Dès la fin des années quarante des
enregistrements de contes et chansons traditionnelles ont été
réalisés dans le secteur de la Brière par des équipes des ATP.
Malheureusement ces collectages sont restés inaccessibles au public
pendant de longues années. Aujourd'hui vous pouvez les retrouver sur
le site dastumedia. Cette version du « galant qui voit mourir
sa mie » fait partie de ces archives désormais disponibles. Ce
qui nous donne le plaisir de pouvoir les interpréter.
Cette chanson nous permet de renouer
avec la tradition des belles histoires d'amour qui finissent
tragiquement. Comme ne manque jamais de le souligner le rossignol
« les amoureux sont toujours malheureux ». Prenez place
pour une séance de mélo.
Pour écouter la chanson et lire la
suite:
En fait, cette chanson ne fait
qu'utiliser tous les poncifs du genre : séparation, maladie,
fatalité, scène d'adieux déchirants et chagrin éternel de
l'amoureux survivant. C'est beau, c'est triste et ça plaît ;
sinon comment expliquer la quantité de chansons sur le thème de
l'amour malheureux. Cette version est plus proche du déroulement
classique de la tragédie que celle que nous vous avions précédemment
proposée (n° 137 – février 2016) qui introduisait une forme de
second degré.
Une petite particularité de cette
chanson tient à l'origine du médecin. Dans la grande majorité des
cas on va quérir le médecin de Paris ou de Nantes. Même dans les
textes ayant voyagé jusqu'au Québec ce sont toujours ces praticiens
qui sont appelés à la rescousse. Exceptionnellement ici, le toubib
est venu de Rennes. Question d'assonance, Rennes s'accordant mieux
avec peine ?
Pour renforcer le coté macabre, on
allume une chandelle ou un cierge au chevet du lit bien avant que la
mie ne prononce ses dernières paroles ; une manière
d'anticiper sur la veillée funèbre ou plus poétiquement une façon
pour le galant de prolonger les derniers moments auprès de celle
qu'il aime.
Très souvent cette chanson a été
connue sous le titre du « deuil d'amour ». Ici le garçon
fait ôter les parements de ses habits en signe de deuil. Ailleurs on
le voit arriver au pied du lit en habit rouge et l'épée au coté
puis se retirer en habit de soie noire et chapeau de crêpe orné.
Enfin, la morale de l'histoire, celle
qui vous fera épuiser votre stock de mouchoirs, c'est que le garçon
refuse les tentatives de consolation de ses parents. Ni fille de
riche marchand, ni fille de président de Nantes ou d'ailleurs ne
trouveront grâce à ses yeux, que sa mie toute nue en chemise.
C'est le triomphe de l'amour sur la raison, sentiment important si on
veut bien se souvenir qu'à l'époque où a sans doute été composée
cette chanson, les mariages arrangés en fonction de l'intérêt des
familles bourgeoises primaient sur tout.
interprète : Roland
Guillou
source : Claude Roussel à
Mayun (La Chapelle-des-Marais - 44) enregistré le 27 juillet 1949
par Claudie Marcel-Dubois et Marie-Marguerite Pichonnet-Andral, pour
les ATP - dastumedia
catalogue P. Coirault :
1405 – le galant qui voit mourir sa mie
catalogue C. Laforte : II,
A-12 – le galant qui voit mourir s'amie
Garçon qui fait l'amour, grand dieu
qu'il a de peine
Se couche tard, se lève de bon matin
A ses travaux il a grand soin
Par un soir il s'en fut pour y voir(e)
sa belle
Où est elle donc ma mie que j'aimais
tant
Depuis l'âge de quinze à seize ans ?
Son père lui répond, le cœur bien en
tristesse
Elle est là-haut couchée dedans son
lit
Là je crois bien qu'elle va mourir
Il faut le médecin, le médecin de
Rennes
Le médecin de Rennes ou de Paris
qui puisse guérir ma bonne amie
Le médecin tardit, j'm'en fut à sa
rencontre
Beau médecin, pressez, pressez vos pas
Ma bonne amie est au trépas
Si ton amie est morte, que veux tu que
j'y fasse
Je lui apporte les remèdes les plus
doux
Qui puissent la guérir de tout
Le médecin rentré, la belle parlait
encore
Elle a retiré sa blanche main du lit
Pour dire adieu à ses amis
A lui elle dit tout bas : allumez
la chandelle
Et mettez la au chevet de mon lit
C'est pour m'éclairer à mourir
Ma mère décousez moi les velours de
mes manches
Jamais velours, satin j'y porterai
Puisque ma mie est décédée
Hé là mon cher fils ne vous faites
point tant de peine
Il y a des filles de ces riches
marchands
Qui ont de l'or et de l'argent
J'aimerais mieux ma mie toute nue en
chemise
Que toutes les filles de ces riches
marchands
Avec leur or et leur argent
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