L'armée
française s'offre de pleines pages de publicité pour vanter les
mérites du beau métier de militaire. Nous avons décidé d'apporter
notre contribution à cet effort de recrutement en publiant une
nouvelle chanson de déserteur. Si vous suivez ce blog depuis un bout
de temps cette chanson vous en rappellera une autre (1). Les deux ont
en commun une expression très imagée. Le jeune homme à qui on
demande de présenter son congé, c'est à dire sa permission, répond
qu'il est sous la semelle de ses souliers. Bel exemple de franchise
quand dans d'autres versions le héros tente de se justifier en
disant qu'il l'a perdu ou se l'est fait voler.
Franchise
et inconscience, puisque dans presque chaque cas l'intervention des
gendarmes aboutit à une fin tragique. Cette chanson ne fait que nous
ramener en prison. D'autres se terminent plus souvent par l'envoi
d'un courrier à sa bonne amie juste avant le peloton d'exécution !
Ici, le déserteur a le temps de passer voir son aimée, même si
elle semble un peu réticente à l'idée de l'héberger.
pour écouter la chanson et lire la suite:
Le
texte de cette chanson a été noté plus souvent dans l'ouest de la
France que dans le reste du pays. Et notablement en Haute Bretagne
et en Poitou. La résistance à l'embrigadement est elle plus forte
par chez nous ? Le mal du pays y frappe -t-il plus durement ?
Nous ne disposons pas de statistiques officielles pour étayer ce
fait. Mais certains événements historiques pourraient le justifier.
Nous
avons déjà expliqué à propos de la précédente chanson(1) les
grandes difficultés des armées de l'ancien régime à enrayer les
épidémies de désertion. L'expression avoir son congé sous la
semelle de ses souliers correspond bien à cette attitude.
Le
congé que je porte, Il est sous mes souliers
Les
clous en sont les lettres, Les semelles le papier
entend-on
dans d'autres versions.
L'engagement
au service du roi ou d'un de ses vassaux n'était guère tenu pour un
serment irrévocable. Mais un élément de la chanson peut nous faire
douter de la période qu'elle concerne. Si elle a pu trouver son
origine dans un siècle passé, la présence des « nationaux »
semble indiquer une version plus proche de nous. La garde nationale
est en effet une création de la période révolutionnaire. Faut-il
donc y voir, comme l'indique Bujeaud (2) un signe de la révolte
contre les levées en masse de cette période qui provoquèrent les
soulèvements que l'on sait dans les provinces de l'ouest ?
Chanson plus ancienne remise à jour ou composition de la fin du
18ème ? Il est bien difficile de se faire une idée précise.
notes
1
– chanson n° 50 de ce blog, en avril 2014
2
– chansons populaires des provinces de l'Ouest, de Jérôme Bujeaud
– tome 2 p. 99
source :
Marie Orain de Campbon (44),
collecte de Janig Juteau et Florence Grondin en 1999
interprète
: Janig Juteau – enregistrée lors d'une veillée à
Malville
cote
Coirault : le déserteur repris - 6801
cote
Laforte : le déserteur chez sa blonde 2-J-2
Le déserteur repris
Voilà
le sort d’un jeune garçon
Qui
se laisse conduire en prison
Hélas,
par la gendarmerie
Du
régiment
Ah,
que son sort, il est à plaindre
Le
pauvre enfant
Je
vous assure, mon commandant
Qu’avant
trois jours, je s’rai partant
Il
n’y aura ni gendarmerie
Ni
nationaux
Qui
m’empêch’ront d’aller voir ma mie
Dans
son château
Au
bout des trois jours arrivés
Le
jeune garçon a déserté
Tout
droit à la porte à sa mie
S’en
est allé
Ouvre,
ma mie Annette,
A
ton aimé
Si
ton congé tu ne l’as pas
Ma
porte, je ne t’ouvrirai pas
Oh
si, oh si, ma mie Annette
Fort
bien signé
De
sous la première semelle
De
mes souliers
Il
n’était pas sitôt entré
Que
trois gendarmes sont arrivés
Que
fais-tu là, beau militaire
Jeune
conscrit
A
faire l’amour aux demoiselles
De
ton pays
Là
ils l’ont pris, l’ont emmené
Dans
les prisons bien éloignées
Dans
les prisons de basses fosses
Fort
tristement
Ah,
que le sort il est plaindre
Le
pauvre enfant
Dans
les prisons de basses fosses
Fort
tristement
Ah,
que le sort il est plaindre
Le
pauvre enfant.
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