Bon nombre de chansons grivoises
débutent par la formule « M'en revenant de... ». En
revenant du Piémont, de Paris, de Lille en Flandre, ou tout
simplement de métive, nous font souvent présager une suite plutôt
coquine. Nantes n'échappe pas à cette tendance. Sans parler du trop
célèbre itinéraire qui nous mène de Nantes à Montaigu, nous
connaissons également une chanson qui fait le voyage dans l'autre
sens : En revenant de Paris jusqu’à Nantes. C'est l'histoire
d'un jeune homme sommé de recommencer ses exploits et qui avoue
"qu'il n'y a pas moyen, y a plus d’huile dans la lampe."
Celle que nous avons choisie cette semaine, récoltée en Haute-Bretagne, est beaucoup moins connue, mais gagne à l'être.
Celle que nous avons choisie cette semaine, récoltée en Haute-Bretagne, est beaucoup moins connue, mais gagne à l'être.
Pour écouter la chanson et lire la
suite
Pour toutes les personnes qui
s'intéressent aux rencontres entre le FC Nantes et le Paris
Saint-Germain et que les moteurs de recherche auront amenés à
découvrir cette chanson, précisons que son thème n'a rien de
sportif. Cette insistance à associer des textes grivois avec des
histoires de voyage est curieuse. Est ce une façon de situer
« ailleurs » des aventures qu'une certaine morale aurait
du mal à accepter ? Précaution oratoire ou habitude de
présenter des aventures plaisantes avec une formule convenue ?
Cela mériterait un étude plus approfondie. Mais notre temps est
limité et le votre aussi.
De même, il est fréquent de trouver
trois filles dans ces chanson légères. L'occupation de nos trois
mômes est assez inhabituelle. Au passage, cette chanson nous en
apprend sur la culture du lin ! Traditionnellement, pour lui
conserver toute la longueur de sa fibre, cette plante était cueillie
à la main. D'où l'utilisation de ce verbe « poignetter »
qu'il ne faut pas espérer trouver dans le dictionnaire usuel (1).
L'opération suivante était le broyage. D'ailleurs, les versions
canadiennes de la chanson nous parlent de jeunes filles qui broyaient
du lin.
Bien des ingrédients d'une chanson
grivoise sont donc réunis ici, outre l'incipit, un médecin, des
jeunes filles dont l'une souffre du mal de reins. Parmi les autres
protagonistes, voici la maquerelle, qui permet d'imaginer que la
culture du lin n'est peut être pas l'activité principale de ces
«mômes ». Quand au père taupin, présent dans certaines
chansons paillardes, il fait référence à un milieu universitaire
porté sur ce type de gauloiseries. Le texte reste malgré tout assez
sobre, à part cet insistant « comme un con » au refrain.
Pour découvrir d'autres exemples de
cette chanson il faut donc traverser l'Atlantique et s'intéresser
aux collectes effectuées au Québec ou en Acadie. Les version notées
par Marius Barbeau ou Geneviève Massignon (2) ne situent pas
l'action à Nantes mais à Saint Martin. Pourtant nous y sommes
toujours dans le domaine du teillage du chanvre ou du lin, ce qui l'a
fait classer un peu rapidement dans les chansons « de métiers »
(mais quel métier fait-elle?). Pas d'accouchement au menu, mais
l'une des filles a la jaunisse. Le docteur ne fait pas bien son
travail et coûte fort cher contrairement aux bons soins du
chanteur :
Les docteurs font payer
et moi je ne charge rien
Ces versions canadiennes présentent la
même structure en vers de douze pieds, avec des refrains très
différents. En dehors de ces sources nous n'avons pas trouvé
d'autres équivalents de cette chanson. Ce qui ne veut pas dire qu'il
n'y en a pas. Nous ne serions pas surpris d'en rencontrer dans
quelque recueil de chansons paillardes et autres bréviaires de
carabins. Affaire à suivre.
note :
1 – à l'exception du Petit Matao,
dictionnaire gallo-français (Régis Auffray, rue des scribes
éditions, 2007) – pognetter = moissonner à hauteur
2 – Marius Barbeau : En roulant ma boule – musées nationaux du Canada (1982) – Geneviève Massignon : ...autour de 50 chansons recueilles en Acadie – BnF (1984)
2 – Marius Barbeau : En roulant ma boule – musées nationaux du Canada (1982) – Geneviève Massignon : ...autour de 50 chansons recueilles en Acadie – BnF (1984)
interprète : Jeannette
Lebastard, assistée de Janick Peniguel, Christine Dufourmantelle,
Dominique Garino, Jean Auffray et Jean-Louis Auneau
source : Charles Quimbert
enregistré par Patrick Bardoul lors d'une rencontre de chant
traditionnel en Pays de la Mée, en 1993 à Erbray – chanson
apprise de Thérèse Volant à Saint-Just (Ille-et-Vilaine) en 1993.
M'en revenant de Nantes, de Nantes à
Saint Germain
J'ai rencontré trois mômes qui
poignettaient du lin
Comme un con
Mirliton la les filles, allons la la
mirliton
La plus jeune de ces filles avait grand
mal aux reins
Il faut aller de suite chercher le
médecin
Le médecin arrive, arrive de grand
matin
Apportez moi de l'eau et aussi mon
manchon
Qu'est c'qui s'ra la marraine de ce
p'tit comédien
Ca s'ra la mère maquerelle et le vieux
père taupin
Le bon vieux curé dit on l'appellera
Simon
Il galopera les filles de Nantes à
Saint Germain
Il y r'trouvera son père jouant du
violon
Là finit mon histoire de ces trois
jeunes mômes
Qui poignettaient du lin de Nantes à
Saint Germain
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