Nous avons abordé, dans une publication précédente, un sujet de discussion inépuisable. Une chanson traditionnelle est-elle affectée à un rôle précis ? Chanson à la marche, air à danser, accompagnement d'un travail fastidieux ou simple délassement d'un moment de veillée ? La chanson que voici apporte à nouveau une réponse sans équivoque. Si vous fréquentez ce blog depuis quelque temps déjà vous aurez reconnu un thème souvent recueilli et adaptable à bien des circonstances (1). Voici notre livraison du jour.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Le rossignol est un oiseau précieux pour les chansons traditionnelles. Il est tantôt un simple messager porteur de lettres ou de nouvelles pour les amoureux, tantôt un conseiller matrimonial dont la consultation a l'avantage de la gratuité. Il est vrai que le langage des oiseaux, pas toujours compréhensible au premier abord, est souvent décrit comme un langage savant : « les oiseaux dans leur latin ». Donc, s'ils savent le latin c'est qu'ils ont acquis des connaissances et qu'on peut leur faire confiance.
Ces conseils font partie de toute une catégorie de chansons où on s'interroge sur le choix d'un conjoint. L'âge, le métier, la réputation sont les éléments qui amènent le plus d'hésitations. La fortune, ou l'absence de fortune, de la future épouse ou du futur époux entrent également dans ces critères de choix.
Plusieurs chansons de tradition nous ont parvenues sur ce même thème. On est loin de l'amour courtois du moyen-âge. Les considérations économiques et sociales y prennent le pas sur les sentiments amoureux. Le tout assaisonné d'un soupçon de morale (et même bien plus qu'un soupçon). Il faut se garder de juger ces chansons avec nos idées d'aujourd'hui. Nous ne vivons plus dans le même monde. Les préoccupations d'alors étaient bien souvent dictées par des impératifs qui se sont heureusement éloignés de nous. Celui de se marier selon son rang en faisait partie, dans une organisation sociale fortement hiérarchisée. Pour autant, les mariages arrangés entre familles dans une certaine « bonne société » ont été la règle encore longtemps, ce dont témoigne une abondante production littéraire, roman et théâtre en particulier. L'hypocrisie bourgeoise se plaisait à y conserver un arrangement de façade, laissant à l'époux le droit d'aller fréquenter d'autre femmes et à l'épouse de choisir un ou des amants.
Le répertoire des chansons traditionnelles de Patrice Coirault nous confirme que ce texte n'est pas tout jeune. On s'en doutait un peu. Il indique aussi que les occurrences récentes de cette chanson sont orientées à l'ouest ! Pourquoi ici et pas ailleurs ? Cela reste à expliquer.
Parmi les utilisations de cette chanson, Abel Soreau en avait recueilli une version clairement identifiée comme marche de noces. Pour son informatrice, Joséphine Galet, à Blain en 1894, « on chante cette chanson en allant au devant de la mariée ». Du rythme de la marche à celui de la danse il n'y a souvent qu'un pas à franchir. Derrière ce jeu de mots il y a la constatation qu'ici comme ailleurs les mêmes textes ont eu les deux fonctions.
J-L. A.
notes
1 – chanson n° 321 en janvier 2020 : rossignolet du bois qui chante
interprète : Janig Juteau
source : Lucie Rastel, de Saint-Lyphard (Loire-Atlantique) collectage de Raphaël Garcia
catalogue P. Coirault : Le pauvre préféré au riche (Avant le mariage – N° 04929)
Rossignolet du vert bocage (bis)
Enseigne-moi un doux profit, rossignolet du bois joli (bis)
Si je dois m’y mettre en ménage (bis)
Ou bien rester comme je suis, rossignolet du bois joli (bis)
Si je prends la fille d’un riche homme (bis)
Elle me dira d’un temps à l’autre (bis)
Tu n’avais rien quand je t’ai pris, rossignolet du bois joli (bis)
Tu n’avais qu’une chemise de toile (bis)
Mais maintenant, à tes plaisirs, rossignolet du bois joli (bis)
Tu couchais ton dos sur la paille (bis)
Mais maintenant dans un beau lit, rossignolet du bois joli (bis)
Si je prends la fille d’un pauvre homme (bis)
Elle me dira d’un temps à autre (bis)
Travaillons, gagnons notre vie, rossignolet du bois joli (bis)
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