vendredi 9 mars 2018

239 - Mon père m’a donné un mari


Le petit mari est un des grands classiques du répertoire traditionnel. On ne compte plus le nombre de versions, récoltées en tous points du territoire, de ces aventures tragi-comiques contées par de jeunes épouses déçues. Ces épisodes sont souvent assortis de refrains du type « jamais je n'avais tant ri » qui expriment autant la dérision ou la moquerie que la joie de vivre. Le terme de petit mari ne fait pas référence à sa mesure sous la toise mais à ses difficultés à satisfaire son épouse.
Plusieurs chansons-type ont décliné ce thème, avec des fins plus ou moins heureuses. Dans une précédente livraison (1) le jeune marié s'en tirait avec l' obligation de remplir son devoir conjugal trois fois par nuit. Ici la fin est plus cruelle.
Pour écouter la chanson et lire la suite

Nous avons beaucoup insisté précédemment sur les dénouements heureux de cette histoire :
Il me fit voir un petit moine gris
Nous le mettrons en paradis
ou encore :
Il m'embrassa trois la nuit...
Nous voici maintenant en présence d'une fin grotesque sinon tragique. Cette conclusion n'est pas spécifique aux chansons de petits maris. On la retrouve aussi dans celles où une jeune femme contrainte d'épouser « un vieillard », cherche à s'en débarrasser pour prendre un plus jeune. En particulier celle qui souhaite qu'on prenne un « édit d'écorcher les vieux maris » (2).
Comme beaucoup de chansons de cette catégorie, elle nous donne des détails réalistes et sanglants : coup de trique et coups de couteaux...on est dans la série noire ! Et pour que la vengeance soit parfaite on va faire mentir l'adage qui veut que le crime ne paie pas. La criminelle tire profit de son forfait en joignant l'utile à l'agréable. La peau du mari a vite fait de trouver une utilisation. Elle en fera des rideaux de lit. Ce terme désigne un accessoire qui a disparu mais qui était indispensable à une époque ou bien des familles vivaient dans une pièce unique. Ces rideaux de lit étaient la seule séparation préservant une certaine intimité. Contrairement à une idée reçue, le lit clos était loin d'être généralisé.
Si notre mariée utilise aussi la peau pour faire des vêtement de deuil (pas si petite que cela, la peau!) d'autres versions en proposent des usages différents. Pour Jeannette Maquigon, en pays de Redon, c'était une descente de lit :
Le matin quand je descend du lit
Je saute sur le dos de mon mari
Dans le pays de Loudéac on utilise les propriétés de la peau pour conserver le tabac :
J'en fis des blagues à mes amis,
J'en gardis eune pour mé aussi
Mais parfois la transaction ne rapporte rien, comme dans cette chanson notée par François Simon dans le Choletais :
je partis vend la piau à Paris
à six yards la piau dau chetchi (chétif)
Ren n'en voulis j'la rapportis
Celle que nous chantons ici a été collectée dans le nord du département par Jean Tricoire. Mais cette chanson revient avec tellement d'insistance et tant de variantes dans les répertoires des chanteurs et chanteuses de tradition que nous ne résisterons probablement pas au plaisir de vous en proposer d'autres une prochaine fois.
A bientôt

notes
1 – chanson n° 170 en octobre 2016
2 – écoutez par exemple « Quand Margoton sort de sa cour » sur notre double CD Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique

interprète : Janick Peniguel avec Christine Dufourmantelle, Janig Juteau, Liliane Berthe et Jean-Louis Auneau (réponses) Dominique Garino (guitare)
source : Denise Boulay, de Massérac (44) enregistrée en octobre 1965 par Jean Tricoire
catalogue P. Coirault : La jeune mariée qui chasse son mari du lit (Maumariée, mari petit… - N° 05604)
catalogue C. Laforte : Le nouveau marié piqué (I, D-08)

Mon père m’a donné un mari

Mon père m'a donneu un mari (bis)
La première neu j'couche avec li
Oh, crénom de nom, qu'j'étais ben aise
Jamais d'ma vie j'n'avais tant ri

La première neu j'couche avec li (bis)
Et toute la neu, il n'fît qu'dormir
Oh, crénom de nom , qu'j'étais ben aise…

J'pris eun aguille et je l'piquis

Prit son caleçon, le v'là parti

J'pris ma culotte et je l'suivis

Devinez donc où je l'trouvis

Derrière la porte à faire pipi

Je pris eun trique et j'l'assommis

J'pris mon coutiaw et j'l'épiawlis

J'portis sa piaw à la tannerie

Pour m'en faire des ridiauwx de lit

Et pour porter le deuil de li.

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