samedi 18 juin 2022

420 - La danse des gorets

 Pour la fête de la musique que diriez-vous d'une petite chanson cochonne ? Au sens charcutier du terme, bien sur. Les gorets sont moins réputés pour leur sens de la musique que pour leur capacité à nourrir toute la famille : dans le cochon, tout est bon ! Outre le fait que cette chanson met en scène un cornemuseux (par ici c'est le plus souvent un joueur de veuze), elle nous rappelle toute l'importance de la race porcine dans l'économie rurale. Un texte champêtre, festif et gastronomique ; un grand moment de poésie !

Pour écouter la chanson et lire la suite: 

Pour être tout à fait juste avec nos amies les bêtes, il faut reconnaître, que dans cette chanson-type, truies et gorets partagent parfois la vedette avec les ovins (1). Dans ce cas, le but de la manœuvre est de rassembler quelques brebis égarées, avec l'aide du berger qui apporte son casse-croûte à la bergère. On se doute bien qu'une fois le troupeau rassemblé, les deux jeunes gens vont eux aussi se rapprocher. Mais ne demandez pas aux moutons de s'amuser. Ces animaux placides ne pensent qu'à brouter en attendant de se faire tondre. Dans les autres versions, celles où les cochons tiennent la vedette, c'est la musique qui va suffire à rassembler des animaux prompts à faire la fête. Bien que le sort du cochon n'ait rien à envier à celui du mouton, il semble d'un naturel plus joyeux. Peut-être est-ce la perspective de finir en saucisses et en lard fumé qui l'incite à profiter de sa trop courte vie.

Trêve de philosophie animale, la danse du troupeau est avant tout une chanson de bergère, c'est à dire qu'elle débute habituellement par l'arrivée du valet ou du berger qui vient apporter à la gardienne du troupeau le déjeuner qu'elle avait oublié. Un bon prétexte pour se voir en un endroit écarté, en somme. Sauf que dans notre version cet épisode est délibérément ignoré. N'est retenue que la seconde partie de l'histoire, où les animaux réagissent au son de la cornemuse. La plupart des refrains qui accompagnent l'histoire renforcent cet aspect dansant. Ici : « Youp la la lalirette o gai », ailleurs « Lon la delirette, o gué » ou plus souvent « toureloure lanloure ». La toureloure ou la turlurette sont d'ailleurs des noms associés à un instrument à vent.

Qui pourrait résister au charme de la cornemuse ? Le « piancher » est bien entendu le plancher du haut, celui que nous nommons aujourd'hui le plafond. L'usage du terme plancher dénote l'ancienneté de la composition. Seule une gorette ne partage pas l'engouement de ses congénères pour la danse. La raison pourrait être son âge avancé. C'est ce que suggèrent certaines versions (2) :

Ah j'ai le jarret bien raide

Je ne saurais le plier

Mais en réalité c'est plus une question de convenances sociales qui l'en empêche. On apprend souvent que (3) :

Alle est la cousine germaine

A celle à notre curé

et pour l'amadouer :

Un cochon des plus honnêtes

Fut la prier à danser

Cette point d'anticléricalisme qui transparaît dans la majorité des versions est absente de la notre.

La danse des animaux rend facile la comparaison avec le comportement des humains. Le cochon est souvent considéré comme l'un des mammifères les plus proche de l'homme, justifiant, entre autres, les interdits alimentaires qui s'y rattachent pour certains.

Si vous voulez avoir un aperçu plus suggestif de la danse des gorets, nous vous conseillons la version du répertoire de Gisèle Gallais (4) :

C'était vraiment lamentable

De vair ses trayons branler.

Ca allait de ouip en ouap

Ca battait de tous cotés.

Pour finir, le violoneux Poiraud a ajouté dans son recueil deux couplets avec la mention « facultatif ». Une petite ritournelle qui pourrait fort bien s'adapter à d'autres chansons.


notes

1 - sans oublier de rares exceptions où il est question d'aller garder les vaches.

2 – dans Barbillat et Touraine, chansons populaires dans le Bas-Berry (1932) tome 3, page 83

3 – parmi les nombreuses versions recensées par Armand Guéraud, chants populaires du Comté nantais et du Bas-Poitou (FAMDT – 1995) tome 1 page 229

4 - Gisèle Gallais « Vous jeunes gens qui désirez entendre » répertoire d'une chanteuse de Haute-Bretagne - Dastum / Presses universitaires de Rennes (2014) p. 215


interprètes : Christine Gabillard, avec Jade Daslstein-Jidkoff, Christine Dufourmantelle, Jeannette Lebastard, Isabelle Montoir, Armelle Petit,

source : 80 chansons du Pays de Retz – recueil du violoneux Poiraud à Pornic (44) compilé par Michel Gautier – 44

catalogue P. Coirault : 4501 – Le déjeuner oublié , ou la danse du troupeau

catalogue C. Laforte : I, J-1 les moutons égarés


Quand j'étais de chez mon père   ) bis

Youp la la lalira                             )

Les gorets j'allais garder

Youp la la lalirette o gai

Youp la la tralala la la la ) bis


En passant par la grand'lande

Les gorets s'sont écartés


Je saisis ma cornemuse

Me mis à cornemuser


Au son de ma cornemuse

Les gorets s'sont rassemblés


Ils se prirent patte à patte

Et se mirent à danser


Il n'y avait que la mère gorette

Qui ne voulait pas danser


Père goret s'approchit d'elle

Ma mie, voulez vous danser ?


A mis sa queue en trompette

Et sauta jusqu'au piancher


(facultatif:)

Si ma chanson vous embête

C'est fini, c'est terminé


Si ma chanson vous amuse

Je vais la recommencer

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