Le départ des soldats, pour des
campagnes interminables ou des mers lointaines, nous a laissé une
quantité de chansons sur le thème de l'abandon. Pleurs et fatalisme
dominent dans ce répertoire, mais on voit encore assez souvent une
forme de rébellion chez celle qui ne peut se résigner à attendre
le retour du bien aimé. On en voit qui s'engagent, avec ou sans le
consentement de leur amant, et qui parviennent à le suivre jusqu'au
combat où seule une blessure permet de révéler leur stratagème.
Notre chanson, qui vient du répertoire
de la presqu'ile guérandaise, est basé sur un dialogue entre les
deux jeunes gens. Le garçon essaye en vain de dissuader sa belle qui
trouve toujours un argument contraire. Elle se termine sur une idylle
patriotico-amoureuse où les deux amants s'engagent pour le meilleur
et pour le pire. Une conclusion heureuse qui pose question sur
l'origine de cette chanson.
Pour l'écouter et lire la suite :
Les filles-soldats ne sont pas les plus
nombreuses, même dans les chansons traditionnelles. Si généralement
les jeunes filles se contentent de pleurer sur leur sort au départ
de leur amant, il en est aussi qui se consolent plus ou moins
rapidement. Ce qui nous donne des chansons de retour du soldat avec
des situations difficiles : remariage, enfants d'un autre, etc
Quelques indices nous font penser que
cette chanson n'est pas si ancienne. Partout où on la retrouve la
mélodie est semblable, aux variations près. Les textes s'éloignent
peu de la même trame, des Alpes à la Bretagne et du centre France à
la côte atlantique.
Curieusement, il manque dans notre
version un argument présent dans presque toutes les autres, y
compris dans des collectes en Loire-Atlantique (1). Le garçon joue
sur la sensibilité de la fille en lui parlant de coucher à la dure.
Ce qui lui vaut comme réponse que :
ce n'est pas un tourment
de coucher sur la terre
auprès de son amant
Ce galant qui s'en va a donc déjà
perdu une bataille. A bout d'arguments il s'est laissé convaincre.
Mais, avouez qu'arriver à la caserne avec sa petite amie ça ne fait
pas très sérieux. Cette « fin heureuse » (2) manque
singulièrement de réalisme.
Le contexte de cette chanson et ses
arguments nous semblent plus près du décor d'opérette que d'une
situation vécue. Il est fort probable qu'elle ne date pas de plus
loin que le dix neuvième siècle. Les arguments patriotiques y sont
post-révolutionnaires : la France, la patrie et la liberté.
Une diffusion par feuille volante est même envisageable ;
Achille Millien y fait référence pour au moins une des versions
qu'il a notées en Nivernais (3).
Malgré ses faiblesses cette chanson a
de beaux atouts. Surtout quand on joue sur son aspect dialogué,
comme l'on fait nos deux commères Annick et Françoise qui l'on
incluse dans leur spectacle de chants de la presqu'ile guérandaise.
notes
1 – par exemple celle collectée par
Patrick Bardoul à Sion les mines, chantée par Marie Barthélémy. A
écouter sur la base archives de Dastum
2 – En grand-breton on appelle ça
une « happy end »
3 – page 28 du tome 3 des chansons
populaires du Nivernais et du Morvan, de Millien, Delarue et
Penavaire édité par le centre alpin et rhodanien d'ethnologie en
1998
Interprètes : Françoise
Bourse et Annick Mousset
Source : Le Trésor des Chansons
Populaires Folkloriques, de Fernand Guériff, Tome 1, p.243
[Répertoire Tattevin (T16)]
Catalogue Coirault : 3012
- la belle qui veut prendre les armes
1-)
Eveillez-vous la belle ! je viens vous
avertir ( bis
La patrie me rappelle, Hélas, il faut
partir ! ( bis
2-)
Ne versez pas de larmes, galant, ne
pleurez pas !
Si vous prenez les armes, Je n'
resterai pas là !
3-)
Ah si, restez, la belle ! Attendez mon
retour !
Soyez toujours fidèle, Aimez-moi donc
toujours !
4-)
Ne me parl' pas d'attendre, Ce sera un
martyr'.
Je ne veux pas comprendre, Je suis
prête à partir.
5-)
Si vous prenez les armes, Je veux, mon
cher amant
Loin de verser des larmes, Vous suivre
au régiment !
6-)
Restez ma chère amie, Jusques à mon
retour.
Pensez à la patrie ! Pensez à notre
amour !
7-)
Je ne pourrai z'attendre, Ton retour
des combats
Aussi je vais me rendre, au milieu des
soldats !
8-)
Reste, je t'en conjure, dans ton pays
natal
La guerre est, je t'assure, Un
effroyable mal.
9-)
Sur le champ de bataille, Si tu viens
avec moi,
On verra ton visage, tout pâli par le
froid.
10-)
Jamais dans la bataille, je n'aurai de
frayeur.
À travers la mitraille, je te suivrai
sans peur.
11-)
Puisque tu veux me suivre, prends
l'habit de soldat
Pour toi, mourir ou vivre est le plus
bel état.
12-)
Chère amie, pour la France, Tous deux
nous combattrons !
Et si le veut la chance, Ensemble nous
unirons !
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