dimanche 20 juin 2021

376 - Gilles, Jean, Gilles

 Il est des refrains de chansons qui sont de vrais cauchemars : d'abord pour les apprendre sans se tromper, puis, ceci fait, pour arriver à s'en débarrasser. Ce « Gilles, Jean-Gilles » au leitmotiv insistant ferait presque oublier le reste de la chanson. Car il y a deux façons de l'aborder. La première c'est de considérer le texte comme fort banal et de ne s'intéresser qu'aux subtilités du refrain. La seconde c'est d'essayer de voir s'il ne se cacherait pas quelque chose derrière cette banalité. Nous allons essayer les deux méthodes.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Les refrains en forme de virelangue font parfois oublier le reste des chansons. Ce qui ne veut pas dire que leurs histoires soient dépourvues d'intérêt, mais la concentration maximum exigée par l'exécution du refrain fait passer au second plan le sens des paroles. Plusieurs chansons avec des refrains de ce style ont déjà été publiées dans ce blog (1) et nous en avons d'autres en réserve. L'avantage de ces refrains c'est qu'ils permettent de briller devant un auditoire. L'inconvénient c'est qu'on a souvent du mal à s'en défaire. Le genre de rengaine qui vous prend au saut du lit et vous tient pour la journée !

Cette chanson, avec ce même refrain, a été collectée à plusieurs reprises (que vous pouvez retrouver sur Dastumedia) dans un secteur proche de quelques kilomètres entre le sillon de Bretagne et l'estuaire de la Vilaine. Mais « Jean-Gilles » n'est qu'un des refrains associés à cette histoire. Ailleurs (2), on la trouve parfois affublée de la ritournelle :

dans un pot, dans un sac, dans un crible...

...associée par chez nous à une autre chanson. Cette formulette conforterait l'idée exprimée ici qu'un meunier tient un rôle important dans l'histoire. Mais n'anticipons pas.

Pourquoi la mère examine-t-elle sa fille ? Voilà qui devrait nous mettre la puce à l'oreille, car la raison n'est pas explicitement donnée. Dans d'autres versions, entendues de ci de là, c'est plus clair. La mère sermonne sa fille sur la question de « garder son honneur », à quoi celle ci répond qu'il est déjà trop tard. Si la fille veut entrer de son plein gré au couvent – situation plutôt rare - c'est parce qu'elle s'est fait engrosser par un bourgeois de la ville, le plus souvent un meunier, et même parfois...un curé !

Reste donc à sauver l'honneur de la famille et les derniers couplets nous rassurent sur l'arrangement d'un mariage avec le galant meunier.

Voilà ce qui se cache derrière les sous entendus de ces quelques couplets.

Il existe bien d'autres refrains pour cette chanson type et des dénouements qui varient d'un endroit à l'autre. Bien souvent, la mère veut savoir ce que l'amant a promis à sa fille, des cadeaux, de l'argent ? La plupart du temps c'est le présent d'un sac de farine ! Normal pour un meunier ? Oui, si on se souvient que, dans les chansons, quand la belle s'attarde trop longtemps au moulin, à la fin « son petit sac était plein ».

Ceci pour nous aider à comprendre ces quelques lignes.

Si vous êtes arrivés jusqu'ici en espérant trouver une version du célèbre « Jean-Gilles mon gendre » celui qui a besoin qu'on lui explique tout, redirigez vous vers des sites de chansons paillardes. Mais, au passage, si vous pouvez nous éclairer sur l'origine de ce prénom et son emploi dans les chansons, n'hésitez surtout pas à nous faire partager vos connaissances.


notes :

1 – voyez par exemple : les dames de Paris (294 – mai 2019) ou encore : c'est à Paris dans un zouzou (168 – septembre 2016)

2 – recueils effectués en Normandie (Havard) et en Wallonie (Terry)


interprète : Janig Juteau

source :enregistrée par Janig Juteau auprès de Marie Thérèse Dineau à Campbon le 9 janvier 2008

catalogue P. Coirault : Les trois filles (2310 – enceintes)

catalogue C. Laforte : Les trois filles fort gentilles – I, L-12


Chez mon père y'avait trois filles ) bis

Gilles, Jean, Jean joli Jean )

Une qui coud et l'autre qui file

Gilles, Jean-Gilles et Jean joli Gilles

Et Gilles, Jean, Jean, joli Jean, Jean-Gilles

Et Jean, Gilles, joli Jean


Une qui coud et l'autre qui file

L'autre que sa mère examine


Quel métier veux tu ma fille


Je veux le couvent ma mère


Ou un beau meunier de ville


Ah oui, tu l'auras ma fille


Ton beau meunier de la ville


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire