Ciel, mon mari ! … Bien avant le
théâtre de boulevard, la chanson traditionnelle a utilisé les
situations cocasses qui mettent en scène le triangle infernal :
le mari, la femme, l'amant. Du meunier qui se cache dans le coffre à
l'amant dévoré par les souris, en passant par Marion et ses
répliques au mari soupçonneux, il ne manque pas de chansons pour
exploiter ce filon. Elles tournent en dérision tantôt le mari cocu,
tantôt l'amant, la femme s'en tirant le plus souvent pour le mieux.
L'originalité de cette aventure tient
dans sa morale; ou dans son absence de morale, c'est comme on veut.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Quoi qu'il en soit, ce blog n'ayant pas
la prétention de réécrire l'histoire de la mode, nous nous
contenterons d'observer que la situation décrite est assez banale et
que son origine est beaucoup plus ancienne. Puymaigre (1) qui en
publie lui aussi une version, note que les fabliaux du moyen-âge ont
déjà utilisé ce thème de l'échange de culottes.
Dans une autre chanson assez répandue,
c'est l'habit du moine Simon qui servira à la dame pour faire des
culottes à son mari. Cet accessoire vestimentaire est donc
abondamment utilisé par la tradition populaire. L'originalité de
celle ci tient beaucoup à sa chute et à sa morale inattendues.
Pour faire encore durer le suspense,
revenons un peu au début. De notre version est absent un premier
couplet qui sert parfois de mise en situation ou d'annonce. On le
retrouve dans les versions publiées par Armand Guéraud ou Fernand
Guériff, pour ne parler que de notre région. En voici un exemple :
Oh ! que je sens que l'on marmotte
Touchant la culott' de velou's
je vais vous raconter tout court
Qui c'que c'est que cette culotte
Que s'il sifflait l'argent qui y
était
Valait bien le coup de sifflet.
Guériff (2) l'a entendue chantée en
août 1955 par Jean Delalande, 83 ans, au village de Kernodet près
Piriac . Il ajoute : «Le chanteur est originaire de
Brézéan. Il tient cette chanson de son grand-père, et la donne
pour une chanson de marin. Il chantait cette chanson à toutes les
fêtes et réjouissances, si bien qu'on le surnomma Jean la culotte.
Nous avons trouvé trace de cette chanson à Kerbourg, dans le
répertoire du père Louis Advenard ». Soit avec celle ci,
trois collectes à quelques kilomètres de distance, preuve que cette
chanson était populaire dans le secteur.
Vous allez voir ce que rapporte
quelquefois un accident
Dont on n'est d'abord pas content...
...proclame une autre version.
Effectivement le mari-marin trop souvent absent de la maison ne
semble pas s'offusquer outre mesure de la tournure prise par sa
mésaventure. Le dédommagement pécuniaire de l'inconduite de sa
femme transforme sa mauvaise fortune en bonne affaire. C'est une
façon de considérer la morale de l'histoire qui nous éloigne des
grands principes de l'amour pour se cantonner dans la grivoiserie.
notes
1 – Monsieur le comte Théodore-Joseph
Boudet de Puymaigre, s'il vous plait ! Auteur de plusieurs
ouvrages consacrés aux traditions populaires, dont « Chants
populaires recueillis dans le pays messin » (1881)
2 - Fernand Guériff, Tome III, p.
165-166 - Chansons de Brière, de Saint-Nazaire, et de la presqu'île
Guérandaise. Edité par Dastum 44 et le Parc naturel régional de
Brière (2009). En promo sur notre page éditions !
interprète : Annick
Mousset
source : chanson apprise de
Odile Lelecque, d'Assérac
catalogue P. Coirault : La
culotte de velours (05924 - maris trompés)
catalogue C. Laforte : La
culotte de velours (pro parte) - II, O-64
La culotte de velours
1-)
J'm'en vais vous raconter l'histoire,
Du commencement jusqu'à la fin,
C'est pour vous dire : C'est un marin
Prêt d'embarquer sur un corsaire
A voulu mettre le pied à terre
Pour y coucher avec sa chère moitié
2-)
Sa femme qui le croyait en rade
Qui prenait déjà ses plaisirs,
Qui contentait tous ses désirs
Avec un riche camarade
Tout allait bien, ne pensant à rien
C'est par une triste embrassade
Le mari frappant trois coups,
Dit : C'est moi, femme, levez-vous.
3-)
La pauvre femme à demi morte
Dit : C'est toi mon mari qu'est là ?
Le favori saisi d'effroi
Quand elle fut lui ouvrir la porte
Se mit dans coin qu'on n'y voyait rien
Le mari déchaussa ses bottes
Pour y coucher avec sa chère moitié
Mais il n'était pas le premier
4-)
La commère qui n'était point sotte
Se mit à plaindre bien fort
J'ai ramassé le mal de mort
En allant vous ouvrir la porte,
J'ai ramassé la colique assurée,
Si vous ne daignez m'y secourir
5-)
Il faut y aller chez l'apothicaire
Pour y chercher quelque liqueur
Le mari qui est d'un grand cœur,
Dit : Si ne vous faut que cela ma chère
Sauta du lit pour y prendre ses habits
Prit la culotte du favori.
6-)
Quand il fut pour payer l' clystère
Le mari chercha de l'argent
Il fut surpris d'y trouver quinze
louis,
Une belle montre en or d'Angleterre
"Culotte de velours"
s'aperçut tout à coup
Que sa femme lui jouait un tour.
7-)
Au lieu de porter à la malade
Des liqueurs pour sa guérison,
Il s'en fut comme un furibond
S'y divertir la nuit entière.
Là qui aurait perdu sa culotte, ses
écus
C'est un marin qui les a eus.
8-)
Le riche amoureux n'eut point garde,
D'aller réclamer les écus.
Mais la femme fut plus résolue
S'en va le trouver à la rade,
En lui disant : mon ami, mon ami,
C'est des braies que j'ai pris en garde
Pour y coudre un point, aussi n'en
doutez point,
Mon cher ami, j'en ai besoin.
9-)
Le mari en laçant ses bottes
Lui dit : Non, non vous ne l'aurez
point
Contentez vous donc de cela
Vous m'avez fait porter les cornes
La montre aussi le louis d'or
Me feront déserter le bord
10 -)
C'est entre vous, chers camarades,
Qui riez de mon accident
Ma foi, Je crois que six cent francs
Calmeraient bien votre colère
Deux cents écus pour passer pour cocu,
Et autant pour porter les cornes
Si tous les jours vous en gagnez autant
Vous serez bien vite riche marchand.
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