vendredi 11 novembre 2016

175 - Derrière chez nous y a t’une lande

« Qui a composé la chanson... » ; cette formule présente dans les derniers couplets de certaines chansons traditionnelles ne nous apprend généralement rien de plus que : c'est un garçon, un soldat, un compagnon...Derrière cet anonymat, il y a pourtant un parolier à l'origine de chaque chanson ; Le propre de la transmission orale au cours des siècles c'est de voir cette origine s'effacer devant la culture populaire, chacun s'appropriant texte et musiques pour aboutir à ce fonds commun que nous essayons de valoriser.
Bien sur, il y a des exceptions. Il existe dans le répertoire bon nombre de textes dont l'auteur peut être assez facilement identifié. C'est le cas pour la chanson que nous vous proposons cette semaine, dont le compositeur a préféré tirer une certaine satisfaction de voir un de ses textes accéder au statut de chanson « trad. »
pour écouter la chanson et lire la suite :


Avant de vous livrer son nom, nous allons essayer de classer par ordre chronologique ces oubliés de la chanson. Nous passerons rapidement sur la quantité de textes diffusés anonymement (pas toujours) sur des feuilles volantes. Un certain nombre des chansons enregistrées pour ce blog (1) ont été diffusées de cette manière. Pour simplifier, définissons trois périodes historiques aux contours volontairement flous :
1 – Jadis – vaguement synonyme d'un « autrefois » hors de portée de nos souvenirs.
Dans cette vaste période ce sont des lettrés, en capacité de mettre par écrit leurs inventions. Rappelez vous que tout récemment nous avons retrouvé, dans un cahier de chansons, une composition d'un poète du 18ème siècle, F.G. Léonard. Parmi ces lettrés des siècles passés figurent aussi des ecclésiastiques. Ce fut le cas de François Gusteau, curé de Doix (85) au 18ème siècle, à qui on doit un certain nombre de chansons, noëls et même œuvres engagées. Voyez par exemple la chanson n°49 de ce blog (mars 2014). En Loire-Atlantique, François Tuard, curé de Saillé, au début du 20ème siècle, a publié plusieurs recueils de ses chansons que nous avons parfois retrouvées dans les collectes. Par exemple : La prise de tabac (n°153 – mai 2016 )
2 – Au siècle dernier – Cette fois c'est plus clair, vos grands parents en sont des témoins directs.
Les auteurs d'avant guerre (celle de 14) ont été repris via les cahiers de chansons soigneusement recopiés par des soldats, des écoliers, des ménagères...soucieux de noter leur répertoire. Le plus connu et le plus prolifique est sans doute Théodore Botrel. Catalogué comme barde, chanteur campagnard, lui dont la carrière doit tant à Paris, il n'est pas seulement célèbre pour sa Paimpolaise. Auteur de centaines de chansons dont certaines ont acquis un statut particulier auprès du peuple parce que composées dans un style et une ambiance propre aux chants traditionnels qu'il connaissait fort bien. Outre le timbre de la Paimpolaise, vous pouvez le retrouver avec la goélette (n°114 – juillet 2015).
3 – De nos jours – période en cours, qui débute avec votre naissance et donc variable en fonction de votre âge.
Dans la scène actuelle certains interprètes de chansons « folk » se sont essayés à la composition dans cette veine. Mais leurs œuvres n'ont ni l'ancienneté ni une diffusion suffisante pour être tout a fait passées dans le répertoire. Cela ne les empêche pas d'être de qualité et tout aussi agréables à chanter. Tous ces auteurs ont revendiqué la paternité leurs œuvres avant que des chanteurs les reprennent en oubliant leur origine. La démarche est assez différente avec la chanson de cette semaine « Derrière chez nous y'a-t'une lande ». Elle a été enregistrée en 1973 sur un 33 tours intitulé « Pré-Folk » la préhistoire du folk / chansons à répondre. Elle y est interprétée par Naïk Raviart, Mône Dufour, Jean-François Dutertre et Yvon Guilcher, ce dernier en étant l'auteur (2). Popularisée par ce disque mais aussi par des stages de chant, elle a fini par trouver sa place dans le répertoire de groupes comme le Cercle des paludiers de Saillé, un village qui a décidément une place à part dans la chanson populaire ! Fernand Guériff l'avait notée et incluse dans le tome 4 de ses collectes consacré en particulier aux danses du pays guérandais (3). Voilà comment des paroles fort bien arrangées, dans l'esprit du folklore, peuvent accéder au rang de chanson traditionnelle. Encore une fois ce n'est pas faire insulte a son auteur qui se satisfait très bien de voir une de ses œuvres acquérir ainsi la popularité.
Notons au passage qu'après un enregistrement en 1973 comme « rond de Guérande » la chanson a poursuivi sa vie comme rond d'Argenton. C'est ainsi qu'elle est notée dans le Livre des chansons à danser, publié par l'ADP (4) en 1986, nous confirmant qu'Yvon Guilcher en est bien l'auteur.

notes
1 – trop nombreuses pour qu'on les liste toutes
2 – Y. Guilcher est l'auteur d'un livre sur la danse traditionnelle en France, publié en 1998. Il était l'un des trois piliers du groupe folk Mélusine dans les années 80. Son père, J.M. Guilcher a publié de nombreux ouvrages sur la danse et les chansons traditionnelles.
3 - dernier des volumes de la série, publié par Dastum 44 et toujours disponible pour la modique somme de 25€
4 – L'atelier de la danse populaire (ADP) a publié Le livre des chansons à danser en 1986 dans une série intitulée la recherche en danse. L'ouvrage contient 130 chansons à danser, traditionnelles ou « adaptées ».

interprètes : Isabelle Maillocheau et Françoise Bourse
source : Y. Guilcher, via le Cercle des paludiers de Saillé et Fernand Guériff
Non cataloguée

1-)
Derrièr' chez nous y a t'un' grand' lande, À la reversée du pré ( bis)
Ell' fleurit quand on la commande, En ce joli moi-ois de mai.

Refrain :
Donn' ton p'tit coeur, fille charmante, Ton p'tit coeur est en-en danger

2-)
Ell' fleurit quand on la commande, En ce joli mois de mai ( bis)
Tous les oiseaux du bout du monde, En chantant, vienn't s'y poser.

3-) ......
N' y a que ma tant jolie maîtresse, Qui refuse d'y aller.

4-) ......
Je la prendrai par sa main blanche, Pour la mener à danser

5-) ......
Quand ell' sera dessus ces landes : Belle voulez-vous m'aimer ?

Paroles non reproduites par F. Guériff:

Comment voulez vous que je vous aime
On dit que vous êtes marié
En promettant d'être fidèle
Devant l'maire et le curé

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