Avec
pour refrain « verse dans mon verre », on peut être
assuré de tenir là une chanson à boire. L'histoire en elle même
n'est que prétexte à rire, à chanter et consommer des boissons
euphorisantes. Nous ne chercherons pas de signification particulière
à cette saynète plus orientée sur la gaudriole que sur la critique
sociale.
L'expression
piquer des choux n'est pas le reflet d'une vie très exaltante. Mais
le buveur est philosophe, c'est bien connu. Son bonheur tient à des
choses simples et ses ambitions sont limitées. Sa femme l'a quitté ?
Il se consolera avec la servante. D'ailleurs si on la lui ramène au
bout de huit jours ce n'était peut être pas une affaire. Tout ceci
est bien misogyne, mais c'est souvent le cas des chansons de
goguettes et de cabarets, fréquentés par une clientèle
essentiellement masculine.
pour écouter la chanson et lire la suite:
Curieusement,
les grands spécialistes de la chanson populaire ont voulu voir dans
ce texte autre chose qu'une simple plaisanterie. Coirault et Laforte
la classent respectivement dans les rubriques « maumariés »
et « enlèvements ». Mais rien ne nous indique vraiment
que ce mari jaloux ait fait une mauvaise alliance ni que sa femme ne
soit pas partie de son plein gré !
La
première apparition de ce thème dans un recueil de chansons
remonterait à 1624 (1). Depuis elle a fait son chemin, comme toutes
les histoires dont s'est emparé la tradition orale. C'est à dire
qu'on la retrouve un peu partout, conservant le même déroulement,
avec des mélodies, des rythmes et des refrains variés. Elle a
souvent été adaptée à la danse. Ainsi elle est certainement plus
connue, avec une autre mélodie, comme support d'une ridée dans le
pays gallo.
Pourtant, d'une région à l'autre, c'est la ritournelle « verse dans mon verre » qui demeure la plus constante. Des exceptions ? Une version notée en Wallonie avec un très court « cric, crac, boum » et à l'inverse un refrain plus développé en Bresse :
Pourtant, d'une région à l'autre, c'est la ritournelle « verse dans mon verre » qui demeure la plus constante. Des exceptions ? Une version notée en Wallonie avec un très court « cric, crac, boum » et à l'inverse un refrain plus développé en Bresse :
Arrive
qui plante
Je
suis matelot
Rien
ne m'épouvante
Quand
je suis sur l'eau
le
département de l'Ain n'étant pas forcément celui où on s'attend à
retrouver des chansons de marins.
Notre
version, recueillie par l'association la Chouettée de la Madeleine,
à Guérande et publiée par Fernand Guériff, est assez semblable à
celles collectées ailleurs en Loire-Atlantique et dans les
départements voisins. Tout au plus note-t-on ici ou là des détails
qui renforcent son coté paillard :
j'ai
une servante à cinq sous par jour...
...au
bout d'la semaine ça m'y fait trente sous
Et
si le dernier couplet ne nous dit pas tout, celui copié par Angelina
Duplessix (2) précise :
Je
druge avec elle
Ce
qui est particulièrement clair... si vous parlez le gallo (3).
notes
1
– d'après P. Coirault : Le trésor et triomphe des chansons
amoureuses et récréatives, tant pastorales que musicales, propres
pour danser et jouer sur toutes sortes d'instruments par les sieurs
S. Amour & S. Etienne, qu'autres beaux esprits de ce temps.
Paris, J. Borné 1624
2
- Angélina Duplessix – chansons et contes de haute Bretagne –
Dastum / Presses Universitaires de Rennes – 2015
3
- Druger = s'amuser, batifoler, chahuter, flirter, folâtrer, jouer,
s'ébattre – d'apès le petit matao, dictionnaire
français-gallo compilé par Régis Auffray, rue des scribes éditions
interprète :
Roland Guillou
source :
Emilienne Rouillé, de Guérande, collectée en 1989 – reproduite
page 140 dans le tome 3 du Trésor des chansons populaires
folkloriques du pays de Guérande, de Fernand Guériff
Catalogue
Coirault : 5817, la femme perdue en plantant des choux
Catalogue
Laforte : I,F-12, la femme perdue
J’ai
perdu ma femme,
J’ai
perdu ma femme, verse dans mon verre
J’ai
perdu ma femme
en
piquant des choux
On
me la ramène
au
bout de huit jours
Tiens,
voilà ta femme
bougre
de jaloux
J’ai
pas besoin d’ma femme
gardez
la pour vous
J’ai
(t) une servante
qui
me sert à tout
Elle
fait des callibottes
avec
du lait doux
Et
elle balaie ma place
et
fait mon lit bien doux
Je
couche avec elle
la
nuit comme le jour
Elle
fait bien autre chose
mais
j’vous dis pas tout
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