L'amour, toujours l'amour ! Après quelques complaintes plus tragiques les unes que les autres, il est temps de revenir à quelque chose de plus léger. La chanson d'amour sous toutes ses formes représente près des deux tiers du répertoire. On peut difficilement y échapper. Eh bien, malgré vos attentes celle ci va-t-elle nous plonger à nouveau dans une ambiance dramatique ? Il y est question de haine et de mort, mais ce ne sont là que des figures de style inhérentes au sujet.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
« Faut-il mon sang, il est prêt à couler » est une formule qui revient souvent dans les disputes chantées entre amoureux. Comme le dit une autre chanson : faut-il pour une brune qu'un garçon aille s'y tuer ?.
Une étude a été publiée récemment sur les réseaux sociaux, intitulée : Causes of death in traditional English folksongs...Elle montre que le dépit amoureux est de loin la première raison, devançant nettement les crimes, noyades et autres faits de guerre. Nous n'avons pas réalisé le même sondage pour la chanson francophone (1), mais le résultat ne doit guère être différent.
Bien sur, l'étude en question ne se départit pas d'un ton humoristique pour traiter ce grave sujet ; et nous ferons de même.
On n'a pas attendu la chanson de variété de notre époque pour placer dans les mêmes couplets des injonctions aussi contradictoires que : pars, reviens, ne me laisse pas, je t'aime, je te déteste....Exprimer autant de sentiments en aussi peu de mots, voilà bien toute la force de la poésie populaire. Chacun des deux amants y va de son couplet. On ne peut pas exactement décrire cette chanson comme un dialogue.
Il y a eu fâcherie ; on se doute bien à l'exposé des arguments que les torts doivent être partagés et qu'on est assez loin des prémices d'une réconciliation. L'empire de l'amour ou de la passion n'était-il pas assez fort pour retenir l'amant ? Au contraire cet ascendant était-il trop fort et portait en lui des causes de rupture ? Difficile de trancher et libre à chacun d'interpréter comme il l'entend. Nous sommes ici dans la catégorie des chansons « lyriques » c'est à dire que la forme l'emporte sur le fond, la façon de présenter les arguments sur le sens réel de ceux-ci.
Le chantage du galant n'ayant que rarement de prise sur les sentiments de la belle, la dispute trouve habituellement solution dans un exil tout relatif. De nombreuses autres versions (2) nous le décrivent ainsi :
Je m'en irai dans un bois, solitaire,
Finir mes jours à l'ombre d'un rocher
Les oiseaux du bois qui viennent s'abreuver à la fontaine la plus proche ne manquent pas l'occasion de se moquer du reclus volontaire en lui sussurant que les amoureux sont toujours malheureux. Comme nous aimons bien imaginer que, pour une fois, une chanson d'amour finisse bien, on peut espérer que les deux amants irréconciliables refassent leur vie chacun de son côté. Mais ça, c'est une autre histoire que la chanson traditionnelle nous donne rarement le plaisir d'entendre.
J-L. A.
Notes
1 – qui s'y colle ? Voilà un beau sujet de thèse !
2 – nous avons déjà publié une chanson sur ce même thème : Belle Héloise (n° 154 – mai 2016)
interprètes : Janick Péniguel (chant) / Dominique Garino (guitare) / Yvon Gouriou (contrebasse)
source : Pauline Tabard, de Saint-Mars-de-Coutais, enregistrée le 15 février 1997 par Raphaël Garcia et Marie-Claude Yvernogeau
catalogue P. Coirault : Derrière chez nous il y a une montagne (Lyriques – N° 00120)
Dans un bosquet, auprès de ton empire
Reviens, reviens, réparer ton honneur
Reviens, reviens, dans les bras de ta mie
Ton souvenir, ton souvenir est gravé dans mon cœur
C’est à seize ans que tu m’as trouvée belle
Tu m’y ravis ma beauté, ma fraicheur
J’ai bien vieilli, je n’saurai plus te plaire
J’ai su t’aimer, j’ai su t’aimer, je saurai te haïr
Va, va, ingrat, auprès d’une autre brune
Va lui porter les soins qui lui sont dus
Il ne dit pas, pour l’honneur et la gloire
Ton souvenir, ton souvenir est gravé dans mon cœur
Que faut-il donc, belle Marie, pour te plaire
Faut-il mon sang ? Il est prêt à couler
Ah, si mon sang pouvait te satisfaire
Faut-il ma mort, faut-il ma mort, tu n’as plus qu’à parler
Après ma mort, tu pleureras, je l’jure
Tu pleureras, mais il sera plus temps
Tu pleureras, sur ma sépulture
En regrettant, en regrettant, ton plus fidèle amant
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