Le petit mari est un des grands
classiques du répertoire traditionnel. On ne compte plus le nombre
de versions, récoltées en tous points du territoire, de ces
aventures tragi-comiques contées par de jeunes épouses déçues.
Ces épisodes sont souvent assortis de refrains du type « jamais
je n'avais tant ri » qui expriment autant la dérision ou la
moquerie que la joie de vivre. Le terme de petit mari ne fait pas
référence à sa mesure sous la toise mais à ses difficultés à
satisfaire son épouse.
Plusieurs chansons-type ont décliné
ce thème, avec des fins plus ou moins heureuses. Dans une précédente
livraison (1) le jeune marié s'en tirait avec l' obligation de
remplir son devoir conjugal trois fois par nuit. Ici la fin est plus
cruelle.
Pour écouter la chanson et lire la
suite
Nous avons beaucoup insisté
précédemment sur les dénouements heureux de cette histoire :
Il me fit voir un petit moine gris
Nous le mettrons en paradis
ou encore :
Il m'embrassa trois la nuit...
Nous voici maintenant en présence
d'une fin grotesque sinon tragique. Cette conclusion n'est pas
spécifique aux chansons de petits maris. On la retrouve aussi dans
celles où une jeune femme contrainte d'épouser « un
vieillard », cherche à s'en débarrasser pour prendre un plus
jeune. En particulier celle qui souhaite qu'on prenne un « édit
d'écorcher les vieux maris » (2).
Comme beaucoup de chansons de cette
catégorie, elle nous donne des détails réalistes et sanglants :
coup de trique et coups de couteaux...on est dans la série noire !
Et pour que la vengeance soit parfaite on va faire mentir l'adage qui
veut que le crime ne paie pas. La criminelle tire profit de son
forfait en joignant l'utile à l'agréable. La peau du mari a vite
fait de trouver une utilisation. Elle en fera des rideaux de lit. Ce
terme désigne un accessoire qui a disparu mais qui était
indispensable à une époque ou bien des familles vivaient dans une
pièce unique. Ces rideaux de lit étaient la seule séparation
préservant une certaine intimité. Contrairement à une idée reçue,
le lit clos était loin d'être généralisé.
Si notre mariée utilise aussi la peau
pour faire des vêtement de deuil (pas si petite que cela, la peau!)
d'autres versions en proposent des usages différents. Pour Jeannette
Maquigon, en pays de Redon, c'était une descente de lit :
Le matin quand je descend du lit
Je saute sur le dos de mon mari
Je saute sur le dos de mon mari
Dans le pays de Loudéac on utilise les
propriétés de la peau pour conserver le tabac :
J'en fis des blagues à mes
amis,
J'en gardis eune pour mé aussi
J'en gardis eune pour mé aussi
Mais parfois la transaction ne rapporte
rien, comme dans cette chanson notée par François Simon dans le
Choletais :
je partis vend la piau à Paris
à six yards la piau dau chetchi
(chétif)
Ren n'en voulis j'la rapportis
Celle que nous chantons ici a été
collectée dans le nord du département par Jean Tricoire. Mais cette
chanson revient avec tellement d'insistance et tant de variantes dans
les répertoires des chanteurs et chanteuses de tradition que nous ne
résisterons probablement pas au plaisir de vous en proposer d'autres
une prochaine fois.
A bientôt
notes
1 – chanson n° 170 en octobre 2016
2 – écoutez par exemple « Quand
Margoton sort de sa cour » sur notre double CD Anthologie du
patrimoine oral de Loire-Atlantique
interprète : Janick
Peniguel avec Christine Dufourmantelle, Janig Juteau, Liliane Berthe
et Jean-Louis Auneau (réponses) Dominique Garino (guitare)
source : Denise Boulay, de
Massérac (44) enregistrée en octobre 1965 par Jean Tricoire
catalogue P. Coirault : La
jeune mariée qui chasse son mari du lit (Maumariée, mari petit… -
N° 05604)
catalogue C. Laforte : Le
nouveau marié piqué (I, D-08)
Mon père m’a donné un mari
Mon père m'a donneu un mari (bis)
La première neu j'couche avec li
Oh, crénom de nom, qu'j'étais ben
aise
Jamais d'ma vie j'n'avais tant ri
La première neu j'couche avec li (bis)
Et toute la neu, il n'fît qu'dormir
Oh, crénom de nom , qu'j'étais ben
aise…
J'pris eun aguille et je l'piquis
Prit son caleçon, le v'là parti
J'pris ma culotte et je l'suivis
Devinez donc où je l'trouvis
Derrière la porte à faire pipi
Je pris eun trique et j'l'assommis
J'pris mon coutiaw et j'l'épiawlis
J'portis sa piaw à la tannerie
Pour m'en faire des ridiauwx de lit
Et pour porter le deuil de li.
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