vendredi 1 juin 2018

251 - La chanson des mois (deuxième partie)


Voici donc la suite tant attendue de la chanson des mois, dont nous avons publié la première partie en janvier (1) . Nous en étions restés à juin, où Pierrot et Margot étaient couchés dans le foin, avec le soleil pour témoin. Le roi Dagobert, sans culotte à l'envers, nous aidait à énumérer les travaux des champs. Sans attendre le début de la saison estivale nous reprenons le cours de cette évocation rustique et surannée.
Pour écouter la chanson et lire la suite :

Notre région n'a pas l'exclusivité de cette chanson qui a été, rappelons le, diffusée jusqu'à la fin du 19è siècle sur des feuilles volantes, certaines illustrées par l'imagerie d'Epinal. Une rapide recherche via le portail du patrimoine oral a permis d'en trouver d'autres traces dans les collectes effectuées en Poitou et dans le sud de la France. Ce texte long et passé de mode n'avait laissé que des souvenirs fragmentaires aux chanteurs collectés. Même chose pour nos informatrices locales, ce qui nous a contraint à utiliser des sources écrites pour reconstituer l'intégralité de la chanson.
Au passage, cet exercice pose des questions sur le fonctionnement de la mémoire. Aurélie Renaud, de Nozay, enregistrée par Pierre Guillard n'avait retenu que des bribes de certains couplets, mais est la seule à nous donner un mois de décembre intégral !
Si les premiers mois ont suivi le parallèle entre la nature qui renaît et l'éveil des amours, nous voici maintenant au temps des récoltes. Composé au temps ou la disette sévissait encore trop souvent, c'est un tableau idyllique qui nous est dépeint. Avec au premier plan deux éléments essentiels de la vie paysanne : le pain et le vin. En guise de morale les derniers vers de décembre ne sont pas sans rappeler la fable d'une certaine cigale insouciante :
Les beaux jours sont passés
pour ceux qui n'ont rien ramassé
Dans son étude sur cette chanson, Patrice Coirault parle de clichés démodés depuis la fin de leur 18è siècle et d'une imagerie déjà désuète à la fin du siècle suivant. Pourtant, si « le bel esprit versificateur qui l'a dépeinte n'était fleuri que de banalités modernes rimées en vers de mirliton », vulgarisés par le colportage ils étaient encore populaires en milieu paysan. Les chanteurs « n'avaient pas le temps de se mettre en mémoire douze couplets, chacun logeant douze vers. Et puis la chanson traînait dans les almanachs ». Voilà qui permet d'affirmer qu'il est « douteux qu'une chaîne de tradition orale ait existé ici. Les rares versions présentées par les collecteurs folkloriques ne sont qu'une résultante des imprimés de Pellerin ou de Gouriet » (2). Tout ceci renforce nos propres constatations.
La rareté et l'originalité de cette chanson méritaient malgré tout qu'on la réinterprète. Nous avons résisté à la tentation de vous en donner des livraisons semestrielles. Cette seconde partie met donc un terme à ce feuilleton.

Notes
1 – chanson n° 230 : Janvier près d'un bon feu
2 - voir commentaires et références dans le sujet consacré aux six premiers mois

Interprète : Jean-Louis Auneau
Sources orales : 1 - Madeleine Hardy – Le Cellier – enregistrée le 18/12/1988 par Pierre Guillard - 2 – Aurélie Renaud – Nozay - Pierre Guillard
Sources écrites : Armand Guéraud, « chants populaires du comté nantais et du bas Poitou » édition critique de Joseph Le Floc'h (FAMDT éditions – 1995) p. 444 – Arthur Rossat, « chansons populaires recueillies dans la Suisse romande » tome 2 (Sté suisse des traditions populaires - Lausanne 1930)
catalogue Coirault : 10015, Janvier près d'un bon feu
catalogue Laforte : IV, Ca-11, Les mois

Juillet, des laboureurs
Couronnant toujours leur labeur
Par la fertilité
que produit nos champs cultivés
Quel plaisir charmant
De voir le froment
Donner pour un grain
Une pleine main
Manon, Fanchon, Suzon
Venez pour y faire la moisson
Vous verrez vos amants
Ils sont répandus dans les champs.


Août remplit nos greniers
Et comble l'espoir du fermier
Car dans cette saison
tout abonde dans la maison
Il va t'au marché
Pour vendre son blé
Recevant l'argent
Le voilà content
Il entre à son verger
Le fruit est tout prêt à manger
A sa table on lui sert
A chaque repas un dessert

Septembre nous fournit
Le plus agréable des fruits
Ce fruit délicieux
Le plus beau des présents des cieux,
Le charmant raisin
Nous donne le vin,
Sa douce liqueur
Réjouit le cœur.
Préparez vos caveaux
Faites provisions de tonneaux
Alertes vignerons,
Car bientôt nous vendangerons.


Octobre, tout flétrit,
Tout meurt, tout sèche et tout languit,
Et les charmantes fleurs,
Ont perdu leurs belles couleurs.
Les bois dépouillés,
Presque défeuillés
N'ont plus d'agréments
Ni d'attraits charmants.
Semez pour l'an prochain,
Semez, laboureurs, votre grain!
Et priez le Seigneur
Qu'il bénisse votre labeur.


Novembre, adieu beau temps,
Les vents déchaînés, inconstants
Font souffler dans nos doigts.
Il faut faire provision de bois
Petite Fanchon
Il faut un manchon
Pour vous garantir
Du froid à venir
La fâcheuse saison
Contraint de garder la maison
Chassons par la chaleur,
Chassons de l'hiver la rigueur.


Décembre nous fournit
De quoi nous donner de l'esprit
Les beaux jours sont passés
pour ceux qui n'ont rien ramassé
Sans pain ni charbon
Cela n'est pas bon
Sans feu ni fagot
Croquons le marmot
Il n'y a plus de beaux jours
Les compliments seront très courts
On dit bonjour bonsoir
Messieurs et Mesdames au revoir


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire