Voici donc la suite tant attendue de la
chanson des mois, dont nous avons publié la première partie en
janvier (1) . Nous en étions restés à juin, où Pierrot et Margot
étaient couchés dans le foin, avec le soleil pour témoin. Le roi
Dagobert, sans culotte à l'envers, nous aidait à énumérer les
travaux des champs. Sans attendre le début de la saison estivale
nous reprenons le cours de cette évocation rustique et surannée.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Notre région n'a pas l'exclusivité de
cette chanson qui a été, rappelons le, diffusée jusqu'à la fin du
19è siècle sur des feuilles volantes, certaines illustrées par
l'imagerie d'Epinal. Une rapide recherche via le portail du
patrimoine oral a permis d'en trouver d'autres traces dans les
collectes effectuées en Poitou et dans le sud de la France. Ce texte
long et passé de mode n'avait laissé que des souvenirs
fragmentaires aux chanteurs collectés. Même chose pour nos
informatrices locales, ce qui nous a contraint à utiliser des
sources écrites pour reconstituer l'intégralité de la chanson.
Au passage, cet exercice pose des
questions sur le fonctionnement de la mémoire. Aurélie Renaud, de
Nozay, enregistrée par Pierre Guillard n'avait retenu que des bribes
de certains couplets, mais est la seule à nous donner un mois de
décembre intégral !
Si les premiers mois ont suivi le
parallèle entre la nature qui renaît et l'éveil des amours, nous
voici maintenant au temps des récoltes. Composé au temps ou la
disette sévissait encore trop souvent, c'est un tableau idyllique
qui nous est dépeint. Avec au premier plan deux éléments
essentiels de la vie paysanne : le pain et le vin. En
guise de morale les derniers vers de décembre ne sont pas sans
rappeler la fable d'une certaine cigale insouciante :
Les beaux jours sont
passés
pour ceux qui n'ont rien ramassé
pour ceux qui n'ont rien ramassé
Dans son étude sur cette chanson,
Patrice Coirault parle de clichés démodés depuis la fin de leur
18è siècle et d'une imagerie déjà désuète à la fin du siècle
suivant. Pourtant, si « le bel esprit versificateur qui l'a
dépeinte n'était fleuri que de banalités modernes rimées en vers
de mirliton », vulgarisés par le colportage ils étaient
encore populaires en milieu paysan. Les chanteurs « n'avaient
pas le temps de se mettre en mémoire douze couplets, chacun logeant
douze vers. Et puis la chanson traînait dans les almanachs ».
Voilà qui permet d'affirmer qu'il est « douteux qu'une chaîne
de tradition orale ait existé ici. Les rares versions présentées
par les collecteurs folkloriques ne sont qu'une résultante des
imprimés de Pellerin ou de Gouriet » (2). Tout ceci renforce
nos propres constatations.
La rareté et l'originalité de cette
chanson méritaient malgré tout qu'on la réinterprète. Nous avons
résisté à la tentation de vous en donner des livraisons
semestrielles. Cette seconde partie met donc un terme à ce
feuilleton.
Notes
1 – chanson n° 230 : Janvier
près d'un bon feu
2 - voir commentaires et références
dans le sujet consacré aux six premiers mois
Interprète : Jean-Louis
Auneau
Sources orales : 1 - Madeleine
Hardy – Le Cellier – enregistrée le 18/12/1988 par Pierre
Guillard - 2 – Aurélie Renaud – Nozay - Pierre Guillard
Sources écrites : Armand
Guéraud, « chants populaires du comté nantais et du bas
Poitou » édition critique de Joseph Le Floc'h (FAMDT éditions
– 1995) p. 444 – Arthur Rossat, « chansons populaires
recueillies dans la Suisse romande » tome 2 (Sté suisse des
traditions populaires - Lausanne 1930)
catalogue Coirault : 10015,
Janvier près d'un bon feu
catalogue Laforte : IV,
Ca-11, Les mois
Couronnant toujours leur labeur
Par la fertilité
que produit nos champs cultivés
Quel plaisir charmant
De voir le froment
Donner pour un grain
Une pleine main
Manon, Fanchon, Suzon
Venez pour y faire la moisson
Vous verrez vos amants
Ils sont répandus dans les champs.
Août
remplit nos greniers
Et
comble l'espoir du fermier
Car
dans cette saison
tout
abonde dans la maison
Il
va t'au marché
Pour
vendre son blé
Recevant
l'argent
Le
voilà content
Il
entre à son verger
Le
fruit est tout prêt à manger
A
sa table on lui sert
A
chaque repas un dessert
Le plus agréable des fruits
Ce fruit délicieux
Le plus beau des présents des cieux,
Le charmant raisin
Nous donne le vin,
Sa douce liqueur
Réjouit le cœur.
Préparez vos caveaux
Faites
provisions de tonneaux
Alertes vignerons,Car bientôt nous vendangerons.
Octobre, tout flétrit,
Tout meurt, tout sèche et tout languit,
Et les charmantes fleurs,
Ont perdu leurs belles couleurs.
Les bois dépouillés,
Presque défeuillés
N'ont plus d'agréments
Ni d'attraits charmants.
Semez pour l'an prochain,
Semez, laboureurs, votre grain!
Et priez le Seigneur
Qu'il bénisse votre labeur.
Novembre,
adieu beau temps,
Les
vents déchaînés, inconstants
Font
souffler dans nos doigts.
Il
faut faire provision de bois
Petite
Fanchon
Il
faut un manchon
Pour
vous garantir
Du
froid à venir
La
fâcheuse saison
Contraint
de garder la maison
Chassons par la chaleur,Chassons de l'hiver la rigueur.
Décembre
nous fournit
De
quoi nous donner de l'esprit
Les
beaux jours sont passés
pour ceux qui n'ont rien ramassé
pour ceux qui n'ont rien ramassé
Sans
pain ni charbon
Cela
n'est pas bon
Sans
feu ni fagot
Croquons
le marmot
Il
n'y a plus de beaux jours
Les
compliments seront très courts
On
dit bonjour bonsoir
Messieurs
et Mesdames au revoir
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