C'est
à nouveau au territoire de la Brière que nous empruntons la chanson
de cette semaine. Peu présent dans les collectes anciennes, ce
répertoire a commencé a être enregistré après la seconde guerre
mondiale. La ronde que nous vous proposons fait partie des documents
rassemblés dans les enquêtes menées par les chercheurs des ATP
(musée des Arts et Traditions Populaires). Quelques rares
enregistrements ont été publiés sur disque. D'autres ont attendu
des années avant de pouvoir se trouver à disposition du public.
Comme l'original de notre chanson, Ils sont maintenant accessibles
sur la base Dastumedia.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
C'est
fou le nombre de jeunes filles qui s'endorment sous un arbre dans les
chansons traditionnelles. Ce goût pour la sieste bucolique aurait
une signification fort ancienne. Ecoutons ce que nous en dit Conrad
Laforte (1) : « Autrefois dans les villages de France, il
y avait un orme sur les places publiques, sous lequel avait lieu la
justice seigneuriale, mais qui était aussi le rendez vous des
amoureux. L'expression elle va dormir sous l'orme se disait
d'une jeune fille qui allait faire l'amour ». Notre chanson
débute sous un frêne, mais on peut supposer que la signification
est identique. Il n'est d'ailleurs question que d'amour dans les vers
qui suivent. Le sujet est abordé de façon innocente sous la forme
traditionnelle des « rondes jeu ». Ce style de chant à
danser a longtemps fait partie du répertoire des adultes avant
d'être confiné au domaine enfantin. La danse a de tout temps été
l'occasion de rencontres entre jeunes gens. Mais, cette forme
particulière, tombée en désuétude, avait ses codes et ses
interprétations. Avec le temps elle a évolué jusqu'à être
intégrée dans le répertoire local de rondes chantées populaires.
Ce qui en reste aujourd'hui ne permet pas toujours de se faire une
idée précise de ce que pouvaient être ces rondes. L'ouvrage de
Jean-Michel Guilcher « Rondes, branles, caroles, le chant dans
la danse » en donne une étude détaillée (2).
Il
est curieux de constater que, dans une chanson dont le but avoué est
de mettre en relation des amoureux, le refrain soit aussi
explicitement hostile au mariage :
Hé
là pourquoi s'y marie t-on
que
l'on est si bien étant garçon
Il
nous paraît probable que le texte originel était nanti d'un autre
refrain et que celui ci se soit inséré dans le processus
d'évolution dont nous parlions précédemment. Ce n'est qu'une
hypothèse mais cela paraît vraisemblable. La chanson a été,
heureusement, mise en boite en 1949. Depuis cette date l'évolution a
continué. Les pratiques actuelles ont tendance à ne retenir que les
chansons directement exploitables dans le bal breton ou le fest noz.
Celles qui étaient trop typées « rondes jeu » ont donc
été écartées, même si quelques danseurs et musiciens ont tenté
de redonner vie à ces pratiques.
Pas
question de faire la fine bouche et savourons donc le charme désuet
de ces rondes. Merci aux chercheuses des ATP pour avoir sauvé ces
chansons...et nous avoir fait attendre si longtemps pour pouvoir en
profiter ! Entre temps d'autres collecteurs sont allés à la
rencontre des briérons porteurs de traditions. Outre Fernand
Guériff, des gens comme Raphael Garcia ou Guy Belliot, entre autres,
dont nous avons déjà pu reconnaître le travail, nous ont permis
d'apprécier ce répertoire à sa juste valeur. Dans le même temps
les pratiques artisanales des vanniers par exemple ont été
répertoriées. Des images, des films se sont ajoutées à ces
collectes. Ce qui nous permet de les mettre en valeur avec un ciné
concert que nous vous invitons, encore une fois, à ne pas manquer.
notes
1
– Survivances médiévales dans la chanson folklorique – Conrad
Laforte – Presses de l'Université de Laval (1981) page 230.
2
- « Rondes, branles, caroles, le chant dans la danse » -
Jean-Michel Guilcher – Centre de recherche bretonne et celtique,
Brest (2003)
interprètes :
Roland Guillou et Jean-Louis Auneau
source :
Pierre Lelièvre de Mayun en La Chapelle des Marais, enregistré le
28 juillet 1949 par les enquêtrices des ATP, Claudie Marcel-Dubois
et Maguy Pichonnet-Andral. Document original disponible sur
dastumedia
catalogue
P. Coirault : non référencé – à rattacher au chapitre
72, chansons en dansant
Là-bas
dessous un frêne, la belle s'est endormie
A
son joli réveil elle n'a ni vu ni ouïe
Hé
là pourquoi s'y marie t-on
que
l'on est si bien filles et garçons
(variante
: que l'on est si bien étant garçons)
A
son joli réveil elle n'a ni vu ni ouïe
Que
le doux rossignol que dans son chant il dit
Que
les vieux et les vieilles iront en paradis
Les
garçons et les filles mariés à leur plaisir
Il
y en a dans la danse qui en ont grand envie
Mon
voisin ma voisine, ma voisine que voici
J'la
tiens par la main droite, je la vois qui rougit
N'ayez
pas honte la belle, c'est ma chanson qui l'dit
C'n'est
pas moi qui l'ai faite, mais c'est moi qui la dit
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