S'il est vrai que les plus courtes sont les meilleures celle ci doit être un pur chef-d’œuvre. Certes l'adage vaut surtout pour les plaisanteries et moins pour les chansons de boisson, comme cet ivrogne disputé par sa femme qui fait l'objet de notre livraison du jour (1).
Bref, si vous êtes fatigués des complaintes criminelles de 48 couplets ou des retours de guerre à rebondissements, les trois couplets qui suivent vont vous ravir.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Ce méchant ivrogne est la vingt-deuxième des « Trente vieilles chansons du Pays de Retz », ouvrage publié en 1927 chez Heugel, à Paris. Nous ne savons, hélas, que peu de choses au sujet de l'auteure de cette compilation. Jeanne de Couffon de Kerdellec'h (1896-1967) avait hérité de sa famille le château de la Cossonnière, au Pellerin, sur les bords de la Loire (en aval de Nantes, sur la rive sud). Elle a composé des poésies parues dans diverses publications et s'est donc intéressée aussi aux « poésies populaires » ; tant mieux pour nous. Les chansons qu'elle a publiées auraient été apprises essentiellement de ses proches, du personnel du château et de fermiers des alentours.
Ce recueil comprend donc trente chansons qui recoupent partiellement les collectes anciennes du même secteur ou des enregistrements plus récents. Il offre aussi quelques chansons inédites, dont celle-ci. Comme bien souvent pour les publications de cette période (début du 20è siècle) les airs ont été harmonisés pour le piano. Cette habitude nous paraît désormais bien inutile voire risquant de dénaturer la mélodie originelle. Mais elle avait alors tout son sens en raison de la clientèle potentiellement intéressée par ce type de recueils. Issues du répertoire populaire ignorant l'accompagnement musical, ces pièces trouvaient place dans le répertoire des salons bourgeois ou trônait habituellement un piano.
Bref, parmi tous les motifs de dispute entre les deux sexes, la boisson figure toujours en bonne position. S'il existe des couplets pour moquer les femmes qui boivent, ce sont tout de même majoritairement les maris qui se font réprimander par leurs épouses. Très souvent le buveur conserve le mot de la fin. Pour clore la discussion il annonce son intention d'élire domicile dans la cave et encore plus souvent de s'y faire enterrer « les deux pieds contre la muraille et la tête sous le robin... ». Notre ivrogne prend sa situation avec une grande insouciance qu'exprime ce refrain avec ses tradéridéra.
Bref, toutes les chansons que nous vous proposons dans ce blog sont faites pour être chantées. Les faire sortir des étagères et des tiroirs où elles sommeillent est notre objectif. Nous ne doutons pas un seul instant que pour vous approprier celle-ci, vous aller chercher ailleurs si par hasard il n'existerait pas d'autres couplets. Ne vous donnez pas cette peine, nous l'avons fait pour vous. Bien qu'il n'en existe pas des dizaines de versions, quelques couplets supplémentaires ont pu être glanés de ci de là.
Un premier vient des collectes d'Achille Millien en Nivernais :
Que veux tu dire ma pauvre femme
Je suis t'y pas un bon garçon
Quand j'ai du vin dans la cervelle
J'ai le cœur gai comme un pinson
Et puis après je peux bien dire...
En voici un second, copié par Prosper Tarbé en Champagne :
Mon mari si tu recommences
A te livrer à la boisson
Je te ferai porter des cornes
Comme en portent les limaçons
Et puis tu auras lieu de dire...
Bref, il en existe d'autres, d'inégal intérêt, dont certains viennent en droite ligne du 17è siècle. Car la première apparition de cette chanson c'est à nouveau chez le sieur Ballard qu'on la trouve, dans les « Nouvelles parodies bachiques, mêlées de vaudevilles » imprimées à Paris en 1702. Pour comparaison, nous reproduisons ses trois couplets après ceux du Pays de Retz. Comme on le voit la folklorisation du thème a perpétué certains couplets et en a inclus d'autres.
Ainsi que pour les plaisanteries et les chansons les commentaires les plus courts sont peut-être les meilleurs et nous en resterons donc là pour aujourd'hui.
notes
1 – une livraison pour le moment bi-hebdomadaire, essentiellement pour cause de covid et autes joyeusetés !
Interprète : Jean-Louis Auneau
Source : 30 vieilles chansons du Pays de Retz, de J. Couffon de Kerdellec'h – édité chez Heugel à Paris en 1927
catalogue P. Coirault : le mari qui revient saoul et chante gai (11101 – ivrognes disputés par leur femmes)
catalogue C. Laforte : II, Q-05 – Reproches de la femme de l'ivrogne
texte publié par Jeanne Couffon de Kerdellec'h :
D'où t'en viens-tu, méchant ivrogne ?
Tu n'es qu'un maudit sac à vin.
Tu ne songes guère en ta besogne
Et tes enfants meurent de faim.
Crois-tu les contenter de dire
Tradérida dérida la lire
Tradérida dérida la la
Tes créanciers sont à la porte,
Qui te demandent de l'argent.
Comment veux-tu que j'leur-z-en donne ?
J'n'en ai pas pour moi seulement
Crois-tu donc les payer de dire
Tradérida dérida la lire
Tradérida dérida la la
Va, va, va ,va ! Ma pauvre femme,
De moi ne t'inquiètes pas.
Je les paierai le jour des Cendres
Le lendemain du Mardi-gras.
En attendant, j'vas toujours dire
Tradérida dérida la lire
Tradérida dérida la la
Texte publié par Ballard – Nouvelles parodies bachiques, mêlées de vaudevilles (Paris 1702)
Mon mary va à la taverne
Il n'en revient qu'à la lanterne
Et moi je garde la maison
Quand il est sou comme un oyson
En entrant il se met à dire
Lalareria Lalerira, Lalerire (bis)
Ah, d'où viens-tu méchant yvrogne ?
Tu nous fera mourir de faim ;
Tu quittes toujours ta besogne
Pour boire du soir au matin
Et puis tu dis laissez moy dire
Lalalerira...
Ma femme tu n'es qu'une bête
De raisonner de la façon
Lorsque j'ay du vin dans la tête
Tu me vois gay comme un pinçon ;
Tais-toi donc et me laisse dire :
Talarerira...
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