Cette semaine encore nous essayons de
coller à l'actualité. Comment ? En vous proposant une
chanson de naufrage qui tombe à pic pour illustrer la transat du
marchand de café et ses trimarans adeptes du retournement de
situation.
Les marins qui s'échouent et en
profitent pou retrouver leurs belles est un classique de la chanson
maritime. Cependant, le thème, difficultés de la navigation mises
à part, n'a rien du chant de marins. Il est centré sur une relation
amoureuse, plus ou moins développée selon les versions. La majorité
d'entre elles ont été recueillies dans des pays proches de la mer :
Haute Bretagne ou Vendée. A de rares exceptions près, les trois
marins viennent du port de Nantes, une ville très présente dans les
chansons (1). Leur destination est plus variable puisque selon les
versions ils atteignent les côtes d'Angleterre, de Hollande ou
d'Espagne. Cette version briéronne (2) les envoie jusqu'en Irlande.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
L'histoire de ces trois marins se
déroule de façon identique quelles que soient les sources
consultées pour cette chanson. Bien sur, quelques variantes
apparaissent d'une version à l'autre. En dehors de détails omis ou
oubliés par l'interprète, c'est la façon dont les deux amants
construisent leur avenir qui marque les différences.
Une fois arrivés à terre, la
rencontre avec les jeunes filles nous ramène vers un déroulement
présent dans une autre chanson type : les marches du palais.
La belle si tu voulais nous
coucherions ensemble. Voilà un façon très directe d'envisager
un avenir radieux. Ici, le chanteur nous fait grâce de l'épisode
des bagues qui entame habituellement la discussion entre les deux
amants :
bague d'argent doré parlant de
mariage, comme dans la version recueillie non loin de là par
Fernand Guériff, où le jeune marin retrouve, en Espagne, une
connaissance nantaise.
A propos de bagues, on évite aussi la
discussion vécue dans la chanson de l'amant trop violent publiée
dans ce blog il y a une quinzaine :
elles sont encore à mes doigts les
voulez vous reprendre (3)
En plus du décor à base de toile
blanche et de pommes d'orange, le rossignol intervient parfois pour
chanter à sa manière les relations amoureuses :
au milieu du lit le rossignol y
chante
chantez rossignolet à la
réjouissance
de voir de jeunes amants passer la
nuit ensemble (4)
D'autres versions vont encore plus loin
en envisageant déjà le mariage :
marions nous tous deux allons tenir
ménage (5)
et même plus loin encore avec les
enfants nés de cette union :
quand ils seront grands nous les
marierons sages ou à des hommes sages (6)
Reste une énigme à laquelle des
érudits ont tenté d'apporter des explications qui ne nous
convainquent pas forcément : pourquoi la rivière est elle
courante en dessous du lit ? Si vous avez une explication
plausible à sa présence et à sa symbolique n'hésitez pas à nous
en faire part. Nous ne pouvons nous contenter de voir dans cet
épisode un simple dégât des eaux.
Et que viennent faire là les chevaux
du roi ? Pour une fois la noyade du plus beau ne nous menace pas
de la pendaison - si le roi le savait il nous ferait tous pendre -
mais de la perte du joli bénéfice escompté de sa vente à la foire
la plus proche. Après les métaphores inexplicables, le paysan
briéron ne peut s'empêcher de revenir les pieds sur terre et de
penser à l'avenir matériel des jeunes tourtereaux !
Notes
1 – c'est pas qu'on soit
chauvins...mais on en reparlera.
2 – pour les étrangers à notre
belle région : la Grande Brière est un secteur de marais situé
au nord de l'estuaire de la Loire, tout près de Saint Nazaire.
3 – trouvé en Ille et Vilaine par
Adolphe Orain – pour la discussion sur les bagues voir la chanson
N° 122
4 – recueilli dans les Cotes d'Armor
pour Armand Guéraud
5 – dans l'ouvrage consacré à Marie
Drouart, publié par Dastum en 2014
6 – encore noté en Ille et Vilaine,
cette fois par Lucien Decombe
source : d'après une
version notée en Brière par Yves Maurice
interprètes : Martine
Lehuédé et Janig Juteau
cote Coirault : 1726 –
les marins qui s'échouent vers leurs belles
C'étaient trois jeunes marins
C'étaient trois jeunes marins,
c'étaient trois jeunes marins
Tous trois natifs de Nantes, lon la,
tous trois natifs de Nantes
Ils se sont embarqués...
Sur les côtes d'Angleterre...
Le vent leur était bon
La mer était contraire
Elle les a rejetés
Sur les côtes d'Irlande
Au pied d'un vieux moulin
Moulin qui moud la lande
Et dans ce vieux moulin
Y'avait trois filles galantes
La plus jeune des trois
Était la plus charmante
La belle si tu voulais
Nous coucherions ensemble
Dans un grand lit carré
Couvert de toile blanche
Aux quatre coins du lit
Quatre belles pommes d'orange
Et dans le dessous du lit
La rivière est courante
Tous les chevaux du roi
Viennent y boire en bande
Le noir il s'est noyé
Le plus beau de la bande
Toi qui voulait le vendre
A la foire de Guérande
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire