vendredi 27 avril 2018

246 - Garçon qui fait l'amour


Dès la fin des années quarante des enregistrements de contes et chansons traditionnelles ont été réalisés dans le secteur de la Brière par des équipes des ATP. Malheureusement ces collectages sont restés inaccessibles au public pendant de longues années. Aujourd'hui vous pouvez les retrouver sur le site dastumedia. Cette version du « galant qui voit mourir sa mie » fait partie de ces archives désormais disponibles. Ce qui nous donne le plaisir de pouvoir les interpréter.
Cette chanson nous permet de renouer avec la tradition des belles histoires d'amour qui finissent tragiquement. Comme ne manque jamais de le souligner le rossignol « les amoureux sont toujours malheureux ». Prenez place pour une séance de mélo.
Pour écouter la chanson et lire la suite:

En fait, cette chanson ne fait qu'utiliser tous les poncifs du genre : séparation, maladie, fatalité, scène d'adieux déchirants et chagrin éternel de l'amoureux survivant. C'est beau, c'est triste et ça plaît ; sinon comment expliquer la quantité de chansons sur le thème de l'amour malheureux. Cette version est plus proche du déroulement classique de la tragédie que celle que nous vous avions précédemment proposée (n° 137 – février 2016) qui introduisait une forme de second degré.
Une petite particularité de cette chanson tient à l'origine du médecin. Dans la grande majorité des cas on va quérir le médecin de Paris ou de Nantes. Même dans les textes ayant voyagé jusqu'au Québec ce sont toujours ces praticiens qui sont appelés à la rescousse. Exceptionnellement ici, le toubib est venu de Rennes. Question d'assonance, Rennes s'accordant mieux avec peine ?
Pour renforcer le coté macabre, on allume une chandelle ou un cierge au chevet du lit bien avant que la mie ne prononce ses dernières paroles ; une manière d'anticiper sur la veillée funèbre ou plus poétiquement une façon pour le galant de prolonger les derniers moments auprès de celle qu'il aime.
Très souvent cette chanson a été connue sous le titre du « deuil d'amour ». Ici le garçon fait ôter les parements de ses habits en signe de deuil. Ailleurs on le voit arriver au pied du lit en habit rouge et l'épée au coté puis se retirer en habit de soie noire et chapeau de crêpe orné.
Enfin, la morale de l'histoire, celle qui vous fera épuiser votre stock de mouchoirs, c'est que le garçon refuse les tentatives de consolation de ses parents. Ni fille de riche marchand, ni fille de président de Nantes ou d'ailleurs ne trouveront grâce à ses yeux, que sa mie toute nue en chemise. C'est le triomphe de l'amour sur la raison, sentiment important si on veut bien se souvenir qu'à l'époque où a sans doute été composée cette chanson, les mariages arrangés en fonction de l'intérêt des familles bourgeoises primaient sur tout.

interprète : Roland Guillou
source : Claude Roussel à Mayun (La Chapelle-des-Marais - 44) enregistré le 27 juillet 1949 par Claudie Marcel-Dubois et Marie-Marguerite Pichonnet-Andral, pour les ATP - dastumedia
catalogue P. Coirault : 1405 – le galant qui voit mourir sa mie
catalogue C. Laforte : II, A-12 – le galant qui voit mourir s'amie


Garçon qui fait l'amour, grand dieu qu'il a de peine
Se couche tard, se lève de bon matin
A ses travaux il a grand soin

Par un soir il s'en fut pour y voir(e) sa belle
Où est elle donc ma mie que j'aimais tant
Depuis l'âge de quinze à seize ans ?

Son père lui répond, le cœur bien en tristesse
Elle est là-haut couchée dedans son lit
Là je crois bien qu'elle va mourir

Il faut le médecin, le médecin de Rennes
Le médecin de Rennes ou de Paris
qui puisse guérir ma bonne amie

Le médecin tardit, j'm'en fut à sa rencontre
Beau médecin, pressez, pressez vos pas
Ma bonne amie est au trépas

Si ton amie est morte, que veux tu que j'y fasse
Je lui apporte les remèdes les plus doux
Qui puissent la guérir de tout

Le médecin rentré, la belle parlait encore
Elle a retiré sa blanche main du lit
Pour dire adieu à ses amis

A lui elle dit tout bas : allumez la chandelle
Et mettez la au chevet de mon lit
C'est pour m'éclairer à mourir

Ma mère décousez moi les velours de mes manches
Jamais velours, satin j'y porterai
Puisque ma mie est décédée

Hé là mon cher fils ne vous faites point tant de peine
Il y a des filles de ces riches marchands
Qui ont de l'or et de l'argent

J'aimerais mieux ma mie toute nue en chemise
Que toutes les filles de ces riches marchands
Avec leur or et leur argent


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