C'est un véritable débat
philosophique que cette chanson dialoguée. De la philosophie de
comptoir, certes, mais qui aborde un sujet sérieux sous des abords
plaisants. Elle est de la même veine que la dispute de l'ivrogne
et sa femme ou encore l'ivrogne et le pénitent (1). Mais
cette fois les protagonistes ont laissé place aux deux éléments
qui les personnifient : le vin et l'eau. Il peut être en effet
plus facile de faire passer un message par ce biais que de l'exprimer
au premier degré qui contribuerait à lui donner un aspect trop
moralisateur.
C'est à nouveau le collectage effectué
en 1949 à Mayun par les ATP qui sert de base à cette chanson. Le
texte en a été complété pour lui faire retrouver sa forme
intégrale.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Son timbre a été utilisé à de
nombreuses reprises, en particulier pour des complaintes criminelles.
Si vous suivez assidûment ce blog vous l'aurez reconnu dans la
chanson n° 167 « Au lever de l'aurore » (3).
Nos chanteuses ont reconstitué le
texte manquant dans la collecte des ATP sur la base d'autres
versions, dont une entendue tout près de là, à Crossac. Le début
du sixième couplet a été remanié avec des éléments plus
modernes. Dans certaines versions imprimées au siècle dernier, il
débute par :
Je sers aussi la messe
Au nom du Saint Agneau
Je sers pour le commerce
Portant de gros vaisseaux...
la suite est identique. D'autres
passages ont subi quelques variations par rapport à ce qu'on
pourrait qualifier de version sinon originale du moins la plus
courante. Ainsi, au troisième couplet J'intéresse et je fête
apparaît le plus souvent comme : Je terrasse et j'entête.
De même le vin de
Bourbon est-il originaire de
Bourgogne. Quand au petit
lutin, il se contente
généralement d'être mutin. Tous ces remaniements
sont une caractéristique des chansons dont la diffusion écrite a
précédé l'adoption par la tradition orale.
Et si chanter ces couplets vous donne
soif, vous n'avez que l'embarras du choix. Choisis ton camp
camarade !
Notes
1 – chansons que vous retrouverez
sous les n° 155 de juin 2016 (l'ivrogne et sa femme) et 129 de
novembre 2015 (l'ivrogne et le pénitent)
2 – Chants populaires recueillis dans
le pays Messin – tome 1, page 241 (1881)
3 - chanson publiée en septembre 2016.
L'un des personnages de la chanson se nomme Périer. Ça coule de
source !
interprètes : Annick
Mousset (le vin) Isabelle Maillocheau (l'eau)
source : Pierre Lelièvre
de Mayun (la Chapelle des Marais – 44) enregistrement des ATP en
1949
autre version notée à Crossac ?
Arrangements : Isabelle et Annick
catalogue P. Coirault :
10702 – l'eau et le vin 1 (hélas que tu es folle...)
catalogue C. Laforte : III,
G-05 – le vin et l'eau
L’EAU ET LE VIN
Hélas que tu es folle
Le vin parlant à l’eau
Toujours tu coules tu roules
Le long de ce ruisseau
Tu es pire qu’une errante
Toujours tu suis la pente
Du moins, imite-moi
Car l’homme sans mélange
Me donne ses louanges
Mille fois plus qu’à toi
Mille fois plus qu’à toi
Mais l’eau avec sagesse
Sitôt répond au vin
Tu parles avec hardiesse
Tais toi petit lutin
Ton haleine est fétide
Je suis claire et limpide
Je fais la propreté
Tu avilis les hommes
Tes vapeurs les assomment
Tu les rends hébétés
Tu les rends hébétés
J’intéresse et je fête
Tous ces hommes imprudents
Qui veulent me tenir tête
A moi qui suis puissant
Toi qui es si cruelle
Quoique tu sembles belle
Même aux yeux de plusieurs
Ils vont à grand’ haleine
Pour boire à ta fontaine
Tu affaiblis le cœur
Tu affaiblis le cœur
J’arrose les montagnes
Les plaines et les vallons
Les collines les campagnes
Les moulins et le ponts
Je réjouis le monde
Sur terre et sur l’onde
Par mes attraits puissants
Tu es insupportable
Tu es insupportable
Trompeur et arrogant
Trompeur et arrogant
Au royaume d’Espagne
Je jouis d’un grand renom
En Bourbon en Champagne
On révère mon nom
En France en Italie
Je sers et suis servi
A la table des grands
Même au Saint Sacrifice
Je suis dans le calice
Toujours au premier rang
Toujours au premier rang
Je suis dans le pastis
A l’heure de l’apéro
Et oui j’ai donc un vice
Mais m’en repens bientôt
Alors dans le baptême
Les âmes elles-mêmes
Viennent se blanchir à moi
Tous les jours sans relâche
Je nettoie les mille tâches
Qui sont faites par toi
Qui sont faites par toi
T’envoies avec hardiesse
Les inondations
Qui causent la détresse
A toutes les nations
Et contre la justice
Tu portes préjudice :
De tous nos compagnons
Tu es pire qu’une armée.
Dans toutes nos contrées
Tu les réduis au fond
Tu les réduis au fond
L’homme avec grand instance
Offre pour moi des vœux
Demande ma présence
Et mes soins généreux.
Je réjouis le monde
Sur la terre et sur l’onde
Je suis la bienvenue
Bien loin de me confondre
Tu pourrais te morfondre
Tais-toi ne parle plus
Tais-toi ne parle plus.
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