On
n'en a toujours pas fini avec le « Brexit », dernier
épisode des chamailleries qui nous opposent à nos cousins
d'outre-manche. Chamailleries, le terme est faible pour désigner des
événements comme la guerre de cent ans. Cousins, parce que depuis
Guillaume le Conquérant ou Aliénor d'Aquitaine on sait quels liens
unissent les deux nations, même si, depuis, Jeanne d'Arc ou Napoléon
les ont quelque peu distendus.
Les
chansons ont rapporté ces relations conflictuelles au travers
d'aventures navales, de mariages princiers ou tout simplement de
différents amoureux. C'est le cas ici avec cette chanson, notée
dans le Pays de Retz.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Le
match entre le roi d'Angleterre et la bergère c'est un peu comme le
tournoi des six nations ; ça revient régulièrement. Souvenez
vous : dans la chanson n° 123 (1), en octobre 2015, c'est
l'anglais qui remportait la partie « Au pied d'un lilas
blanc la belle est tombée morte ». Aujourd'hui la bergère
tient sa revanche !
Nous
avons toujours le même thème mais avec des refrains complètement
différents. Ce qui montre à quel point un texte peut s'adapter à
toutes les circonstances au travers de la tradition populaire. Le
caractère maritime de cette version ne vous aura pas échappé, sans
qu'on puisse pour autant parler de chanson de marins. Mais là n'est
pas l'essentiel.
Ce
n'est pas non plus le nombre de jeunes filles qui importe. Dans la
chanson du répertoire de Clémentine Jouin (1), elles étaient juste
trois au bord d'une fontaine. Nous avons rencontré d'autres versions
avec jusqu'à treize ou vingt demoiselles. Pour celle ci on ne lésine
pas sur le nombre ; elles sont trente deux (2).
Ce
qui peut surprendre c'est qu'à partir d'un incident identique on
parvienne à des conclusions aussi diamétralement opposées. Le roi
d'Angleterre refuse de saluer ou d'embrasser l'une des jeunes filles.
La guerre est déclarée et le choix des armes nous surprend toujours
autant : épée contre quenouillette. Mais depuis la version
précédente la belle a pris des cours d'escrime. Cette fois elle
vient à bout de l'ennemi héréditaire. Après avoir perdu à
l'aller, elle gagne le match retour.
Le
sens caché de ce texte n'est sans doute pas à prendre au premier
degré, comme nous le faisons. Ce combat sur l'herbette est
probablement moins militaire que sentimental. La preuve ? Cette
conclusion qui revient dans certaines versions, que nous avons déjà
mentionnées (3) mais que nous ne résistons pas au plaisir de
reproduire :
Oh
non je ne suis pas mort, j'irai au bal ce soir
A
quel bal iras tu ? Au bal des demoiselles
Laquelle
prendras tu ? Celle qui m'a fait la guerre
Ailleurs,
le roi fait amende honorable et reconnaît ses torts :
La
belle embrassons nous nous ne ferons plus la guerre
Et
c'est ainsi que, depuis des siècles et pour longtemps encore,
Français et Anglais continueront à entretenir le plaisir de
s'affronter sur l'herbette des relations amoureuses...ou des terrains
de rugby !
Notes
1
– Au pied d'un lilas blanc – chanson n° 123 en octobre 2015
2
– le record est tenu par une version Franc-comtoise, avec 80
demoiselles (chanson populaires comtoises – J. Garneret, t. 1, p.
71)
3
– J'entends le rossignolet – p. 135 du tome 3 des chansons
populaires du Bas-Berry de Barbillat et Touraine
interprète :
Liliane Berthe avec Janig Juteau, Janick Peniguel et Christine
Dufourmantelle
source :
quatre vingt chansons du Pays de Retz ; cahier de chansons du
ménétrier Poiraud ; chanson n°28
catalogue P. Coirault : 3809 – la bergère et le roi d'Angleterre
catalogue C. Laforte : I, C-1 – les trois filles et le roi d'Angleterre
1) Chez mon père j’étions trente deux fillettes. }
Chez mon père j’étions trente deux fillettes. } ( bis )
Toutes les trente deux dansant sur l’herbette.
J’aime les mariniers sur terre et sur mer, }
J’aime les matelots sur terre et sur l’eau. } ( bis )
2) Toutes les trente deux ...
Par ici passa, le roi d’Angleterre.
J’aime les mariniers ...
3) Par ici ...
Les embrassa toutes, hormis la plus belle.
J’aime les mariniers ...
4) Les embrassa ...
“ Tu ne m’embrasses pas, toi roi d’Angleterre.
J’aime les mariniers ...
5) “ Tu ne m’embrasses pas ...
Prends ta claire épée, moi ma quenouillette.
J’aime les mariniers ...
6) Prends ...
Et allons nous battre, là-bas sur l’herbette.
J’aime les mariniers ...
7) Et allons ...
La fille a tué le roi d’Angleterre.
J’aime les mariniers ...
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