Nous publions sur ce blog des chansons
de déserteurs avec constance et régularité. Et pourtant cette fois
c'est à Jean Rivalant, chanteur du Bourg de Batz que nous devons
cette version du déserteur qui tue son capitaine (1).
Une bonne raison d'insister à nouveau
sur cette partie du répertoire c'est que nous organisons
prochainement un atelier « chants du tiroir » consacré
aux soldats, conscrits et déserteurs. Cette séance est organisée
mardi 29 novembre à 17h15 aux archives départementales de
Loire-Atlantique à Nantes (2). Habitants de Nantes et des contrées
limitrophes ne manquez pas cette occasion. Mais revenons maintenant à
la chanson.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
La trame de cette histoire est fidèle
à la chanson type du déserteur qui rencontre son capitaine, se bat
avec lui et sera exécuté par un de ses camarades. Ce sont les
détails qui comptent : une bague, un mouchoir bleu, une
serviette blanche et un navire hollandais. Des éléments qui
prouvent une contamination entre variantes de ce même thème.
Si vous êtes de fidèles de ces
parutions hebdomadaires cela doit vous rappeler quelque chose. Ne
cherchez pas trop et reportez vous à la chanson n° 101 d'avril
2015. Il s'agit d'une autre version, collectée près d'un siècle
plus tôt par Abel Soreau à Crossac, en Brière, soit à 27
kilomètres de là à vol de canard. Si la mélodie est différente
le texte est très proche. On pourrait presque jouer au jeu des sept
différences.
Depuis cette précédente parution nous
n'avons pas résolu l'énigme du mouchoir bleu. Ce signe particulier
qui semble persister dans toutes les versions connues de la chanson
est-il là juste pour la rime bleu - yeux ? En un
siècle, les délais avant l'exécution sont passés de trois à
quarante jours (ah les lenteurs de la justice !). Pour le reste
nous retrouvons ces mêmes détails. On porte le cœur du défunt
vers sa famille. Curieuse habitude ? Mais l'exemple vient de
haut puisque la Duchesse Anne de Bretagne elle même est ainsi
partagée entre Saint Denis pour sa sépulture et Nantes pour son
cœur.
Quand au navire hollandais, il a
souvent été considéré comme le symbole de la razzia sur nos
côtes. C'en est ainsi dans la célèbre chanson du prisonnier des
hollandais (auprès de ma blonde) sensée relater un incident arrivé
dans la baie de Bourgneuf. Ce serait oublier que la Hollande exerçait
aussi une véritable domination économique sur l'Europe. Le négoce,
la finance, la marine ainsi que des compétences dans l'aménagement
des zones marécageuses ont associé les hollandais à la vie de nos
rivages. Il n'est donc pas étonnant de les rencontrer dans les
chansons.
Si vous comparez encore une fois la
version collectée par Soreau à celle ci vous constaterez une
variation intéressante sur ce dernier couplet. La phrase :
Ah ! dites-lui plutôt, que je suis
à Bordeaux
Pris par les Hollandais, qu'a n' me
r'verra jamais.
Devient ici :
Dis-lui qu'je suis parti à bord
d’un hollandais
A bord d’un hollandais, qu’elle
m’y verra jamais
A Bordeaux - à
bord d'un... la vie d'une chanson tient à peu de choses !
Notes
1 – que tous ceux qui ont compris
cette fine allusion nous écrivent ; ils ont gagné.
2 – 6 rue de Bouillé, à Nantes, à
deux pas du local de Dastum 44. Pour vous inscrire voici leur numéro
de téléphone : 02 51 72 93 20
interprètes : Martine
Lehuédé & Janig Juteau
source : Jean Rivalant, de
Kervalet, Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique) collecté le 13 mars 1994
par Roland Guillou et Robert Bouthillier
catalogue P. Coirault : Le
déserteur qui tue son capitaine (Déserteurs - N° 06803)
catalogue C. Laforte : Le
capitaine tué par le déserteur (II, A–45)
Le déserteur
Je me suis t’engagé pour l’amour
d’une brune (bis)
C’est pas pour l’anneau d’or
qu’la belle refuse encore
Mais c’est pour l’doux baiser qu’la
belle m’a refusé (bis)
Là-bas, chemin faisant, j’rencontre
mon capitaine (bis)
Mon capitaine m’a dit : où
vas-tu sans souci
J’m’en vas dans ce vallon rejoindre
mon bataillon (bis)
Soldat, t’as du chagrin pour l’amour
de ta belle (bis)
Mais ce n’est pas pour toi, la preuve
est à mon doigt
Et tu vois clairement que je suis son
amant (bis)
Là-bas, dans ce pré vert où coule
une claire fontaine (bis)
J’ai mis mon habit bas, mon sabre à
bout de bras
Et là, je me battis comme un vaillant
soldat (bis)
Au premier coup portant j’tua mon
capitaine (bis)
Mon capitaine est mort et moi, je vis
encore
Mais dans quarante jours ce sera z’à
mon tour (bis)
Celui qui me tuera sera mon camarade
(bis)
Il me band’ra les yeux avec un
mouchoir bleu
Et me fera mourir sans me faire
souffrir (bis)
On envelopp’ra mon cœur dans une
serviette blanche (bis)
On l’port’ra à Paris, oui, chez ma
bonne amie
En lui disant : v’là l’cœur
de ton vrai serviteur (bis)
Soldat du même pays, ne dis pas à ma
mère (bis)
Dis-lui je suis parti à bord d’un
hollandais
A bord d’un hollandais, qu’elle m’y
verra jamais (bis).
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