vendredi 4 novembre 2016

174 - Oh ! gai vigneron

Malgré son titre ce n'est ni une chanson à boire ni une chanson de métier que nous vous proposons cette semaine. Le joyeux vigneron n'y tient qu'un rôle secondaire. Dès la fin du deuxième couplet, il s'efface pour céder la place à un dialogue entre amoureux. Une fille qui se méfie du « qu'en dira-t-on » et un garçon qui adopte une attitude plus détachée, faisant mentir l'adage populaire qui veut que là où il y a du zen il n'y pas de plaisir (1).
Chanson d'amour peut-être, chanson plaisante certainement, elle est extraite de collectes anciennes dans le Pays de Retz. Nous n'en avons pas trouvé d'équivalent récent dans nos archives sonores.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Avant d'être répertoriée dans le cahier de chansons de Poiraud, «violoneux» de la région de Pornic, cette histoire a cheminé dans la tradition orale. Mais elle avait déjà été imprimée dès 1704 par Ballard, dans son recueil « Brunettes ou petits airs tendres... » sous la rubrique chansons à danser en rond.
Le texte original de Ballard contient deux couplets supplémentaires qui redonnent au vigneron plus d'importance. Avec la promesse d'une récompense la mémoire lui revient et il conduit l'amant vers sa belle. On se croirait dans un polar américain avec un privé agitant des billets verts sous le nez d'un indic pour lui rafraîchir les idées ! Vous trouverez cette version intégrale après les paroles de la chanson.
Pour le reste l'histoire est la même et débouche sur cette morale en forme de « laissons les dire ». Notons au passage que la belle, poussée, pincée ou embrassée (selon les versions) ne trouve rien à dire les trois premières fois, trop occupée sans doute.
Malgré cette morale, toujours actuelle, la chanson n'est plus guère interprétée de nos jours. Elle a cependant été notée à de nombreuses reprises avec des variantes que nous ne résistons pas au plaisir de vous présenter. Ainsi, Louis Lambert (2), dans ses chansons populaires du Languedoc en donne une version en occitan avec sa traduction « par le vicomte De Gourgues, au château de Lanquais en Dordogne » qui donne :
Cent écus je donnerais pourvu que vous m'enseignassiez où est ma mie,
beau langage qui vaut bien son pesant de Mombazillac mais ne vaut guère la version adressée à Armand Guéraud par un informateur d'Aizenay (85) avec :
Les vesins nous ont vus, iront partout le braire...(2)
Nous avons respecté dans notre interprétation les notes du manuscrit Poiraud, où seul le dernier vers finissant par « oh gai lan la » est répété. La structure de ce texte semble bien se prêter à une ronde. De quel type ? Nous n'affirmerons rien à ce sujet, les danses chantées en Pays de Retz n'ayant pas survécu jusqu'à nos jours, à de très rares exceptions près. Si quelqu'un peut nous en dire plus sur le sujet, merci d'avance. Quand à votre tour vous chanterez cette chanson, vous constaterez qu'il est plus facile de faire répéter les deux derniers vers en entier.


notes
1 – ezcusez moi z'avait un sseveu ssur la langue
2 – Louis Lambert, chants et chansons populaires du Languedoc, Paris 1906, réédité en 1983 – Armand Guéraud, chants populaires du Comté nantais et du bas Poitou, éd. Modal/FAMDT 1995

interprètes : Jean-Louis Auneau, avec Hugo Arribart et Daniel Lehuédé
source : Quatre vingt chansons du Pays de Retz, cahier du violoneux Poiraud, reproduit par Michel Gauthier.
Catalogue Coirault – 1524, la belle Marguerite dans la vigne

Oh ! gai vigneron :

Vigneron, vigneron
Gai la lire lon la
Bon laboureur de vigne
Oh gai lan lire
Bon laboureur de vigne
Oh gai lan la

N'as tu pas vu passer
Par ici une fille

Comment l'aurais je vue
Moi qui la connaît pas

Dessous le rosier blanc
La belle s'est endormie

Il la pinça trois fois
Sans petit mot lui dire

La quatrième fois
son petit cœur soupire

Ma belle vous soupirez
Belle Jeanneton, ma mie

Oh, j'ai beau soupirer
Pleurer et non de rire

Les gens qui nous ont vu
de nous que vont ils dire

Laissons dire les gens
Les gens laissons les dire

Quand ils auront tout dit
N'auront plus rien à dire

Version imprimée dans l'édition de 1704 de :
Brunettes ou petis airs tendres avec les doubles et la basse continue, meslées de chansons à danser, par Christophe Ballard :

Ah mon beau laboureur
Beau laboureur de vigne
O lire, o lire
Beau laboureur de vigne
O lire, o la

N'as vous pas vu passer
Marguerite ma mie
je donne trois cent écus
Qui dirait ou est ma mie
Monsieur comptez les là
Entrez dans notre vigne
Dessous le prunier blanc
La belle est endormie
Je la poussay trois fois
Sans qu'elle osat mot dire
La quatrième fois
son petit cœur soupire
Pour qui soupirez vous
Marguerite,ô ma mie
Je soupire pour vous
Et ne m'en puis dédire
Les voisins nous ont vu
et ils iront tout dire
Laissons les gens parler
et n'en faisons que rire
Quand ils auront tout dit

N'auront plus rien à dire

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