vendredi 30 octobre 2015

125 - Le déserteur repris

L'armée française s'offre de pleines pages de publicité pour vanter les mérites du beau métier de militaire. Nous avons décidé d'apporter notre contribution à cet effort de recrutement en publiant une nouvelle chanson de déserteur. Si vous suivez ce blog depuis un bout de temps cette chanson vous en rappellera une autre (1). Les deux ont en commun une expression très imagée. Le jeune homme à qui on demande de présenter son congé, c'est à dire sa permission, répond qu'il est sous la semelle de ses souliers. Bel exemple de franchise quand dans d'autres versions le héros tente de se justifier en disant qu'il l'a perdu ou se l'est fait voler.
Franchise et inconscience, puisque dans presque chaque cas l'intervention des gendarmes aboutit à une fin tragique. Cette chanson ne fait que nous ramener en prison. D'autres se terminent plus souvent par l'envoi d'un courrier à sa bonne amie juste avant le peloton d'exécution ! Ici, le déserteur a le temps de passer voir son aimée, même si elle semble un peu réticente à l'idée de l'héberger.
pour écouter la chanson et lire la suite:


Le texte de cette chanson a été noté plus souvent dans l'ouest de la France que dans le reste du pays. Et notablement en Haute Bretagne et en Poitou. La résistance à l'embrigadement est elle plus forte par chez nous ? Le mal du pays y frappe -t-il plus durement ? Nous ne disposons pas de statistiques officielles pour étayer ce fait. Mais certains événements historiques pourraient le justifier.
Nous avons déjà expliqué à propos de la précédente chanson(1) les grandes difficultés des armées de l'ancien régime à enrayer les épidémies de désertion. L'expression avoir son congé sous la semelle de ses souliers correspond bien à cette attitude.
Le congé que je porte, Il est sous mes souliers
Les clous en sont les lettres, Les semelles le papier
entend-on dans d'autres versions.
L'engagement au service du roi ou d'un de ses vassaux n'était guère tenu pour un serment irrévocable. Mais un élément de la chanson peut nous faire douter de la période qu'elle concerne. Si elle a pu trouver son origine dans un siècle passé, la présence des « nationaux » semble indiquer une version plus proche de nous. La garde nationale est en effet une création de la période révolutionnaire. Faut-il donc y voir, comme l'indique Bujeaud (2) un signe de la révolte contre les levées en masse de cette période qui provoquèrent les soulèvements que l'on sait dans les provinces de l'ouest ? Chanson plus ancienne remise à jour ou composition de la fin du 18ème ? Il est bien difficile de se faire une idée précise.

notes
1 – chanson n° 50 de ce blog, en avril 2014
2 – chansons populaires des provinces de l'Ouest, de Jérôme Bujeaud – tome 2 p. 99

source : Marie Orain de Campbon (44), collecte de Janig Juteau et Florence Grondin en 1999
interprète : Janig Juteau – enregistrée lors d'une veillée à Malville
cote Coirault : le déserteur repris - 6801
cote Laforte : le déserteur chez sa blonde 2-J-2

Le déserteur repris

Voilà le sort d’un jeune garçon
Qui se laisse conduire en prison
Hélas, par la gendarmerie
Du régiment
Ah, que son sort, il est à plaindre
Le pauvre enfant

Je vous assure, mon commandant
Qu’avant trois jours, je s’rai partant
Il n’y aura ni gendarmerie
Ni nationaux
Qui m’empêch’ront d’aller voir ma mie
Dans son château

Au bout des trois jours arrivés
Le jeune garçon a déserté
Tout droit à la porte à sa mie
S’en est allé
Ouvre, ma mie Annette,
A ton aimé

Si ton congé tu ne l’as pas
Ma porte, je ne t’ouvrirai pas
Oh si, oh si, ma mie Annette
Fort bien signé
De sous la première semelle
De mes souliers

Il n’était pas sitôt entré
Que trois gendarmes sont arrivés
Que fais-tu là, beau militaire
Jeune conscrit
A faire l’amour aux demoiselles
De ton pays

Là ils l’ont pris, l’ont emmené
Dans les prisons bien éloignées
Dans les prisons de basses fosses
Fort tristement
Ah, que le sort il est plaindre
Le pauvre enfant
Dans les prisons de basses fosses
Fort tristement
Ah, que le sort il est plaindre
Le pauvre enfant.


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