toi petite
sotte
Je te rattraperai
Soit à garder les
vaches
Les moutons dans les
prés
Je ne garde pas
vaches
Ni moutons dans les
pré
Ma mère elle est
malade
Je reste à la
garder
Quand elle sera
guérie
Là je m’y
marierai
Avec le plus bel
homme
Qu’il y a dedans
l’armée
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire