dimanche 28 juin 2020

345 - Le gueurnouillon


Chanson idiote ou chanson sérieuse ? Texte superficiel ou message caché ? Nous vous laissons le soin de faire votre propre opinion. A la première écoute cette histoire d'une ruralité marécageuse à tendance batracienne ne retient pas particulièrement l'attention. Si ce n'était sa mélodie simpliste et entêtante on n'en retiendrait pas grand chose. Mais elle mérite sans doute mieux que d'être classée dans les facéties et divertissements pour enfants.
Pour écouter la chanson et lire la suite:



Sous cette forme la chanson du petit guernouillon est uniquement connue dans l'ouest de la France. Elle y est malgré tout bien implantée en Vendée et Haute Bretagne. Rien que dans notre beau département de Loire-Atlantique elle a été collectée du Pays de Retz au pays de la Mée, de l'estuaire de la Vilaine aux rives de la Loire. Bref, à peu près partout. Elle présente une parenté évidente avec une autre chanson “Au printemps, la mère ageasse fit on nid dans un buisson” avec qui elle partage le plus souvent le même refrain.
La version que nous vous présentons, entendue par Fernand Gueriff en presqu’île Guérandaise, fait exception pour ce qui est du refrain, justement. Là où la grande majorité des interprètes a retenu les formules du style:
La pibole... pibolons
ou
Pie volette...pie volons
elle nous gratifie d'un
la guedaine...la guedon
qu'on ne retrouve que dans ce secteur, proche de l'océan.
Si le refrain fait souvent l'unanimité, l'histoire hésite, en revanche, entre deux options. Nous avons ici une fin heureuse ou l'on remercie la grenouille sauveteuse. Dans d'autres c'est tout le contraire et on maudit la grenouille qui l'a happé par le talon avec des intentions bien moins secourables. Plus rare encore sont les exemples où le petit bonhomme s'en sort tout seul en s'accrochant à la ligne d'un pêcheur.
S'il en est arrivé là c'est à cause de sa marraine. Fâcheuse tradition qui veut qu'on se serve des prénoms du parrain ou de la marraine au moment de déclarer une naissance. On ne choisit pas son prénom; il peut effectivement être préjudiciable d'en porter certains. De là à en faire une chanson, l'argument est un peu léger; comme la chanson elle même.
Pourtant, il est difficile de ne pas apercevoir dans ce texte anodin des références bibliques évidentes. Le guernouillon est-il un nouveau Moïse sauvé des eaux ? La fille du pharaon s'est-elle transformée en grenouille ? D'autres versions de la chanson insistent davantage sur le sauvetage qui permet au nouveau né d'éviter de se faire happer par un gros poisson. Ce n'est plus Moïse, c'est Jonas.
Autre possibilité pour expliquer le succès de cette histoire simple c'est qu'elle fait écho à des problèmes que nous ne connaissons plus mais qui étaient, hélas, très préoccupants autrefois. Il n'est pas nécessaire de remonter si loin pour trouver d'effrayantes statistiques de mortalité infantile. Avant les progrès de l'hygiène et de la médecine les chances pour un nouveau né de dépasser l'âge de 3 ans se jouaient pratiquement à pile ou face. Rien d'étonnant donc qu'une chanson banalise la mort d'un enfant pas forcément désiré. Sans aller jusqu'à évoquer l'infanticide, qui d'entre vous n'a jamais entendu l'expression: il ira loin si les petits cochons ne le mangent pas. Pour l'occasion ce sont les poissons qui ont repris le rôle des cochons.
Sous ses dehors facétieux et divertissants cette chanson est-elle en définitive une manière détournée de poser un problème sérieux ? A vous de juger. Et surtout de chanter.

interprète: Yannick Elain
source: Le trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande, Fernand Gueriff, tome 4 page 322 (Dastum 44 / Parc naturel régional de Brière - 2013) Chanté par Louis Leroux, charcutier, originaire de La Turballe, 63 ans en 1966.
catalogue P. Coirault: Le garçon mordu par une grenouille (11403 - coq-à-l'âne et facéties)
catalogue C. Laforte: Le petit garçon et la grenouille, I,P-23

Quand je sis venu au monde,
je n’étais ni gros ni long, la guedaine,
je n’étais ni gros ni long, la guedon.

On m’y foutit pour marraine
La cousine à mon tonton.

On me menit au baptème
Env’loppé dans un torchon.

Ma marrain’ qu’était point fine
M’affublit d’un vilain nom.

Mes parents qui m’aimaient guère
A caus’ de ce vilain nom

M’y foutirent dans la rivière
Caté tous les gros poissons.

Heureus’ment qu’un’ mèr’ guernouille
Me prit pour son guernouillon.

Remercions la mèr’ guernouille
Et tous ses p’tits guernouillons

La moral’ de cette histoire,
C’est d’avoir un joli nom.


2 commentaires:

  1. j'ai appris ce chant avec qq variantes dans les années 1960 avec un copain de classe (collège-lycée de Campostal, Rostrenen) qui était de Plaintel, et qui par la suite fut surnommé logiquement Guernouillon (il disait plutôt Gornouillon)

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  2. voir mon commentaire (gars de Plaintel en classe à Rostrenen)

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