« Que les plaisirs d'amour sont mêlés de chagrins », pour une jeune fille de quinze ans qui découvre l'amour, d'aventures en mésaventures. A cet âge, il ne manque pas de chansons dans la tradition pour nous faire partager leurs expériences. Celles ci sont, le plus souvent, liées à des décisions parentales qui hésitent entre la sagesse et l'intérêt. Ce n'est pourtant pas le cas dans la chanson que nous avons retenue cette semaine, dont les parents sont absents ; et c'est ce qui fait toute son originalité.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Les filles de quinze sont très présentes dans les chansons traditionnelles. Non pas que cet âge ait une signification particulière. Il pourrait être l'âge de nubilité, mais l'âge légal du mariage n'a été porté à quinze ans qu'après la révolution. La plupart des chansons ayant une origine antérieure, le mariage était possible bien avant, en théorie (1). Le chiffre quinze est donc purement symbolique. Il représente l'adolescence ou plus exactement la période où le désir des relations amoureuses s'exprime autant par des attentes que des regrets. Ce qui nous donne deux catégories principales de chansons :
- Celles où elles se plaignent d'avoir été mariées trop tôt avec un « vieillard » pour satisfaire les souhaits, ou les intérêts, de leurs parents.
- Celles où elles manifestent leur impatience d'être mariées et où les parents menacent du couvent quand ils sont à bout d'arguments.
Notre chanson n'entre dans aucune de ces deux catégories. C'est l'absence totale de référence parentale qui la caractérise. Ici, pas de dispute mère-fille ni de récrimination contre un père abusif. C'est la jeune fille seule qui nous livre ses sentiments et ses expériences. Déconvenue d'abord puis enthousiasme passionnel ensuite ; voilà qui nous change agréablement de toutes ces chansons d'amour qui finissent mal.
Probablement associée à une danse en rond, cette chanson fait partie des airs notés au milieu du 19è siècle par le violoneux Poiraud dans le secteur de Pornic.
Comme pour plusieurs autres textes tirés du même recueil, nous n'avons pas retrouvé d'équivalent dans les collectes plus récentes. Preuve que les goûts des chanteurs ont évolué, délaissant certaines histoires pour en privilégier d'autres ? Mais rassurez vous, on peut encore les tirer de l'oubli. Il suffit pour cela de les chanter.
Note :
1 – en réalité, l'exploitation des statistiques et documents (registres paroissiaux...) montre que l'âge moyen des mariages était supérieur à 25 ans. Ce qui est toujours le cas aujourd'hui , mais plus pour les mêmes raisons.
interprètes : Armelle Petit avec Liliane Berthe, Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard,
source : Quatre vingt chansons du Pays de Retz – manuscrits du violoneux Poiraud, compilés par Michel Gautier
catalogues P. Coirault et C. Laforte : non référencée
A l'âge de quinze ans
Je vivais sans chagrin
Sans penser à l'amour
Le soir ni le matin
Que les plaisirs d'aimer
sont mêlés de chagrin
Sans penser à l'amour
Le soir ni le matin
Un jeune marinier
M'en a fait voir la fin
M'a demandé mon cœur
Sans me donner le sien
Je m'en suis aperçue
Et j'ai repris le mien
A Lucas l'ai donné
Il le vaut ma foi bien
Il m'a donné le sien
Qui fait tout mon soutien
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