Voilà bien des décennies qu'on n'est plus obligé de chasser le loup dans nos contrées. Aujourd'hui certains cherchent à le ré-acclimater dans des endroits où le loup lui-même se demande ce qu'il viendrait y faire. Mais ce n'est là qu'une entrée en matière ; car le propos de cette chanson est uniquement centré sur la difficulté des relations mère – fille. Tous les parents savent qu'il est difficile d'interdire à ses enfants des choses dont on a soi même abusé dans sa jeunesse. A fortiori, dans le domaine sentimental, quand il s'agit de préoccupations aussi naturelles que les premières amours.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Puisque nous étions au « Nort du nord » lors d'une précédente publication, nous ne perdrons pas le nord (1) en allant chercher une version de cette nouvelle chanson, recueillie dans la commune voisine de Saffré. Nous aurions pu en choisir d'autres exemples, venant du secteur de Blain, du pays paludier, du vignoble ou encore du marais breton-vendéen. Comme on peut le voir dans le répertoire des chansons françaises de M. Patrice Coirault, cette chansonnette bien connue dans les ouvrages anciens, a été peu recueillie par la suite. Ce qui rend encore plus intéressante sa présence assez nombreuse sur nos territoires.
D'après Coirault, le timbre de la chanson « Climène et sa mère » a été utilisé pour bien d'autres textes. On le trouve aussi sous la référence « Si je vous prie de m'aimer ». Par rapport à ces notations anciennes notre exemple a conservé l'essentiel, tout comme la plupart des autres notées dans l'ouest, qui concentre d'ailleurs la majorité des versions connues.
Comme dans toutes les chansons ayant un peu voyagé, dans le temps et l'espace, le prénom de la jeune fille varie d'un(e) interprète à l'autre : ici Jeanne, ailleurs Suzanne et – c'est là qu'on découvre l'ancienneté du texte – Climène ou Thirsis. Des prénoms qui n'ont plus cours depuis longtemps sauf sur les scènes des théâtres.
Le loup n'a pas trouvé d'emploi dans toutes les versions. L'histoire est parfois simplement située dans la plaine ou sous un houx, paysages anonymes des bergerettes. Toutefois, le garçon est souvent un chasseur et on peut se demander si le coté « prédateur » du loup (comme du chasseur) n'affiche pas un avertissement pour les jeunes filles. Argument confirmé par certaines recommandations de la mère :
Des discours des homm’, ma fille,
Je vous l’dis, méfiez-vous.
Souvent ils disent qu’ils aiment,
Quand ils n’aiment pas du tout (2)
De toutes les expressions utilisées dans cette chanson, une seule est absolument invariable : le « courroux » de la mère. Ça va barder. Mais la fille à trouvé la parade :
- Quand vous aviez mon âge, ma mère, que faisiez-vous ?
- Du berger Félix, j’en ai fait mon époux
- Et du berger Colas, j’en ferai le mien
Cette fin est celle de la version Guérandaise, enregistrée sur vinyl 33 t. par le groupe Kouerien Sant Yann, dans les années 70 et reprise depuis sur CD par le duo Sylvain Girault et Pierre Guillard.
Une autre particularité de ce récit est d'être le fait tantôt du galant, tantôt de sa bonne amie. Ce renversement du rôle de narrateur n'influe en rien sur la conclusion de l'histoire qui finit quasiment toujours par le point de vue de la jeune fille, sauf en de rares occasions où la mère tient à avoir le dernier mot :
Ce
ne sont pas vos affaires,
Petite sotte taisez vous (3)
Pour la bonne bouche, voici quelques échanges issus d'une version rapportée par Armand Guéraud (4) :
ses yeux m'ont blessé de mille coups
Tous
ceux que vos yeux blessent,
Belle les guérissez vous
J'en aurais trop à faire
Monsieur retirez vous...
résumé dans le rond paludier déjà cité par la formule :
Belle, les maux de cœur, belle, guérissez-vous ?
Aller à la chasse au loup pour guérir du mal d'amour ! Décidément tout n'est que prétexte dans cette chanson.
J-L A.
notes
1 - Avec une mauvaise foi certaine, nos ex-subventionneurs de la région nous reprochent d'être une association « limitée au nord de la Loire-Atlantique ». En parcourant ce blog vous pourrez constater que cette affirmation est totalement inexacte. Elle est probablement due à l'influence d'un ami qui nous veut du bien !
2 – dans une version recueillie par Abel Soreau à Vallet
3 – apparaissant dans la version copiée par Eugène Rolland – recueil de chansons populaires, tome 1 (Paris – 1883)
4 – Chants populaires du Comté nantais et du Bas-Poitou, recueillis par Armand Guéraud entre 1856 et 1861 – tome 1, page 178 (édition critique de Joseph Le Floc'h - FAMDT 1995)
source : Mme Marguerite Lemaitre de Saffré – recueilli le 16 avril 1984 par le Cercle Celtique de Nort sur Erdre et publié dans « Chant du peuple de Haute-Bretagne – région de Nort sur Erdre »
catalogue P. Coirault : Climène et sa mère (1810 - amourettes)
En revenant d'la chasse, de la chasse au loup
(et) de la chasse au loup
J'ai rencontré Jeanne assise sous un houx
Sous un houx
J'ai rencontré Jeanne assise sous un houx
Si je vous prie de m'aimer
Me refuseriez vous ?
J'ai rencontré Jeanne assise sous un houx
assise sous un houx
Me suis approché d'elle pour lui parler d'amour
Oui d'amour
Sa mère arrive, ma fille, ma fille que faites vous
Que c'est vilain ma fille un homme à vos genoux
A mon âge ma mère que leur disiez vous ?
A ton âge ma fille, je les refusais tous
A mon père, o ma mère, que lui disiez-vous ?
De ton père ma fille j'en ai fait mon époux
De cet homme ma mère, j'en ferai autant que vous
Aussi je vous prie de me laisser doux
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