samedi 26 mars 2022

409 Les caillebottes

 Quand le chat n'est pas là, les souris dansent ; c'est ce que pensent les ados quand leurs parents les ont laissés seuls avec les clefs de la maison. La jeune fille de la chanson en profite donc pour recevoir son amoureux. Comme le temps leur est compté, ils abandonnent une tâche ménagère pour n'en conserver que la métaphore. L'engueulade parentale était bien prévisible, mais va se trouver atténuée par des souvenirs de jeunesse. La situation n'est pas spécifique à cette chanson, dont le propos est, ici, renforcé par un refrain on ne peut plus explicite.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Les fameuses caillebottes sont un dessert à base de lait caillé, recette autrefois populaire dans tout l'ouest, de la Bretagne au Sud-ouest. Bien sur, elles ne sont là que pour donner une image métaphorique de ce qu'entreprennent les deux jeunes gens. Comme dans bien d'autres chansons où le galant est surpris en flagrant délit, il se défend de faire du mal. Ici on « brasse des caillebottes », ailleurs « je lui apprend à faire des paniers » ou « je lui taille une robe à la mode nouvelle ». On pourrait aussi bien entendre la fameuse réplique « on ne meurt pas de ça » !

Dans une chanson traditionnelle, il est souvent intéressant de comparer les différentes versions. On y découvre que ce qui manque est parfois aussi important que ce qu'elle contient. Celle ci est généralement référencée comme « la porte mal fermée ». Les parents ont demandé à la fille de bien tenir l'huis clos. Mais loin d'une serrure trois points, c'est avec « une paille d'orge » qu'elle barre la porte, montrant par là qu'elle n'a pas l'intention de rester seule et que sa résistance sera faible.

Même pas besoin de paille d'orge pour notre amoureux ; il frappe à la porte, entre et ne perd pas de temps.

Si Coirault a catalogué ce type de chanson sur cette porte mal fermée, Laforte a préféré retenir comme titre générique « la fille surprise par ses parents ». Effectivement, la conclusion de l'affaire pourrait fort bien mal tourner pour les jeunes tourtereaux. Mais, comme cela arrive souvent, l'un des deux parents intervient pour rappeler à l'autre qu'ils ont été jeunes, eux aussi, et ont vécu des aventures dont ils n'ont pas forcément envie de se vanter auprès de leur progéniture.

Venons en maintenant à la partie du texte qui sert de refrain. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est assez redondant avec les aventures décrites. Pourtant ce type de refrain est plutôt rare avec cette chanson, même si dans celle recueillie par Arnaudin dans les Landes (1), on trouve :

Jan, bire ta calote, Jan ...

qui présente une certaine analogie avec celui ci.

Mais ce qui pourrait faire passer notre version pour une chanson paillarde est habituellement remplacé par des phrases bien plus anodines. Telles que :

Oh non de d'la serai-je mariée oh sapristi aurai-je t'y un mari (Vendée)

ou encore

je vous la grin grin grin je vous la gringole...

qu'on trouvait déjà dans les recueils des sieurs Ballard (2) au début du 18è siècle.

Notons bien que les deux enregistrements que nous possédons avec pour refrain « Je t'enlèverai ta culotte » ont été enregistrés auprès d'interprètes féminines. Celle ci en Brière par Vincent Morel et Roland Guillou chez Mme Sérot. Une autre assez proche à Saint Dolay par Raphael Garcia chez Mme Vignard.


notes

1 - Félix Arnaudin, Chants populaires de la Grande-Lande, tome 2, p. 375

2- Jean-Christophe Ballard - Les rondes, chansons à danser, tome 1, p. 170 – Paris 1724


interprète : Daniel Lehuédé

source :  Annick Séro, de Sainte-Reine-de-Bretagne (Loire-Atlantique) enregistrée le 8 mars 2013 par Vincent Morel et Roland Guillou

catalogue P. Coirault : La porte mal fermée (Larcins II – N° 02215)

catalogue C. Laforte : La fille surprise par ses parents (I, L-09)


Les caillebottes

Mon père est au moulin, ma mère est à la noce

Ils m’ont laissé toute seule, brasser des caillebottes

J’enlèverai ta ta ta

J’enlèverai ta culotte


Ils m’ont laissé tout seul, brasser des caillebottes

Mon amoureux est venu  a frappé à ma porte

J’enlèverai ta ta ta

J’enlèverai ta culotte


Il rentra comme un fou, jeta les caillebottes


Il me prit dans ses bras, il me tira ma robe


Montons vite là haut nous ferons d’autres caillebottes


Ma mère qu’est accourue comme une jument qui trotte


Que fais-tu gros salaud, à ma petite Charlotte


Le jeune homme a crié, on brasse des caillebottes


Je vais dire à son père qu’il te mette à la porte


Le père a répondu : nous aussi on a brassé des caillebottes


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