Comme le dit le proverbe : « Noël Omicron, Pâques en chansons ». Si nous ne sommes pas encore complètement débarrassés de l'encombrant variant, rien ne nous empêche de continuer à chanter. Malgré son titre de saison, le défilé qui nous est proposé est un prolongement du parcours entamé la semaine dernière ; en français cette fois. La célébration de la nativité n'est en effet qu'un prétexte à une visite organisée de tous les lieux-dits de la Presqu'ile Guérandaise. Cette semaine, les filles ne sont pas seules au rendez-vous.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Comme le disait si bien Fernand Gueriff à qui nous devons la publication de cette chanson, ces Noëls « sont avant tout des chansons plus que des cantiques. Ils ne traduisent que cette piété populaire, simplette, sans emphase et sans rigorisme ». Et de poursuivre : « Tour à tour, réalistes et vulgaires, quelquefois sarcastiques, ils accompagnent aussi bien les prières que les ripailles. N'y cherchons pas toujours d'idéales inspirations, de grands élans mystiques, mais plutôt un tableau des us d'antan, ceux que pratiquaient nos aïeux en ce jour fériau ».
Cette définition s'applique on ne peut mieux aux 20 couplets de ce défilé qui nous fait voyager d'un village à l'autre au pays des paludiers.
Pour en apprécier toute la subtilité il aurait été préférable de vivre au moment où ce texte a été composé. La présence de nombreux personnages cités n'a d'intérêt que pour celles et ceux qui les connaissaient suffisamment bien. Du même état d'esprit procèdent sans doute les quelques fines allusions aux habitants de villages avec qui l'auteur semble profiter pour régler quelques comptes, malgré l'aspect charitable de la fête. Les gens d'Escoublac – dont on ne vantait pas encore la « baule » (1) - sont moqués. Mais ce sont surtout les trois sergents, nommément désignés, qui en prennent pour leur grade.
La date de création de ce Noël nous échappe. Tout au plus peut on dire qu'il devait encore être populaire à la fin du 19è siècle. En effet, Fernand Guériff qui lui a donné pour titre Noël défilé, n'a fait que reprendre les couplets recueillis à plusieurs sources. La principale est l'un des fascicules de chansons du Bourg de Batz publiés par Adèle Pichon, fondatrice du musée local. Elle fut l'une des premières à s'intéresser aux traditions populaires et à vouloir les préserver (voir illustration).
L'absence de certains produits dans l'impressionnant catalogue de victuailles apportées à la crèche pourrait permettre de hasarder une datation bien antérieure. Par exemple, les pommes ne sont ni « de terre » ni « d'orange », arrivées bien plus tard au pays. Le dernier couplet n'oublie pas la visite de ces rois étrangers au pays. Malgré la notation originale ont peut supposer que les bourgeois leur firent plutôt grande chère que grande chair.
recueil d'Adèle Pichon |
Que nos péchés soient effacés
Et que pardon nous fasse !
C'est bien beau de faire la fête, mais il ne faudrait quand même pas lésiner sur l'aspect religieux !
Un autre proverbe, bien connu des
chanteurs et chanteuses de Dasum 44 dit : plus la
chanson est
longue, plus les commentaires sont courts.
Bonne écoute et à la prochaine.
Notes
1 - avant de donner son nom à l'une des stations balnéaires les plus connues, le terme baule (ou bôle) désignait la frange dunaire quasi désertique séparant le village de la mer.
2 - Lemeignen, noëls nantais – date d'édition inconnue
interprètes : Janick Peniguel, Françoise Bourse, Aurélie Aoustin, Agnès Pihuit,
source : La belle bible des noëls guérandais, de Fernand Guériff (vol. 5 du trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande) page 77 – chanson receuillie au 19è siècle par Adèle Pichon, fondatrice du musée des traditions locales.
1-)
Chantons Noël à haute voix jolie,
En révérant Jésus, le fuit de vie,
Qui est venu et descendu
Pour nous sauver la vie,
Chantons donc tous d'un cœur joyeux
Et sans mélancolie.
2-)
Commis de Dieu, l'archange Gabriel,
Fut envoyé annoncer la nouvelle
Aux pastouraux - Gardant troupeaux -
Par toute la contrée.
Leur dit : Allez voir Jésus-Christ
Né dans cette nuitée.
