Malgré son titre ce n'est ni une
chanson à boire ni une chanson de métier que nous vous proposons
cette semaine. Le joyeux vigneron n'y tient qu'un rôle secondaire.
Dès la fin du deuxième couplet, il s'efface pour céder la place à
un dialogue entre amoureux. Une fille qui se méfie du « qu'en
dira-t-on » et un garçon qui adopte une attitude plus
détachée, faisant mentir l'adage populaire qui veut que là où il
y a du zen il n'y pas de plaisir (1).
Chanson d'amour peut-être, chanson
plaisante certainement, elle est extraite de collectes anciennes dans
le Pays de Retz. Nous n'en avons pas trouvé d'équivalent récent
dans nos archives sonores.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Avant d'être répertoriée dans le
cahier de chansons de Poiraud, «violoneux» de la région de Pornic,
cette histoire a cheminé dans la tradition orale. Mais elle avait
déjà été imprimée dès 1704 par Ballard, dans son recueil
« Brunettes ou petits airs tendres... » sous la rubrique
chansons à danser en rond.
Le texte original de Ballard contient
deux couplets supplémentaires qui redonnent au vigneron plus
d'importance. Avec la promesse d'une récompense la mémoire lui
revient et il conduit l'amant vers sa belle. On se croirait dans un
polar américain avec un privé agitant des billets verts sous le nez
d'un indic pour lui rafraîchir les idées ! Vous trouverez
cette version intégrale après les paroles de la chanson.
Pour le reste l'histoire est la même
et débouche sur cette morale en forme de « laissons les
dire ». Notons au passage que la belle, poussée, pincée ou
embrassée (selon les versions) ne trouve rien à dire les trois
premières fois, trop occupée sans doute.
Malgré cette morale, toujours
actuelle, la chanson n'est plus guère interprétée de nos jours.
Elle a cependant été notée à de nombreuses reprises avec des
variantes que nous ne résistons pas au plaisir de vous présenter.
Ainsi, Louis Lambert (2), dans ses chansons populaires du Languedoc
en donne une version en occitan avec sa traduction « par le
vicomte De Gourgues, au château de Lanquais en Dordogne » qui
donne :
Cent écus je donnerais pourvu que
vous m'enseignassiez où est ma mie,
beau langage qui vaut bien son pesant
de Mombazillac mais ne vaut guère la version adressée à Armand
Guéraud par un informateur d'Aizenay (85) avec :
Les vesins nous ont vus, iront
partout le braire...(2)
Nous avons respecté dans notre
interprétation les notes du manuscrit Poiraud, où seul le dernier
vers finissant par « oh gai lan la » est répété. La
structure de ce texte semble bien se prêter à une ronde. De quel
type ? Nous n'affirmerons rien à ce sujet, les danses chantées
en Pays de Retz n'ayant pas survécu jusqu'à nos jours, à de très
rares exceptions près. Si quelqu'un peut nous en dire plus sur le
sujet, merci d'avance. Quand à votre tour vous chanterez cette
chanson, vous constaterez qu'il est plus facile de faire répéter
les deux derniers vers en entier.
notes
1 – ezcusez moi z'avait un sseveu
ssur la langue
2 – Louis Lambert, chants et chansons
populaires du Languedoc, Paris 1906, réédité en 1983 – Armand
Guéraud, chants populaires du Comté nantais et du bas Poitou, éd.
Modal/FAMDT 1995
interprètes : Jean-Louis
Auneau, avec Hugo Arribart et Daniel Lehuédé
source : Quatre vingt
chansons du Pays de Retz, cahier du violoneux Poiraud, reproduit par
Michel Gauthier.
Catalogue Coirault – 1524, la
belle Marguerite dans la vigne
Oh ! gai vigneron :
Vigneron, vigneron
Gai la lire lon la
Bon laboureur de vigne
Oh gai lan lire
Bon laboureur de vigne
Oh gai lan la
N'as tu pas vu passer
Par ici une fille
Comment l'aurais je vue
Moi qui la connaît pas
Dessous le rosier blanc
La belle s'est endormie
Il la pinça trois fois
Sans petit mot lui dire
La quatrième fois
son petit cœur soupire
Ma belle vous soupirez
Belle Jeanneton, ma mie
Oh, j'ai beau soupirer
Pleurer et non de rire
Les gens qui nous ont vu
de nous que vont ils dire
de nous que vont ils dire
Laissons dire les gens
Les gens laissons les dire
Quand ils auront tout dit
N'auront plus rien à dire
Version imprimée dans l'édition de
1704 de :
Brunettes ou petis airs tendres avec
les doubles et la basse continue, meslées de chansons à danser, par
Christophe Ballard :
Ah mon beau laboureur
Beau laboureur de vigne
O lire, o lire
Beau laboureur de vigne
O lire, o la
N'as vous pas vu passer
Marguerite ma mie
je donne trois cent écus
Qui dirait ou est ma mie
Monsieur comptez les là
Entrez dans notre vigne
Dessous le prunier blanc
La belle est endormie
Je la poussay trois fois
Sans qu'elle osat mot dire
La quatrième fois
son petit cœur soupire
Pour qui soupirez vous
Marguerite,ô ma mie
Je soupire pour vous
Et ne m'en puis dédire
Les voisins nous ont vu
et ils iront tout dire
et ils iront tout dire
Laissons les gens parler
et n'en faisons que rire
Quand ils auront tout dit
N'auront plus rien à dire
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