Triste sort que celui du soldat qui
revient d'une longue campagne. Selon les nombreuses chansons qui
racontent ces retours, son infortune varie : épouse enlevée
par les sarrasins ou en bute aux mauvais traitements infligés par sa
belle mère dans les complaintes les plus anciennes (1). Dans celles
plus proche de nous, c'est une compagne lassée d'attendre qui se
remarie. Parfois le retour coïncide avec la cérémonie. Mais ici le
mal est déjà fait. Trompée par des « fausses lettres »,
elle a refait sa vie. Il semble même qu'elle n'ait pas attendu trop
longtemps puisqu'elle a déjà plusieurs enfants de ces secondes
noces. Toutes les versions de cette chanson respectent un déroulement
immuable. Ce qui fait l'originalité de celle ci c'est son
dénouement.
Les soldats sont trois et encore jeunes
dans cette chanson qui faisait partie du répertoire de la mère de
notre chanteuse. Bien souvent ce sont les qualificatifs de petit,
pauvre ou brave qui définissent le militaire. C'est parfois un
marin, car cette chanson est tellement répandue que chacun a pu
l'adapter à ses habitudes ou à sa convenance.
Quelle que soit son arme ou son
affectation, le « revenant » suit le même scénario
d'une version à l'autre : il est toujours mal chaussé, il
demande à boire du vin blanc (2), sa femme pleure parce qu'elle le
reconnaît et il se découvre des enfants dont il n'est pas le père.
Voilà pour la trame habituelle où les fausses nouvelle de sa mort
expliquent le remariage de sa veuve. Les variations ne sont que dans
les détails (de 3 à 6 enfants) et dans la conclusion de l'affaire.
Il est des chansons où le soldat
démobilisé se bat avec le nouveau prétendant ; parfois le
choix des armes donne un curieux épisode où les deux rivaux jouent
leur place aux cartes. Mais il est extrêmement rare que l'homme et
la femme règlent leur différend les armes à la main. C'est
pourtant ce qui se passe ici. Contrairement à la chanson où une
fille provoque le roi d'Angleterre avec sa quenouillette (3) le
combat est dramatique et se termine par le décès simultané des
deux : les voilà réunis dans la mort quand il ne leur était
plus possible de l'être dans la vie. Quelque barbare que puisse nous
paraître cette fin elle se situe sans doute plus dans un esprit
« chevaleresque » ou « médiéval » que dans
la logique du mélodrame qui conclut fréquemment cette chanson.
L'épilogue nous montre en effet le plus souvent un homme abattu qui
s'en retourne au régiment en versant des larmes :
adieu la femme et les enfants
je m'en retourne au régiment
Moins souvent, le désespoir lui fait
proférer des menaces de tuer le nouveau père et les enfants, qui
sont rarement mises à exécution. D'autres solutions sont proposées,
en particulier dans des textes collectés dans l'est ou en piémont
italien. La femme garde les enfants du second lit et le soldat emmène
avec lui le premier au régiment.
C'est un thème inépuisable ; ne
manquez pas, la semaine prochaine, le retour du retour !
notes
1 - sans parler de celles où il trouve
sa mie morte (voir chanson 246 de la quinzaine précédente) ni de
celles où il se fait zigouiller par ses parents aubergistes (n° 167
– septembre 2016)
2 - Doncieux (le romancéro populaire
de la France - 1904) en cite une unique adaptation allemande ou le
soldat se console à la bière !
3 - Voir les deux chansons n° 123, au
pied d'un lilas blanc et n° 234, les trente deux fillettes
interprète : Annick
Mousset
source : chanson du
répertoire de sa mère, Célina Mousset
catalogue P. Coirault : Le
pauvre soldat qui revient de guerre (Aventures de mariage - N°
05309)
catalogue C. Laforte : Le
retour du mari soldat : trois enfants (II, I–05)
Le retour du mari soldat
Trois jeunes soldats reviennent de
guerre (bis)
Bien habillés, bien fatigués
S’en vont demander à loger
C’est d’un beau soir, dame
l’hôtesse (bis)
Servez-nous de ce bon vin blanc
Que les soldats buvent en passant
Tandis que les soldats buvaient (bis)
[…] Dame l’hôtesse faisait
qu’pleurer
Oh, qu’avez-vous, dame l’hôtesse
(bis)
Est-ce le regret de ce vin blanc
Que les soldats buvent en passant
Ce n’est point mon vin qu’j’y
regrette (bis)
C’est le regret de mon mari
Voilà sept ans qu’il est parti
Voilà sept ans qu’il en guerre
(bis)
Voilà sept ans qu’il est parti
Il n’est point mort, car le voici
Oh, qu’as-tu fait, méchante femme
(bis)
J’t’avais laissé qu’un enfant
J’en vois cinq ou six maintenant
J’ai tant reçu de fausses lettres
(bis)
Tu étais mort et enterré
Et moi je m’suis remariée
Prends ton épée et moi la mienne
(bis)
[…] Nous allons voir si tu es bon
dragon
Au premier coup d’épée qu’ils
donnent (bis)
Ils se sont tués tous les deux / Voilà
la vie des amoureux.
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