Opportunisme ou respect du rythme des saisons ? En tous cas voici une chanson qui tombe juste à temps, pour une fois (1). Les progrès des techniques nous ont fait oublier quelle corvée pouvait représenter une récolte menée à la faux. L'ustensile a désormais trouvé sa place dans les écomusées soucieux de conserver les traditions populaires. Tels le rouet ou la quenouille pour les femmes, sa présence dans une chanson nous fait basculer dans une vision passéiste dont les symboles et les usages n'ont, pour nous, rien d'évident.
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Au moment où a été recueillie cette chanson, c'est à dire dans la seconde moitié du 19è siècle, ces paroles avaient certainement plus de sens qu'aujourd'hui. La saisonnalité des événements faisait des fêtes religieuses des marqueurs du calendrier ; surtout quand cette référence était liée aux travaux ruraux. Ainsi les chansons traditionnelles font la part belle à Saint Michel, Saint Jean, Saint Vincent ou la Toussaint. D'autant que le souci d'une récolte permettant d'assurer l'approvisionnement des hommes comme des animaux peut inciter à s'en remettre à la protection d'un saint.
Mais il n'est pas certain qu'à l'époque le sens caché de ce combat du faucheur contre des hommes armés ait été déjà moins obscur que pour nous. Au cours des siècles, les progrès techniques de l'armement ont été bien plus rapide que ceux de l'outillage, parfois rudimentaire, du paysan. Malgré l'apparition de faucheuses mécaniques, d'abord tractées par un cheval, la faux est restée en usage assez longtemps. La mécanisation s'est accélérée avec les premiers tracteurs puis les engins autonomes. Tout ceci pour dire qu'il y a dans cette chanson, à l'époque où elle a été récoltée (2), un anachronisme certain et un décalage temporel évident. Les hommes du 19è siècle sont équipés depuis longtemps d'armes à feu et même dans les campagnes les chasseurs se fournissent auprès des manufactures. C'est dire si l'utilisation d'une lance pour le combat laisse supposer que ce texte peut venir de loin.
La symbolique du combat mené pour la vie, voire la survie, contre les éléments naturels est un thème récurent dans la littérature. C'est du Giono avant l'heure. L'amour sincère des deux jeunes gens est présentée comme la garantie de la réussite : unis dans l'effort comme dans la vie.
D'autres chansons liées aux travaux agricoles assimilent la domestication des forces naturelles à la chevalerie. Il y a un coté sacré et magique dans ces activités qui assurent la subsistance du paysan. On le retrouve par exemple dans toutes les chansons qui mettent en scène la transformations du raisin en vin, des pommes en cidre ou de l'orge en bière.
Encore une fois le rythme de cette chanson nous permet de penser qu'elle accompagnait une danse. Peut-être un de ces ronds dont seules quelques traces ont pu être décelées dans la région (3). La chanson en elle même ne nous a pas permis de trouver des correspondances avec d'autres collectes. Elle n'est pas répertoriée dans le répertoire des chansons françaises de Patrice Coirault.
notes
1 – si on veut bien tenir compte de notre mauvaise habitude de vous servir des noëls en plein mois d’août ou des chansons de vendange en février !
2 – avec des jeux de mots comme ça on n'est pas fauchés !
3 – tel le rond dit « de Sautron », par exemple.
interprètes :Armelle Petit avec l'aide de Liliane Berthe, Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard,
source : cahiers du ménétrier Poiraud, de Pornic compilés par Michel Gauthier sous le titre « 80 chansons du Pays de Retz » - recueil datant des années 1860
Voici la Saint Jean, landerirette
Voici la Saint Jean, landeriré
Qu'on fauche les prés
Qu'on fauche les prés
N'irai je pas voir, landerirette
Mon amant faucher, landeriré
Mon amant faucher
Mon amant faucher
Tant bonjour mon Pierre
Vous êtes mouillé
Mouillé je dois l'être
J'ai bien travaillé
Je viens de combattre
Cent hommes bien armés
Dessus les cent hommes
Un s'est échappé
Donne moi ta lance
Pour les achever
Je n'ai point de lance
Pour les achever
J'ai qu'un cœur sincère
belle à vous donner
Qui sera fidèle
Tant que je vivrai
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