Pour illustrer la remise du prix Hervé Le Menn à Hervé Dréan (voir publication précédente) nous avons choisi l'interprétation d'une des nombreuses chansons qu'il a recueillies autour de la Roche Bernard. Cette chanson de regret d'une jeune / vieille fille est assez présente dans tout un secteur de la Haute-Bretagne. Hervé Dréan l'a publiée dans sa série d'ouvrages intitulés « instants de mémoire ». Elle fait partie de tout un corpus de chansons en forme d'avertissement que n'aurait pas renié Ronsard. Cueillons donc la chanson avant qu'elle ne se fane.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Impossible en effet de ne pas faire l'analogie entre les vers du poète ligérien :
si vous me croyez, mignonne,...
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Et le couplet qu'on trouve dans certaines versions :
Ah, je vous dis que la jeunesse
Passe comme une fleur d’été
Elle finit comme une rose
Comme la rose dans un rosier
La forme, le propos et même la longueur des vers diffèrent. L'inspiration reste la même.
Il est fort possible que l'origine de ces couplets soit à rechercher dans une création de lettré. Il n'empêche que la tradition orale s'en est emparée et nous la restitue avec toutes les nuances que la folklorisation d'un texte peut apporter.
Bien que son texte diffère un peu de la chanson-type répertoriée par Patrice Coirault sous le titre « la fille qui a trop fait la difficile », elle en reprend le thème et la coupe : quatre vers de 7 pieds avec alternance de rimes féminines et masculines. Toutes les versions collectées dans la région débutent par le même incipit : « écoutez bien la jeunesse ». la grande majorité des versions - que vous pouvez retrouver sur la base Dastumedia – ont été collectées (1) dans un rayon de 25 km autour de Redon dans les départements 35, 56 et 44. Pour ce dernier deux versions ont été enregistrées à Nozay et à Issé, dans le pays de la Mée. On peut en déduire que ce texte, entendu avec un nombre variable de couplets, était très populaire dans tout ce secteur géographique.
Hervé Dréan a noté ce regret de vieille fille à quatre reprises dans son secteur de collecte, c'est à dire autour de l'estuaire de la Vilaine : Pénestin, Nivillac, La Roche-Bernard.
Notre choix s'est porté sur l'air et les couplets chantés par Mme Rousse, enregistrée à Saint Cry, village de la commune de Nivillac (56) l'une des cinq anciennes paroisses de l’évêché de Nantes rattachées au département du Morbihan au moment des découpages de la révolution, bien que située au sud de la Vilaine.
Cette chanson est la quatre cent cinquantième publiée sur notre blog. Un bon chiffre pour fêter le prix Hervé Le Menn attribué à Hervé Dréan pour tout son travail de collecte et de valorisation du patrimoine de ce secteur.
Vive les chiffres ronds et en route vers les 500 !
J-L A.
note
1 - dans la liste des collecteurs, outre Hervé Dréan on retrouve les habituels Quimbert, Poulain, Hamon, Hervieux, etc
interprète : Liliane Berthe
sources : Mme Rousse, enregistrée à Saint-Cry en Nivillac (56) par Hervé Dréan et Yannick Robert – publiée dans « Instants de mémoire » éd. Musique sauvage.
catalogue P. Coirault : la fille qui a trop fait la difficile (5002 - vieilles filles)
catalogue C. Laforte : II, O-17 Souffrances des vieilles filles
Les deux couplets en italique proviennent d'autres versions collectées par Hervé Dréan. Ils complètent ceux que nous avons enregistrés.
Écoutez bien la jeunesse
Écoutez bien ce récit
Si je vous dis ces paroles
De moi, ne faites pas mépris
En vous voyant vous divertir
Je pense à mon jeune temps
Que j’ai passé dans les plaisirs
Qui a passé si promptement
Ah, je vous dis que la jeunesse
Passe comme une fleur d’été
Elle finit comme une rose
Comme la rose dans un rosier
A dix-huit j’étais belle
J’avais de fraîches couleurs
A la fleur de mon âge
J’ai refusé mon bonheur
J'étais toujours la première
Aux plaisirs, à m'amuser
Jamais de chagrin au cœur
Ne pouvait me séparer
J'avais la bouche riante
Les yeux doux d'un air bien gai
Je connaissais la manière
DE me faire bien aimer
Je n’avais pas de richesse
De l’argent, j’en avais pas
Mais j’avais un air aimable
Les amants ne manquaient pas
Je croyais qu’en restant fille
Cela aurait toujours duré
J’aurai vécu dans l’amour
Dans le plaisir et la gaité
Le goût du plaisir se passe
L’âge amène à la raison
On reste sur son vieil âge
Sans appui, dans l’abandon
Si j’avais fait comme tant d’autres
Pris un mari aussi, moi
J’aurais des enfants, j’espère
Qui auraient grand soin de moi
Mais je suis la délaissée
De ma faute je vous le dis
J'en ai des regrets au cœur
Tout le restant de ma vie
Amusez vous la jeunesse
Profitez de ces beaux jours
Mais quand vous serez en âge
Terminez donc vos amours
Mettez-vous dans le ménage
Dieu vous donn’ra des enfants
Sur le bord de votre tombe
Vous port’ront soulagement.
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