La tradition orale doit
beaucoup à l'écrit ! Certes, les collectes effectuées depuis que
des appareils permettent la reproduction du son se comptent par
milliers. Mais la consultation d'ouvrages anciens complète utilement
cette manne. Elle permet de retrouver des chansons qui n'ont pas
varié malgré les années. Elle permet aussi de découvrir des
chansons aujourd'hui oubliées. Les cahiers de chansons calligraphiés
par des paysans, des couturières, des soldats...constituent eux
aussi une source non négligeable. C'est à l'un d'eux que nous
devons la présente chanson.
Pour écouter la chanson
et lire la suite
La page de garde du cahier
de M. Aubron porte la mention “commencé le 23 janvier 1889”. Le
répertoire contenu dans ses deux cahiers – récupérés dans une
brocante – correspond bien à cette période. Les chansons
revanchardes, sur le thème de l'Alsace et la Lorraine, y côtoient les airs à la mode et les chansons de tradition orale.
L'avantage des cahiers de
chansons c'est que les textes qu'on y trouve sont, en général, bien
complets. L'inconvénient c'est que la musique en est absente, hormis
quelques mentions “sur l'air de...”. Au cas présent l'absence de
musique a été compensée par l'existence de quelques autres
collectes de cette chanson, dont certaines toutes proches. Ainsi
Fernand Gueriff en a recueilli une version dans la commune du
Cellier, soit à quelques kilomètres à vol d'oiseau, mais sur
l'autre rive de la Loire. Pour notre ré-interprétation, les
mélodies de ces versions incomplètes ont donc inspiré celle du
cahier de chant.
L'histoire hésite entre
le badinage et le sérieux de la confession; mais point d'aspect
moralisateur dans cette histoire d'amourettes qui se termine bien
(1). Encore mieux, même si on ne sait pas clairement si les amants
ont” fêté Pâques avant les Rameaux”, le final laisse libre
cours à votre imagination. Au passage, on laisse entendre que :
Si votre amant est bon
chrétien
La chose n'est pas trop
sévère
Une conception libérale
des relations entre jeunes gens qui nous change agréablement de
certaines chansons très austères.
La liste des péchés
avoués par la charmante Iris est assez banale, hormis celui qui
aurait tout gâté. Une exception: la lecture du Petit Albert, ouvrage
sulfureux peu recommandé aux jeunes filles. Ce détail n’apparaît que dans cette version de la chanson. On peut supposer un ajout lié
au vécu familial. L'ouvrage en question, grand succès de la
librairie de colportage, était présent dans bien des maisons, mais
il était assez mal vu d'en faire état en raison des pratiques de
sorcellerie qu'il décrit. Parmi celles-ci, on trouve des façons
d'attirer ou de repousser un(e) amant(e). Voilà qui cadre assez bien
avec le thème de la chanson.
Thyrsis et Iris sont deux
prénoms issus de l'antiquité grecque/romaine (Virgile, Théocrite).
Ces prénoms ont-ils été à la mode au moment où la chanson a été
composée ? Les plus anciennes traces écrites (env. 1700) ne
permettent pas de le savoir. Ils ont été sans doute plus utilisés
dans les œuvres romanesques que par les gens du peuple comme de la
noblesse.
note
1 – deux chansons
d'amour qui finissent bien à la suite ! Il y a du relâchement dans
ce blog. Rassurez vous le drame n'est jamais loin.
interprète:
Jean-Louis Auneau
source: cahier de
chansons de M. Pierre Aubron du Pâtis-Malaise au Loroux-Bottereau
(44) commencé le 23 janvier 1889
Catalogue P. Coirault:
1838 l'amant confesseur
Catalogue C. Laforte:
II, C-1 l'amant confesseur
Un
beau jour la charmante Iris
Partit
pour aller à confesse
Ell'
le dit à son amant Thyrsis
Qui
se déguise avec adresse
S'est
en allé dans son dessein
Prendre
l'habit d'un capucin
Mon
père je viens ici devant vous
Avec
douleur et repentance
Me
prosterner à vos genoux
Afin
d'y faire pénitence
De
tous les péchés que j'ai fait
Pardonnez
les moi s'il vous plaît
Mon
père j'ai juré, j'ai menti
J'ai
fait souvent la paresseuse
J'ai
lu dans le petit Albert
Et
j'ai eu des paroles oiseuses
J'ai
juré au fond de mon cœur
C'est
la cause de tout mon malheur
Mon
père je crois bien que c'est tout
Selon
ma coutume ordinaire
Mais
auparavant avec vous
J'ai
une demande à vous faire
Daignez
m'écouter seulement
De
m'écouter un petit moment
Parlez
ma fille parlez
Je
suis ici pour vous entendre
Et
je puis en particulier
Vous
accorder les indulgences
Parlez
tant que vous le voudrez
Là
je suis sage et discret
Un
jeune brave cavalier
Grand
Dieu que je suis malheureuse
M'entretient
en particulier
Au
fond de mon âme amoureuse
Je
l'ai trop cru pour mon malheur
Il
a coûté cher à mon cœur
Ma
fille que vous a-t-il dit
Pour
vous marquer tant de tendresse
Vous
plaisiez vous avec lui
Vous
faisait-il des promesses
De
crainte d'être refusé
Il
m'embrassait sans me le demander
Écoutez,
cela n'est pas bien
Si
vous agissez de la manière
Si
votre amant est bon chrétien
La
chose en n'est pas trop sévère
Après
cela vous me direz
S'il
n'y a que celui là que vous aimez
Je
n'ai jamais aimé que lui
Je
n'en aimerai jamais d'autre
Je
n'ai qu'un cœur, il est à lui
Je
le donnerai jamais à d'autres
Je
suis Thyrsis me voulez vous
Charmante
Iris pour votre époux
Hélas !
Mon père que dites vous
Que
c'est Thyrsis qui me confesse
J'ai
grand regret d'avoir dit tout
Mais
cependant j'ai eu l'adresse
D'avoir
caché un seul péché
Celui
qui aurait tout gâté
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