Plaisante histoire que cet amour impossible entre Simone et son ami à soutane. L'engagement de celui ci dans les ordres met un terme à leur relation dont la chanson ne dit pas explicitement jusqu'où les ont entraînés leurs sentiments. Voilà qui nous change des nombreuses histoires où les moines et autres gens d'église profitent de l'absence du mari ou de l'amant pour satisfaire leur appétit sexuel. Il reste malgré tout un parfum de scandale qui a peut être fait le succès de cette chanson. Voilà qui mérite quelques réflexions sur la forme comme sur le fond.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Sur la forme tout d'abord ; De nombreuses chansons sont basées sur le dialogue entre deux personnes. Entre deux amants, une mère et sa fille, le berger et la bergère...la liste est longue tant cette forme est omniprésente. Plus rares sont les chansons où ce dialogue est organisé au point de permettre une interprétation à deux voix, comme nous avons choisi de le faire ici. Ce choix n'a rien d'obligatoire mais il correspond donc bien à l'esprit du texte ; tout comme pour d'autres exemples tels que « l'ivrogne et le pénitent » ou encore le dialogue du vin et de l'eau » (chanson n°256, juillet 2018).
Quand au fond de l'histoire il est quasi immuable d'une version à l'autre. Quel que soit le recueil ou les collectes les paroles et même la musique subissent peu de variations. La structure de la chanson y est sans doute pour beaucoup . Elle n'admettrait pas de changements sans que le sens soit modifié. Tout au plus le prénom se trouve-t-il changé pour Léone ou Julie ; mais c'est plutôt rare. Pourtant ce texte ne semble pas d'inspiration récente. D'après Patrice Coirault (1), un vaudeville, signé Colletet, date de 1672 sous le titre « D'où venez vous promené, de la foire et du marché Simone ». Voilà qui ne nous rajeunit pas !
La chanson a profité de cette ancienneté pour s'ancrer dans les traditions de bien des régions, en particulier dans l'ouest de la France. Rien qu'en Loire-Atlantique on en trouve plusieurs versions très proches. Nous sommes partis de celle collectée à Herbignac par Hervé Dréan, tout en laissant une part à l'improvisation.
Simone et son curé ont sut séduire plusieurs générations, jusqu'à certain(e)s interprètes de variétés comme Marie Laforêt, et Alain Souchon qui en ont chacun enregistré une.
Pour être tout à fait juste, il faut reconnaître que les ecclésiastiques, s'ils n'ont pas toujours le beau rôle, ont aussi souvent des attitudes conformes à leurs engagements. Ce qui se traduit par des situations qui peuvent aller jusqu'au drame. Le meilleur exemple c'est la « délaissée aux trois robes » qui meurt à l'église.
Le sacrement de la confession est également très présent dans les chansons. On connaît les filles des forges (où d'ailleurs) qui vont obtenir l'absolution dans une paroisse voisine pour éviter le qu'en dira-t-on (chanson n°247, mai 2018 ). Ou encore l'amant qui se déguise en confesseur pour éprouver les sentiments de sa belle (chanson n°316, novembre 2019 ). Mais le plus souvent la pénitence infligée consiste en un « doux » baiser, incitant à recommencer. Le couple religion et chansons populaires n'en finit pas d'entretenir l’ambiguïté.
Peut importe la morale de l'histoire, l'important c'est de chanter.
Et en voiture Simone (2) !
J.L. A.
notes
1 – mélodies en vogue au XVIIIè siècle – le répertoire des timbres de Patrice Coirault (BnF – 2020) – Simone ma Simone, p.634
2 – Celle là je la retiens depuis le début. J'ai quand même fini par craquer. Pardon !
interprètes : Liliane Berthe, Jean-Louis Auneau
source : Anna Lannio, le bourg, Herbignac, en février 1976 – publié par Hervé Dréan dans « Instants de mémoire » volume 3, page 102 (Musique sauvage – 2011)
catalogue P. Coirault : le curé et sa charmante beauté (9204 – curés)
catalogue C. laforte : I, C-15 – Simone, ô ma Simone
D'où venez-vous si crotté,
Monsieur le curé ?
- De la foire et du marché,
Simone, ma Simone.
De la foire, du marché,
Ma petite mignonne.
- Que m'avez-vous apporté,
Monsieur le curé ?
- Des souliers blancs pour danser,
Simone, ma Simone,
Des souliers blancs pour danser,
Ma petite mignonne.
- Quand est-c' que vous m'les donn'rez ?
- Quand tu sauras travailler…
- Je voudrais bien me confesser,
- Dis moi ton plus gros péché …
- C'est de bien trop vous aimer.
- Faudra donc se séparer…
- Oh ! alors j'en mourrai,
- Eh moi je t'enterrerai…
- Est-ce que vous me pleurerez,
Monsieur le curé ?
- Non, car il faudra chanter,
Simone, ma Simone :
« Requiescant in pace »
Ma petite mignonne.
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