vendredi 11 mai 2018

248 – Le retour du soldat


Triste sort que celui du soldat qui revient d'une longue campagne. Selon les nombreuses chansons qui racontent ces retours, son infortune varie : épouse enlevée par les sarrasins ou en bute aux mauvais traitements infligés par sa belle mère dans les complaintes les plus anciennes (1). Dans celles plus proche de nous, c'est une compagne lassée d'attendre qui se remarie. Parfois le retour coïncide avec la cérémonie. Mais ici le mal est déjà fait. Trompée par des « fausses lettres », elle a refait sa vie. Il semble même qu'elle n'ait pas attendu trop longtemps puisqu'elle a déjà plusieurs enfants de ces secondes noces. Toutes les versions de cette chanson respectent un déroulement immuable. Ce qui fait l'originalité de celle ci c'est son dénouement.
Pour écouter la chanson et lire la suite :

Les soldats sont trois et encore jeunes dans cette chanson qui faisait partie du répertoire de la mère de notre chanteuse. Bien souvent ce sont les qualificatifs de petit, pauvre ou brave qui définissent le militaire. C'est parfois un marin, car cette chanson est tellement répandue que chacun a pu l'adapter à ses habitudes ou à sa convenance.
Quelle que soit son arme ou son affectation, le « revenant » suit le même scénario d'une version à l'autre : il est toujours mal chaussé, il demande à boire du vin blanc (2), sa femme pleure parce qu'elle le reconnaît et il se découvre des enfants dont il n'est pas le père. Voilà pour la trame habituelle où les fausses nouvelle de sa mort expliquent le remariage de sa veuve. Les variations ne sont que dans les détails (de 3 à 6 enfants) et dans la conclusion de l'affaire.
Il est des chansons où le soldat démobilisé se bat avec le nouveau prétendant ; parfois le choix des armes donne un curieux épisode où les deux rivaux jouent leur place aux cartes. Mais il est extrêmement rare que l'homme et la femme règlent leur différend les armes à la main. C'est pourtant ce qui se passe ici. Contrairement à la chanson où une fille provoque le roi d'Angleterre avec sa quenouillette (3) le combat est dramatique et se termine par le décès simultané des deux : les voilà réunis dans la mort quand il ne leur était plus possible de l'être dans la vie. Quelque barbare que puisse nous paraître cette fin elle se situe sans doute plus dans un esprit « chevaleresque » ou « médiéval » que dans la logique du mélodrame qui conclut fréquemment cette chanson. L'épilogue nous montre en effet le plus souvent un homme abattu qui s'en retourne au régiment en versant des larmes :
adieu la femme et les enfants
je m'en retourne au régiment
Moins souvent, le désespoir lui fait proférer des menaces de tuer le nouveau père et les enfants, qui sont rarement mises à exécution. D'autres solutions sont proposées, en particulier dans des textes collectés dans l'est ou en piémont italien. La femme garde les enfants du second lit et le soldat emmène avec lui le premier au régiment.
C'est un thème inépuisable ; ne manquez pas, la semaine prochaine, le retour du retour !

notes
1 - sans parler de celles où il trouve sa mie morte (voir chanson 246 de la quinzaine précédente) ni de celles où il se fait zigouiller par ses parents aubergistes (n° 167 – septembre 2016)
2 - Doncieux (le romancéro populaire de la France - 1904) en cite une unique adaptation allemande ou le soldat se console à la bière !
3 - Voir les deux chansons n° 123, au pied d'un lilas blanc et n° 234, les trente deux fillettes

interprète : Annick Mousset
source : chanson du répertoire de sa mère, Célina Mousset
catalogue P. Coirault : Le pauvre soldat qui revient de guerre (Aventures de mariage - N° 05309)
catalogue C. Laforte : Le retour du mari soldat : trois enfants (II, I–05)

Le retour du mari soldat

Trois jeunes soldats reviennent de guerre (bis)
Bien habillés, bien fatigués
S’en vont demander à loger

C’est d’un beau soir, dame l’hôtesse (bis)
Servez-nous de ce bon vin blanc
Que les soldats buvent en passant

Tandis que les soldats buvaient (bis)
[…] Dame l’hôtesse faisait qu’pleurer

Oh, qu’avez-vous, dame l’hôtesse (bis)
Est-ce le regret de ce vin blanc
Que les soldats buvent en passant

Ce n’est point mon vin qu’j’y regrette (bis)
C’est le regret de mon mari
Voilà sept ans qu’il est parti

Voilà sept ans qu’il en guerre (bis)
Voilà sept ans qu’il est parti
Il n’est point mort, car le voici

Oh, qu’as-tu fait, méchante femme (bis)
J’t’avais laissé qu’un enfant
J’en vois cinq ou six maintenant

J’ai tant reçu de fausses lettres (bis)
Tu étais mort et enterré
Et moi je m’suis remariée

Prends ton épée et moi la mienne (bis)
[…] Nous allons voir si tu es bon dragon

Au premier coup d’épée qu’ils donnent (bis)
Ils se sont tués tous les deux / Voilà la vie des amoureux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire