Après Nozay, Le Pouliguen, Saint
Nazaire, Le Loroux, St Etienne, Le Croisic, St Malo, Guérande
(1)...voici à nouveau une chanson qui met en vedette les filles
d'une commune en particulier. Vous connaissez probablement déjà
cette histoire parce que les filles des Forges de Paimpont ont
assuré l'un des premiers succès du plus ancien groupe nantais
encore en activité.
Ce texte, répandu dans toute la
Haute-Bretagne, donne une chanson à double détente. Dans un premier
temps on se moque des filles qui agissent comme des garçons. Pour
finir, c'est le clergé qui en prend pour son grade, avec un curé
qui tente de profiter de la situation.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Cette chanson est bien connue dans tout
le pays gallo. Si les filles des Forges de Paimpont on connu le
vedettariat avec le premier disque 33 tours des Tri Yann, quelques
communes de Loire-Atlantique nous proposent la même histoire. Quand
les filles de Paimpont vont volontiers se confesser au curé de
Beignon, chez nous, les filles de Campbon s'en vont trouver le curé
de Bouvron, celles de Ruffigné vont jusqu'à Sion et celles de La
Plaine se rendent au Clion. L'explication de ce dépaysement tient
peut être dans le souci de préserver une réputation dans la
commune d'origine. Il est plus facile d'avouer ses « fautes »
au confesseur du pays d'à coté qu'au curé local qu'on va croiser
toutes les semaines.
Qu'ont-elles donc à se reprocher ces
jouvencelles ? D'être allées au bal ? Bien sur, ce loisir
qui nous paraît anodin était autrefois très mal vu par le clergé.
Nous avons rencontré des informatrices pour qui la situation décrite
dans cette chanson avait réellement été vécue. Certains curés,
outrepassant leurs prérogatives, refusaient l'absolution aux jeunes
filles qui fréquentaient les bals. Dans une société autant marquée
par la pratique religieuse, ce refus pouvait avoir de sérieuses
conséquences.
Ce que la chanson raille, sous couvert
de morale religieuse, c'est en fait la tendance à vouloir sortir des
limites sociales en se comportant comme des garçons. Tout d'abord en
utilisant des artifices vestimentaires réservés au sexe masculin.
Cela n’apparaît pas clairement dans la version choisie, mais est
très explicite dans la seconde version dont nous vous donnons
également le texte. C'est celle que nous avons enregistré en chant
à la marche sur le premier CD de notre collection « en
Loire-Atlantique » (2).
Le second reproche qui est fait aux
jeunes filles c'est de boire comme des hommes. Ici, elles n'ont pas
attendu que le curé leur refuse l'absolution pour prendre prétexte
de s’enivrer. Petit exercice de calcul élémentaire : sachant
que chacune a remis sa tournée, calculez combien de filles de
Campbon ont participé à la fête.
On se moque des filles, mais attention,
un sarcasme peut en cacher un autre. La chanson réserve une chute à
rebondissement. C'est le clergé qui une fois de plus se fait
brocarder. Le curé profite de la situation et impose une pénitence
inattendue. Ce qui lui vaut parfois une réponse du genre « je
n'embrasse pas les prêtres... »
Dans la seconde version de cette
chanson, les filles de Campbon sont invitées à faire le voyage à
Rome pour obtenir leur pardon. Rome, siège de la papauté, pouvait
intervenir dans certains cas extrêmes comme l'annulation d'un
mariage ou une demande de canonisation. Au cas présent, la
disproportion entre la légèreté de la faute et la distance à
parcourir peut être prise comme une forme de dérision. Une
pénitence au moins aussi excessive que la murge qu'elles se prennent
au cabaret local en guise de conclusion.
notes
1 – liste loin d'être limitative de communes, toutes situées en Loire-Atlantique. Mais notre but n'est pas d'en faire le tour.
2 – il ne nous en reste plus beaucoup
en stock. N'attendez pas qu'il soit épuisé. (voir rubrique « nos
éditions »)
interprètes : Françoise
Bourse et Agnès Pihuit
source : Lucie Rastel, de
Kerbourg en Saint Lyphard
catalogue P. Coirault :
11001 – les filles à qui on a refusé l'absolution
catalogue C. Laforte : I,
C-18 – le curé de Paimpont
1 – version de Lucie Rastel
Ce sont les filles des forges, ce sont
les filles des forges
de la Rivière en Campbon, dondaine et ridon
de la Rivière en Campbon, dondaine et ridon
de Rivière en Campbon, dondaine
Elles s’en vont à confesse, elles s’en vont à confesse
Elles s’en vont à confesse, elles s’en vont à confesse
Au curé du canton, dondaine…
Qu’avez-fait les filles / Pour demander pardon
J’avons couru les danses / les bals et les garçons
Nous avons bu chopine / Pour savoir
s'il 'tait bon
Nous en avons bu quinze / Sans savoir
s'il 'tait bon
Mais au bout d' la seizième / L'on a
dit qu’il ‘tait bon
Pour votre pénitence / Nous nous embrasserons
Pour votre pénitence / Nous nous embrasserons
2 - Texte de la version apprise de
Stéphane Glotin, Pierre et Marie Orain
enregistrée sur le CD chants à la
marche en Loire-Atlantique – Dastum 44 (2002)
Digue, digue dondon, les filles de la
Rivière
Digue, digue dondon, d’la Rivière en
Campbon
... Elles s’en vont à confesse / Au
curé de Bouvron
Qu’avez-vous fait les filles / Pour
venir de Campbon
J’avions couru les bals / Habillées
en garçons
Portiez-vous des culottes / Dessous vos
cotillons
Je portions des culottes / Mais point
de cotillon
Faudra t’aller à Rome / Pour
demander pardon
Sont allées jusqu’au Temple / Chez
la mère Potiron
Apportez-nous chopine / Bouteille s’il
est bon
Au bout de quinze chopines / Elles ont
dit qu’il ‘tait bon
Sont point allées à Rome / N’ont
point eu leur pardon.
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