samedi 20 novembre 2021

394 - Il était un’ bonn’ femme

 Le chat a rarement le beau rôle dans les chansons traditionnelles. Il lui arrive parfois d'être transformé en pâté ; il sème la panique dans les mariages d'animaux et c'est son appétit féroce qui lui cause le plus de soucis. Passe encore de croquer les souris avec lesquelles il confond parfois un petit mari. Mais s'attaquer à la nourriture de ses maîtres n'est pas sans danger. Les conséquences sont bien excessives pour ce félin qui, fort d'un lointain cousinage avec le roi des animaux, a tendance a se prendre pour le roi de la maison et découvre un peu tard que les humains ne sont pas sensés être à son service.

Pour écouter la chanson et lire la suite:

Pour en savoir plus sur la chanson-type de la «  bonne femme qui a tué son chaton » vous pourrez aussi vous reporter à la n°324 publiée dans ce blog en janvier 2020, sous le titre «  Il était une bergère ». Nous y faisons déjà part de nos doutes sur l'origine et l'utilisation de ce texte qui se prête à de nombreuses versions. Est-ce une chanson satirique, limite grivoise, avec ses double sens possibles ou bien faut-il n'en retenir que son caractère enfantin ? La version que nous vous proposons aujourd'hui, recueillie fin 19è siècle par le chanoine Abel Soreau, ne permet pas de trancher ce débat.

Pourtant, le refrain présente une particularité qui pourrait faire penser à une utilisation comme berceuse :

Mon petit dormitaine,... mon petit dormiton

Cette caractéristique ne se retrouve que dans un seul autre recueil, celui d'Adolphe Orain, en Ille et Vilaine (1) :

Ma petit' mominette... mon petit mominon

Les autres refrains habituels suggèrent une interprétation plus rythmée. C'est donc ce que nous avons choisi pour son interprétation. Mais cette possibilité d'utilisation a des fins d'endormissement des chérubins montre encore une fois les capacités d'adaptation d'un même thème aux besoins ou aux habitudes des interprètes.

Autre argument en faveur d'une version enfantine, la bonne femme fait de la bouillie. Un sommet de la gastronomie si vous n'avez pas encore atteint l'âge de raison. Le plus souvent dans ces chansons c'est une bergère qui fait un fromage du lait de ses moutons.

Enfin, l'argument, développé sous forme de fable animalière, pourrait être considéré comme un avertissement contre le péché de gourmandise. L'avertissement est sévère : pas de pardon...la mort sans rémission.

La religion est pourtant absente de cette version, alors que de nombreuses autres se terminent chez le curé pour une étrange absolution sous forme de baiser. Cette absence n'est peut être pas étrangère au fait que la collecte ait été réalisée par un ecclésiastique.

Bref, chanson pour enfants ou fable pour grandes personnes on n'a que l'embarras du choix avec cette chanson qui méritait bien que nous lui consacrions un second enregistrement.

note

1 - Adolphe Orain, folklore de l'Ille et Vilaine, tome 1 page 35 (Paris, éd. Maisonneuve, 1897)

Interprètes : Roland Guillou et Yannick Elain

source : Le Trésor des Chansons Populaires Folkloriques, de Fernand Guériff, Tome 1, p.278-279 - extrait du fonds Abel Soreau - chanté à Assérac en 1894 par Athanase Ollivier

catalogue P. Coirault : la bonne femme qui a tué son chaton (11325 – satiriques et plaisantes)

catalogue C. Laforte : I, J-04 – il était une bergère



Il était un' bonn' femme, Mon petit dormitaine,

Tot' seule à la maison, Mon petit dormiton,

Tot' seule à la maison. ( bis)


Ell' faisait d' la bouillie, Mon petit dormitaine,

Dedans un vieux chaudron, Mon petit dormiton,

Dedans un vieux chaudron. ( bis)


Elle avait une chatte, Mon petit dormitaine,

Au p'tit minois tout rond, Mon petit dormiton,

Au p'tit minois tout rond. ( bis)


La chatt' veut la bouillie, Mon petit dormitaine,

S'approche du chaudron, Mon petit dormiton,

S'approche du chaudron. ( bis)


- Cà, n'y mets pas la patte, Mon petit dormitaine,

Tu auras du bâton !, Mon petit dormiton,

Tu auras du bâton !. ( bis)


Ell' n'y mit pas la patte, Mon petit dormitaine,

Elle y mit le menton, Mon petit dormiton,

Elle y mit le menton. ( bis)


La bonne femme en colère, Mon petit dormitaine,

A pris son gros bâton, Mon petit dormiton,

A pris son gros bâton. ( bis)


La pauv' bêt' tout' tremblante, Mon petit dormitaine,

A demandé pardon, Mon petit dormiton,

A demandé pardon. ( bis)


- Non, non, a dit la vieille, Mon petit dormitaine,

La mort sans rémission, Mon petit dormiton,

La mort sans rémission. ( bis)


Alors, la pauvre bête, Mon petit dormitaine,

S' sauv' vit' de la maison, Mon petit dormiton,

S' sauv' vit' de la maison. ( bis)


La vieille court après elle, Mon petit dormitaine,

La tue sur le perron, Mon petit dormiton,

La tue sur le perron. ( bis)


Ne mets jamais la patte, Mon petit dormitaine,

La patte dans le chaudron, Mon petit dormiton,

La patte dans le chaudron. ( bis)

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