Un petit nombre de chansons célèbrent
les exploits des corsaires et autres flibustiers. Le « trente
et un du mois d'août » est la plus connue. Son refrain
s'adresse au roi d'Angleterre avec le même terme qui assura la
célébrité d'un général nantais. C'est d'ailleurs son timbre qui
a servi a l'élaboration de la chanson « la Corsairienne ».
Elle a été publiée pour la première
fois au milieu du 19è siècle dans l'ouvrage de Guillaume de la
Landelle « le gaillard d'avant ». C'est plus un chant sur
le milieu maritime qu'un chant de marins au sens où on l'entend
habituellement. Elle fait référence à des événements biens réels
et nous renseigne sur des faits moins connus de cette activité :
les rapports des équipages de course avec les financiers et la
justice.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Deux versions ont servi à recomposer
le texte de notre chanson. Outre celle de La Landelle, une autre
version, avec des couplets absents dans la précédente, a été
imprimée dans « l'histoire de la baie de Bourgneuf » de
Louis Lacroix (1). Celui ci indique que c'est « à l'époque de
la révolution. que fut, dit-on, composée la Corsairienne, remise en
honneur en 1914 ».
Louis Lacroix, capitaine au long cours,
et historien de la marine a publié de nombreux ouvrages sur les
derniers temps de la marine à voile consacrés principalement à
l'ère des grands voiliers. Ses publications et celles du commandant
Hayet, sont des sources importantes du revivalisme des chants de
marins.
Le texte de cette chanson est plus ou
moins inspiré des aventures du corsaire nantais Jacques Cassard (2),
mais pourrait aussi bien s'appliquer à d'autres comme Surcouf ou
Dugay-Trouin. Ces intrépides gens de mer étaient beaucoup plus à
l'aise sur leur élément, face aux tempêtes ou aux canons ennemis,
qu'à terre face à leurs créanciers ou à l'administration royale.
La marine française des 17è et 18è
siècles ayant pris beaucoup de retard face aux concurrents
portugais, hollandais, espagnols et surtout anglais, la royauté
trouvait plus simple et moins coûteux de confier certaines tâches
guerrières...au privé. C'est ainsi que des armateurs,
officiellement agréés par des lettres de marque du roi,
finançaient des expéditions de course (origine du terme
corsaire) en ayant pour garantie de se payer sur les prises faites à
l'ennemi. Malheureusement pour ceux qui risquaient leur vie sur les
vaisseaux, le retour n'était pas si simple. Les financiers, les
armateurs réclamaient, bien sur, leur part. Mais les autorités
étaient beaucoup plus regardantes au moment de récompenser les
services rendus et trouvaient tous les prétextes pour spolier les
corsaires de leurs gains.
C'est la mésaventure qui précipita la
fin du nantais Jacques Cassard. Après des succès en Méditerranée
et aux Antilles, il eut toutes les peines à récupérer son du. Se
ruinant en procès et en bisbilles avec l'administration royale, il
finit par perdre son sang froid et, semble-t-il, la raison, finissant
ses jours interné au fort du Ham.
Voilà donc cette histoire résumée en
chanson. Nul doute que celle ci ait pu rencontrer, plus tard, un
certain succès dans les milieux maritimes. Les occasions pour les
navigants de brocarder les terriens n'ont sans doute jamais manqué.
Cette chanson, entre autres, illustrera
la veillée-concert que nous organisons mardi 27 mars à 20h. aux
Archives Départementales de Loire-Atlantique, sur le thème « marins
et corsaires ». A bientôt.
Notes
1 - Louis Lacroix (1877 – 1958) est
originaire de La Bernerie-en-Retz (44) – auteur, entre autres, de :
Les Derniers Grands Voiliers, Les Derniers Baleiniers Français, Les
Derniers Cap-Horniers Français, Les Derniers Voiliers Morutiers
Terreneuvas, Islandais, Groënlandais...et d'ouvrages sur l'histoire
locale.
2 - Jacques Cassard (1679-1740) se fait
remarquer par ses exploits contre des navires marchands sur les côtes
de l'Angleterre. On lui confie l'escorte de convois de
ravitaillements en Méditerranée et d'opérations de guerre dans les
Antilles. Le manque de reconnaissance, notamment financière, pour
ces actions a causé sa perte.
interprètes : Jean-Louis
Auneau avec Jean Auffray, Dominique Juteau, Dominique Garino
sources : 1) Le
gaillard d'avant, chansons maritimes, Guillaume de la Landelle –
Paris 1865 / 2) Histoire de la Baie de Bourgneuf et de son littoral,
Louis Lacroix – 1942
Au corsaire qui court son bord
Il faut la victoire ou la mort
Hale dessus, vive la France
En débordant de Saint Malo
Nos longs avirons battaient l'eau
En débordant de Saint Malo
Nos longs avirons battaient l'eau
Hale dessus et bonne chance
Au large, ouvre l'oeil matelot
Les meilleurs ships sont les plus gros
Notre péniche va filant
Plus raide qu'un poisson volant
Hale dessus, tu seras riche
Plus riche que douze mylords
Si la chance est pour nous dehors
J'ons rencontré un gros transport
Ayant son lest en lingots d'or
Hale dessus, à l'abordage
Nous le crochons, le voilà pris
Et j'ai mis le cap sur Paris
Flibustiers du papier timbré
M'ont mis à sec et m'ont coffré
Hale dessus, rage et colère
M'ont traité comme en Angleterre
Nous ont tout pris, c'est la misère
Un pied chaussé et l'autre nu
A bord je m'en suis revenu
Hale dessus les plus corsaires
Les corsaires les plus mauvais
Ne croisent pas contre l'anglais
Les juges et les avocats
Sont forbans comme on n'en voit pas
Hâle dessus, entrons en danse
Si l'on me recroche à Paris
C'est que les chats seront souris
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