jeudi 29 avril 2021

371 - Léger légèrement

 Quel titre auriez vous donné à cette chanson ? Habituellement on utilise le thème principal, qui aurait donc pu être « le galant aux gants blancs ». C'est aussi, assez souvent, l'incipit qui est utilisé. « Nous sommes ici beaucoup de gens » n'aurait guère été plus explicite que le choix de l'auteur du recueil dont est extraite cette chanson : « Léger, légèrement ». C'est finalement le refrain qui a été choisi ; un choix qui nous éclaire peu sur le contenu, si ce n'est qu'il annonce une chanson à danser, une de ces rondes dont l'usage s'est perdu, ne correspondant plus à la mode du présent.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Nous avons déjà longuement expliqué tout l'intérêt de sortir de l'oubli des textes qui n'étaient plus chantés quand les collecteurs ont parcouru la campagne avec leurs magnétophones. Les recueils des siècles passé (19 et 20ème) nous permettent de retrouver ces vers, disparus dans certains secteurs, parfois conservés sous une autre forme là ou la pratique de la danse en rond a subsisté plus longtemps. Ce galant aux gants blancs fait référence à des coutumes qui nous sont totalement étrangères, survivances de temps anciens, moyenâgeux diront certains.

Ils auront probablement raison car l'usage qui est fait de certains accessoires de ce thème renvoie à une époque de l'amour courtois, ou chevaleresque. Au moyen-âge les gants faisaient partie de l'armure (gantelets)  ; ils étaient en cuir épais et recouverts de lames métalliques imbriquées. Ce n'est que sous Henri 3 que les gants commencèrent à faire partie des accessoires féminins. Ces dames portèrent d'abord des gants de soie tricotés. Ce fut seulement sous Louis 14 qu'elles adoptèrent des gants de peau. L'usage du gant a beaucoup évolué depuis. Il a fait partie intégrante du costume aussi bien masculin que féminin mais cet accessoire est aujourd'hui plutôt délaissé, sauf pour la protection contre le froid ou dans des usages spécialisés.

A l'époque de la chevalerie et des tournois la belle donne une enseigne (rubans, etc) au chevalier qui en emplit ses gants, n'ayant d'autre endroit ou les mettre. Voilà une explication plausible à la survivance de cette coutume dans les chansons d'amour. La nôtre mais également celle qui débute ordinairement par : « Voici le mois de Mai où les fleurs volent au vent » qui fut de nombreuses fois notée en pays nantais.

L'histoire de ce galant qui vient à la Saint Jean offrir à sa belle des présents symboles de son amour a été répertoriée à plusieurs reprises dans ce même secteur géographique. Celle ci vient de Pornic. Armand Guéraud en signale deux autres recueillies à Bouguenais et à Lavau. Fernand Guériff a publié celle recueillie par Gustave Clétiez à Guérande. Le thème semble donc bien connu au nord comme au sud de l'estuaire de la Loire, même si airs et refrains sont différents.

Nous avons parlé du refrain, dont une partie a servi de titre. L'expression « léger, légèrement » intervient assez souvent dans les exemples que nous avons pu consulter. En revanche, la seconde partie :

A la claire fontaine, mon bon ami m'attend

n'est pas spécifique à cette chanson. Une version collectée en Normandie et sans doute adaptée par une population maritime a donné :

Sur les bancs de Terre-Neuve, mon bon ami m'attend.

Si les gants symbolisent le plus souvent cet amour captif gage de fidélité des amants, d'autres versions proposent des contenants plus variés : sac, robe, étui, lettre...

C'est une chanson d'amours, ce que d'autres refrains ne manquent pas de souligner :

Oh gai ma brunette, sur l'herbe nous irons (Ardennes)

La passerons nous la nuit avec vous ? (Poitou)

Mais plutôt que de disserter sur les sous entendus contenus dans les derniers vers, nous vous proposons deux fins alternatives, toutes deux provenant de notre région. Dans la première citée par Guéraud, la belle manifeste une certaine impatience vis à vis de son amant :

Il est allé au régiment

S'il n'est pas v'nu à la St Jean

Je me renferme dans un couvent

Et prierai Dieu pour l'inconstant

Dans la seconde - qui vient des collectes guérandaises – l'issue est bien plus conventionnelle (que conventuelle) et pragmatique :

Ma mie n'y est pas pour le présent

Elle garde ses moutons blancs

Dessus les mains a des gants blancs

Nous nous marions à la St Jean

Nous convierons tous nos parents

Et on se quitte sur cette fin réjouissante.


interprètes : Liliane Berthe, avec Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard, Armelle Petit

source : Quatre vingt chansons du Pays de Retz – manuscrits du violoneux Poiraud, compilés par Michel Gautier

catalogue P. Coirault : Le galant aux gants blancs (chansons en dansant - 7201)

catalogue C. Laforte


Nous sommes ici beaucoup de gens )

Léger, léger légèrement ) bis

Qui la plupart sont très galants

Légèrement

A la claire fontaine )

mon bon ami m'attend ) bis


Qui la plupart sont très galants

Le mien à moi n'y est pas pourtant


Je le vois là bas qui se rend


Et dans sa main tient des gants blancs


Nos amourettes sont dedans


Elles y sont bien étroitement


Laissez venir la grand Saint Jean


Nous les mettrons au largement


Parmi ces prés parmi ces champs


Parmi ces prés qui sont si grands


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