On parle beaucoup ces temps derniers
d'une réforme du droit du travail. C'est donc opportunément que
nous apportons notre pierre à l'édifice avec une chanson connue
sous le titre de la semaine ouvrière, qui décrit sous un
aspect humoristique les relations patrons-ouvriers.
Elle semble revendiquer une semaine
idéale, du genre connu autrefois des écoliers comme la semaine des
quatre jeudis. La plupart des versions connues se rapportent aux
travailleurs du textile : tisserands (tessiers), ici les
compagnons-sergers. Certaines autres professions l'ont adoptée :
cordonnier, sabotiers...Mais c'est une arme à double tranchant. De
chanson corporatiste symbolisant la bonne entente des compagnons,
elle peut aussi devenir un objet de moquerie de professions supposées
se prélasser à longueur de temps. On a souvent constaté dans les
milieux ruraux une tendance des travailleurs de la terre à mépriser
les citadins en général et les artisans en particulier. Qu'on
n'oublie pas le nombre de chansons moquant les tailleurs, même si
c'est pour d'autres raisons.
pour lire la suite et écouter la chanson:
L'interprétation de cette chanson
utilise deux sources proches. La première vient des collectes de
Charles Loyer à Guérande, reprises dans le premier tome de chansons
publiées par Fernand Guériff. La seconde vient des recueils
d'Armand Guéraud, rassemblés et commentés par Gaston Le Floc'h ;
elle a été notée à Pontchateau. Les deux ouvrages les
mentionnent.
Un compagnon-serger vend de la serge
(1). Cette dénomination, peu utilisée aujourd'hui en dehors des milieux professionnels, s'applique à un
procédé de tissage donnant un effet oblique d'un coté et uni de
l'autre. La précision technique nous renseigne sur la présence,
autrefois, de fabriques de tissus de qualité dans notre région.
Elle n'a guère d'intérêt pour la chanson elle-même, qu'on
retrouve dans beaucoup d'autres endroits et corporations. Sa
construction y est identique : chanson énumérative, en laisse
avec des vers de dix pieds. Peut-on parler de chanson de métiers ?
Malgré son appropriation par des corporations elle semble plus faire
partie des chansons de boisson ou de veillée. Le seul élément
caractéristique est la navette qui revient dans les refrains
connus :
roulons la navette, ou branlons
la navette, ou au son de la navette
le beau temps reviendra
Le caractère professionnel revient à
la fin de la chanson puisque la bonne vie menée toute la semaine
aboutit à un différend avec le « maître ». Il y est
question d'argent et des noms d'oiseaux commencent à être échangés.
On reste encore dans limites correctes, contrairement à la version
collectée dans les Ardennes où la menace se précise :
je prends ma navette je te la fous
par la tête
et le reste du travail va passer par la
fenêtre ! (2)
L'autre constante de cette chanson
c'est la comparaison avec les évêques. Ce sont peut-être eux les
principaux sujets de moquerie, avec une façon détournée d'aborder
un certain anticléricalisme. Des prélats qui se prélassent :
on peut toujours trouver plus fainéant que soi.
Pour plus de précisions sur cette
chanson, nous vous renvoyons au livret sur « les métiers dans
le chant traditionnel », accompagnant le CD « mille
métiers, mille chansons » publié par Dastum (3). On y indique en
particulier que le thème de la semaine ouvrière a été diffusé
depuis le début du vingtième siècle par le biais du chant
scolaire, ce qui a pu influencer les versions collectées depuis. Par
chance, les deux collectes de Guérande et de Pontchateau sont
antérieures à cette popularisation de la chanson. La dernière
adaptation notable du thème a été enregistrée en 1983 par les Tri
Yann et mise au goût du jour avec les programmeurs. Une chanson qui
est déjà bien datée avec des disquettes qui nous paraissent
aujourd'hui presque aussi anciennes que la navette !
notes
1 – amis de la contrepéterie fine et
de bon goût, bonjour
2 – Romancero de Champagne –
Prosper Tarbé – 1863 – texte intégral disponible via la
ressource http://archive.org
3– double CD « mille métiers,
mille chansons » publié par Dastum en 2007. Toujours
disponible
4 – version de Pontchateau - Les
compagnons ne sont pas des mazettes, dans la version de Guérande
Source : Fernand Guériff – le
trésor des chansons populaires folkloriques recueillies au pays de
Guérande, tome 1, page 103 pour les paroles – Armand Guéraud,
pour la musique
interprète : Jean-Louis Auneau
cote Coirault : 6414 – la semaine
ouvrière
cote Laforte : IV, Ca-10 – la semaine
ouvrière
Au son de la navette
chant des compagnons-sergers de
Guérande
Les compagnons sont pires que les
évêques (4)
Car le lundi ils en font une fête
Ma lon lonla
Au son de la navette le beau temps
viendra
Car le lundi ils en font une fête
Et le mardi s'en vont à la guinguette
Le mercredi, ils y retournent en
cachette
Et le jeudi, ils ont mal à la tête
Le vendredi restent sur leur couchette
Et le samedi, pas le courage de s'y
mettre
Voila le dimanche, l'ouvrage n'est
point faite
Ça c'est égal, il faut de l'argent,
maître
Allez au diable, fainéants que vous
êtes
Allez devant vous qui êtes le maître
Les compagnons vous suiveront peut être
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