Il est encore un peu
tôt pour fêter la Saint Jean (1). Pourtant on sent bien que ça va
être sa fête à ce mari pas assez sentimental ! Si certains
craignent de se faire appeler Léon ou Arthur – simples réprimandes
– on peut imaginer que cela vaut sans doute mieux que le Jean de
l'histoire.
Entendre chanter le
coucou est un vrai bonheur si c'est parce qu'il annonce le retour du
printemps. En revanche se faire affubler de ce nom d'oiseau n'aura
rien d'agréable pour le pauvre “Jean”.
Pour écouter la
chanson et lire la suite
Cette chanson n'est
pas très répandue. Sur les rares versions répertoriées, deux
l'ont été en Loire-Atlantique: celle ci à Pontchateau et une
autre, peu différente, à Bouguenais. Les deux ont été notées au
19è siècle respectivement par Charles Loyer et Armand Guéraud.
Depuis, plus de traces de cette chanson dans les collectes.
Pourquoi Jean ? Dans
la chanson ou les contes il y a un personnage sujet de moqueries,
connu sous le nom de “Jean le sot” (ou Jean des sots) qui fait
tout de travers ou se prend pour plus fin qu'il ne l'est réellement.
On connait aussi l'expression : être Gros Jean comme devant, pour
signifier qu'on a vu s'envoler ses espérances et qu'on n'est pas
plus avancé. Tous ces Jean sont des synonymes de lourdaud ou de
péquenot. Aurions nous dans ce texte une critique des mariages
arrangés pour des raisons d'argent ? Cela n'est pas précisé; on
sait juste que le bonhomme “n'a pas de sentiment”.
Dans l'autre
version, due à Guéraud, la jeune femme reproche à ses parents de
l'avoir mariée à “un vieillard des champs”. Elle en veut autant
à ceux-ci
Que je n'estime
déjà point tant
qu'à son insensible
mari.
A u bout de la troisième nuit ses propos sont encore au futur, même si elle ne se
fait guère d'illusion sur une possible amélioration. Dans une autre
région (2) on chante
La quatrième et
la cinquième
Seront encore de
même
Comme pour beaucoup
de chants de la presqu’île guérandaise, le rythme est adapté à la
danse (3). Dans le même secteur on trouve aussi une chanson de
maumariée avec un “vieillard” qui se fait justice des mauvais
traitements endurés en glissant dans son lit une grosse pierre
pointue. D'autres chansons nous détaillent les différentes façons
de se venger d'un mari trop brutal ou pas assez chaleureux. Certaines
se réjouissent des malheurs du mauvais compagnon, parfois jusqu'à
la dernière extrémité. Le plus souvent on s'y moque de la paire de
cornes qu'il va porter.
L'autre symbole de
la révolte féminine ne sera donc pas emprunté aux bêtes à
cornes, mais au mœurs singulières de cet oiseau squatter de nids,
le coucou.
En conclusion on
vous conseillerait bien de parcourir la campagne avec un sou dans la
main qui vous porterait bonheur à son premier chant. Mais, en ce
moment, ce serait trop risquer la contamination. Restez donc plutôt à
la maison à écouter des chansons.
notes
1 – si on parle
juste du plus connu: Saint Jean le baptiste. Il en existe une bonne
douzaine d'autres tout au long du calendrier: Jean l'évangéliste,
Jean Bosco, Jean de Capistran, etc
2 – Littérature
orale de la Basse-Normandie, Jean Fleury (Maisonneuve et cie, Paris
1883) page 252
3 – bal paludier
Interprètes:
Roland Guillou et Yannick Elain
source: le
trésor des chansons folkloriques recueillies au pays de Guérande,
Fernand Guériff, tome 1, page 108 - collecte de Charles-Marie Loyer
à Pontchateau au 19è siècle.
catalogue P.
Coirault: le viellard qui fait coucher sa femme sur un banc (5722
- maumariées aux vieillards)
Mon père et ma mère
Moi qui n'ai pas dix
huit ans
Vous m'avez donné
un homme
Qui n'a point de
sentiment
Il aura nom Jean,
ma mère
Il aura nom Jean,
Jean, Jean.
La première nuit de
mes noces
M'a fait coucher sur un banc
M'a fait coucher sur un banc
La première et la
seconde
La troisième
pareillement
Ma foi si ça lui
rarrive
J'lui jouerai un
tour plaisant
Je lui f'rai porter
le nom
De ces oiseaux de
printemps
Qui s'en vont de
branche en branche
Disent “coucou”
bien joliment.
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