3-)
Lors les pasteurs, prenant tous leurs houlettes
Leurs flageolets, chalumeaux et musettes,
Partent dansant - riant, sautant -
Tout droit en Béthanie,
Saluer le doux Jésus Christ
Et sa mère Marie.
4-)
D'autres pasteurs, une grande assemblée
Part de Guérande, ville tant renommée
Ils sont munis - Et bien garnis -
De jambons, de saucisses,
D'oreilles, de pieds de pourceaux,
Nul d'eux ne fait le chiche.
5-)
Ceux du Croisic, avec grande allégresse
Aussi de Batz, n'engendrent point paresse
Portant poissons - de beaux saumons -
De la morue parée
Et de bon vine de Pornichet
Pour traiter l'accouchée.
6-)
Tout le premier était le fils Bréchette,
Qui bien gaiement conduisait la marchette,
Et bien dansait - et bien chantait -
Devant la compagnie
Le chapelier arriva là
Qui en eut jalousie.
7-)
Yves Pichon, le fournier de la ville
Fit un tourteau de pâte bien habile :
Il mit dedans - de bon froment -
Du beurre et des épices.
Et devant nous fit son présent
Qui fut trouvé propice.
8-)
Thomas Colars, aussi Pierre Lecorre,
Riant si fort, ne pouvait le bec clore
De voir Robin - par le chemin -
Le bonnet sur l'oreille,
Qui bien souvent mettait le nez
Au trou de la bouteille.
9-)
De Saint-Michel, un bourgeois en voiture,
Descendit là, ne faisait point injure,
Offre à l'enfant - un beau présent -
C'est d'or une ceinture
Et une chârte de gros bois
Car il faisait froidure.
10-)
Ceux de Congor, aussi de la Turballe,
De Queniquen, apportent trois pintades,
Un grand héron - un perruchon -
Une blanche cornette
Que le bonhomme Bellanger
Donne à la Mariette.
11-)
De Saint-André, joyeuse compagnie
Arrive là, de vivres bien garnie,
Comme perdrix - pigeons farcis -
Et couples de bécasses
Que le vieux père Jean Denis
Distribue avec grâce.
12-)
Ceux de Saint-Molf emportent pommes, poires,
Ceux de Mesquer, des huîtres, pour mieux boire.
Disant chansons - et rigolons -
Menons joyeuse vie.
Dont le mignon riait
Au giron de Marie.
13-)
Ceux d'Herbignac, et ceux de Saint-Nazaire,
Ceux d'Assérac, Pont d'Arme, aussi Bouzaire,
Frais canetons - bons gros chapons -
Pour les mettre à la broche,
Ceux de Camoys, de Pénestin
Poulets à pleine poche.
14-)
De Saint-Lyphard, de toute la Brière,
Ils accourent, chargés de beaux gros lièvres,
Ceux de Pompas - de frais lard gras -
De choux et de porée,
Tassés au fond de leur bissac,
Pour faire la potée.
15-)
Tous les bouchers, avecque les bouchères,
Viennent en foule et faisant bonne chair,
Portant mouton - bœuf de saison -
Bonnes grasses génisses,
Sans avoir, comme de raison,
Oublié les épices.
16-)
De Piriac, il n'y avait personne.
De Trescalan, rien qu'un petit bonhomme.
C'est Jean Le Baud, - le gros finaud -
Denise sa compagne,
Tous les deux portant un baril
Rempli de vin d'Espagne.
17-)
Ceux d'Escoublac, n'ayant pas de quoi frire,
Arrivés là, se mettent tous à rire.
Joseph leur dit : - Sortez d'ici -
Vous n'êtes que canaille !
Allez aux landes de Bissin
Couper de la buaille.
18-)
Passent alors trois sergents de la Roche.
Joseph les voit, et leur ferme la porte,
En leur disant - Allez, brigands -
De vous n'avons que faire !
Dont ils furent bien courroucés
Jean, Mabon et Allaire.
19-)
Ceux de Careil portant gros sel en poche,
Ceux de Saillé, du menu sans reproche
Sitôt parus - Les Bienvenus -
Soyez tous, dit Marie
Et Joseph leur fit boire un coup
De vin de Canarie.
20-)
Enfin trois rois, descendant de Guérande,
Où les bourgeois leur ont fait chair très grande,
Étant venus - Furent reçus -
Portant encens et myrrhe,
Rien n'était de trop de valeur
Pour traiter le vrai Sire !
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