Pourquoi les oiseaux chantent-ils
toujours en latin dans les chansons traditionnelles ? Cette
langue aujourd'hui considérée comme morte, était autrefois celle
de l’Église mais aussi des savants, des érudits. Les oiseaux sont
donc présentés comme des sages ou des philosophes exprimant des
maximes dans un langage incompréhensible pour le commun des mortels.
Ce qui n'a pas empêché la tradition populaire d'y prêter une
signification. Voyez à ce propos les mimologismes dont quelques
beaux exemples figurent sur le CD « Pays de Chateaubriant »
que nous avons récemment publié (1).
Voyons maintenant pourquoi cette
histoire se déroule à Pénestin.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
La cité de Pénestin, située à
l'embouchure de la Vilaine, fait partie de ces quelques communes au
sud de la rivière, rattachées au Morbihan au moment de la création
des départements dans le cadre de tractations entre les anciens
diocèses de Nantes, Vannes et Rennes. Quel est donc cet écrivain
qui loge dans le bourg ? Fernand Guériff, qui reprend cette
chanson des collectes de Gustave Clétiez au 19ème siècle, a
lui-même entendu cette version « chantée intégralement par
Georges Lequimener, à Quimiac, en 1952 ». Il ajoute :
« C'est la version originale de ce chant devenu célèbre,
recueilli par Gustave Clétiez. Ce dernier l'avait communiqué (avec
bien d'autres) à son ami François Delsarte, professeur de chant au
Conservatoire de Paris, pour ses Archives du chant ».
Originale, cette chanson l'est certainement, mais pas au sens que lui
donne Guériff. Son thème et sa structure type sont bien antérieurs
à la collecte de Clétiez en pays guérandais. Pour comprendre
l'origine de cette chanson, le mieux est encore une fois d'en
chercher d'autres versions. Nous en trouvons dans le nord et l'est de
la France, en Wallonie, en Vendée et même dans le recueil d'Adèle
Pichon au Bourg de Batz (2), qui débutent par : « c'est
dans la rue du plat (ou du pot) d'étain ».
Il existe à Paris une rue du
Plat-d'Étain, proche du quartier des halles, dans le 1er
arrondissement. Elle tient son nom de l'enseigne d'une maison. On y
trouvait autrefois un cabaret fréquenté par des écrivains tels que
Marmontel, Diderot et d'Alembert. Voilà pour l'origine historique,
qui nous permet également de dater cette version de la chanson de la
seconde moitié du 18ème siècle. Car le texte lui-même est déjà
connu à cette époque. Ballard l'a noté en 1724 dans ses « rondes
à danser » :
Me suis levé par un matin
amour tu n'entends point
M'en suis allée dans mon jardin
Vive l'amour de ma maitresse
amour tu n'entends point
Le bout de la rue qui fait le coin
Ce « bout de la rue qui fait le
coin » est d'ailleurs indiqué par Guériff comme une
alternative à la dernière phrase du refrain « elle a mon cœur
et j'ai le sien ».
Rien d'étonnant qu'un(e) interprète
locale ait transformé en Pénestin le plat d'étain qui n'était
peut être pour lui (elle) que ...du latin.
Quand à la morale de l'histoire, elle
est on ne peut plus classique, opposant encore une fois les défauts
supposés des hommes et des femmes. Il manque ici l'habituel :
Et les femmes encore bien moins
Mais ces arguments, on le sait, sont
interchangeables en fonction de l'interprète ou de l'inspiration du
moment. La version notée par Adèle Pichon nous offre en prime une
autre maxime :
Que bouteille ne vaut rien sans vin
Ni treille verte sans raisin
A votre santé !
Notes
1 – voir ailleurs sur ce blog. Un
double CD avec livret de 140 pages pour 17 euros ; c'est une
affaire !
2 – collectée aussi au 19è ;
sa mélodie est très proche, avec pour refrain :
Que les amants sont volages
Non, non, non je n'aimerai plus,
Je serai toujours sage
interprètes : Roland
Guillou avec réponses de Yannick Elain, Ewen D'Aviau, Jean-Louis
Auneau
source : Fernand Gueriff,
tome 1 du Trésor de schants populaires folkloriques du pays de
Guérande, p 119 – collecte Gustave Clétiez (1830 – 1896) et
chanson de Georges le Quimener à Quimiac en 1952
catalogue P. Coirault :
2406 le rossignol et son latin
catalogue C.Laforte : 1,
G-3 la belle au jardin
Dans la rue de Pénestin
Amour tu n'entends point
Il y a un écrivain
Vive le cœur de ma maitresse
Amour tu n'entends point
Elle a mon cœur et j'ai le sien
A tous les mots qu'il écrivait
Mignonne voulez vous m'embrasser ?
Non ma mère le saurait
Qui voulez vous qui lui dirait ?
Le rossignol de ces bois
Les rossignols ne parlent point
Ah si quand ils ont bien apprins
Ils parlent français et latin
Que disent-ils dans leur latin
Que les hommes ne valent rien
Pour les filles n'en disent rien
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