Engagez-vous, rengagez-vous qu'elles
disaient !...le thème de la fille soldat est décidément très
présent dans la tradition orale. L'histoire de cette fille-soldat
blessée au bras est beaucoup plus fréquente dans les collectes que
celle de la semaine dernière. Contrairement à elle, la charmante
Angélique attend le départ de son amant pour aller le rejoindre au
régiment. La situation n'est guère plus crédible, mais dans les
chansons comme dans les contes, tout est permis du moment que
l'histoire est belle.
La présence d'éléments féminins aux
combats relève sans doute autant du fantasme que de faits réels.
Les guerrières, amazones, et autres femmes pirates qui font le sujet
de chansons ne doivent pas masquer le thème principal qui est celui
de la séparation des amants. Alors pourquoi ne pas rêver un peu.
Historique ou imaginée, cette aventure nous change des fins
habituellement tragiques. Voyons cela plus en détail.
Pour lire la suite et écouter la
chanson
L’héroïne de cette chanson type
s'appelle pratiquement toujours Angélique dans l'ouest de la France.
Mais c'est Rosalie qui est souvent chantée dans les versions
recueillies plus à l'est (1). Cette nuance mise à part, le
déroulement de l'histoire est partout identique. Les mélodies
utilisées ayant toutes un air de famille on peut supposer une
origine commune et pourquoi pas une première version imprimée ?
Ce qui varie le plus d'une version à
l'autre c'est la personnalité du narrateur. Parfois le récit est à
la première personne, la fille soldat faisant part elle-même de son
expérience. Parfois c'est un point de vue extérieur qui raconte
l'aventure. Assez souvent, les couplets passent de la première à la
troisième personne en cours de récit. Ce qui est le cas dans notre
version interprétée à l'origine par une chanteuse de la Brière.
madame Gouesmat. D'autres versions ont, bien sur, été collectées
en Loire-Atlantique. Nous vous renvoyons au CD « Anthologie du
patrimoine oral... »(2) que nous avons publié en 2012. Vous y
entendrez Marie Barthélémy, de Sion les mines, dans une version où
la fille explique qu'elle a pris l'habit de son frère
C'était pour m'amuser
A boire et à chanter
Avec ces grenadiers
Certaines formules reviennent dans
toutes les collectes, dont l'élément essentiel, la blessure au bras
qui oblige Angélique a révéler sa vraie nature. :
Regardez mes beaux seins, ma
couleur, mon beau teint
Quelques exceptions à cette formule
peuvent être dues à une certaine pudeur, comme dans la version
chantée par Virginie Granouillet, en Velay (3) :
regardez ma blancheur ma figure et
mon cœur
voire même de la pruderie comme dans
la version imprimée par l'abbé Elain, à Pluherlin dans le
Morbihan :
Regardez bien mes mains, ma figure
et mon teint
Bien sur, bien sur ; Au siècle
dernier, un quotidien ne titrait-il pas au sujet du suicide d'une
paroissienne : « la désespérée s'est tiré une balle
dans le genou gauche » !
Pour finir cette aventure, la belle
gagne à chaque fois le congé de son bien aimé. Les voilà tous
deux rendus à la vie civile. Ils n'auront plus besoin de cacher leur
amour. Dans la version de Marie Barthélémy, on a même droit à un
bonus :
La croix d'honneur pour vous nous
vous l'accorderons
Cent écus d’appointements pour
son fidèle amant...
Bonne nouvelle : les chansons
d'amour qui finissent bien, ça existe !
Notes
1 - on a même trouvé une Julie, mais
une seule !
2 - Anthologie du patrimoine oral de
Loire-Atlantique, double CD toujours disponible – voir à la page
nos éditions
3 - des chansons tissées aux fuseaux –
l'art de Virginie Granouillet – publié par Eric Desgrugillers et
Didier Pierre en 2014 – édition : cahiers de la Haute Loire /
AMTA
interprète : Agnès Pihuit-Imbert
source : Antoinette
Gouesmat, née Legal - du Pélo, en Saint-Lyphard (44) date : 3
octobre 1991 collectage : Yves Maurice
catalogue P. Coirault : La
fille soldat blessée au bras 1 (Belles à l’armée – N° 06713)
catalogue C. Laforte : La
fille soldat blessée (2-M-16)
les adieux à Angélique (la
fille-soldat)
Je t’y fais mes adieux, ma charmante
Angélique (bis)
Je pars demain matin
Le cœur plein de chagrin
Belle, donne-moi ton cœur
Je s’rai ton serviteur
De t’y donner mon cœur, la chose est
impossible (bis)
Va-t-en au régiment
Il y a de grands enfants
Ils te donneront des fleurs
Qui réjouiront ton cœur
Tu ne fus pas parti qu’il me prit une
envie (bis)
C’est d’aller avec lui
Pour servir la patrie
C’est d’aller avec toi
Au service du roi
A bien été sept ans, sept ans dedans
la troupe (bis)
Personne n’la connaissait
Que son p’tit officier
Elle couchait avec lui
Comme c’était son ami
Mais au bout des sept ans fut déclarée
bataille (bis)
Elle fut blessée au bras
La belle déclara
Je ne suis pas soldat
Si tu n’es pas soldat, fais-toi donc
à connaître (bis)
Regardez mes beaux seins
Ma couleur, mon beau teint
Vous verrez bien par là
Que je n’suis pas soldat
Capitaine, commandant, que faire de
cette fille (bis)
Jeune fille en vingt-deux ans
Servir le roi sept ans
N’a-t-elle pas bien gagné
Congé d'son bien aimé
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