vendredi 19 juillet 2019

304 - T'endors-tu, Jeannette

Pour une fois c'est au refrain de la chanson que nous empruntons son titre. Il faut bien dire que le nombre de chansons qui débutent par Quand j'étais chez mon père pourrait prêter à confusion. Mais si vous êtes attentifs (et suivez ce blog depuis son début!) vous reconnaîtrez facilement un thème que nous avons déjà publié : celui de « La fille et la caille »(1).
Si nous en choisissons une seconde version ce n'est pas pour le plaisir de jouer au jeu des 7 différences. C'est qu'il y a encore beaucoup à découvrir avec cette chanson, plus intéressante qu'elle ne paraît au premier abord.
Pour écouter la chanson et lire la suite


Cette affaire de dénicheur est connue essentiellement avec trois types de refrains. Notre précédente publication avait mis en valeur l'alternance : belle voici votre ami, belle voici votre amant, répondant à deux assonances alternées. Les textes canadiens, qui ont souvent été repris et enregistrés même par ici, utilisent souvent le refrain :
Au chant de l'alouette je veille je dors
J'écoute l'alouette puis je m'endors
Et, puisqu'il est question de s'endormir, c'est à Jeannette (ou Nanette) que les refrains les plus courants posent la question. Cette formule est très fréquente dans les collectes qui ont été réalisées dans notre secteur, et ailleurs aussi.
Ce n'est pas la seule chanson où interviennent la Caille, la Perdrix et l'Alouette. Ces volatiles ne sont pas là pour donner une leçon de morale aux petits enfants. Leur présence dans les chansons a plus souvent trait aux relations amoureuses. Ce qui n'empêche pas certains chanteurs entendus dans notre région ou ailleurs de répondre à la supplique :
rentourne toi au village, laisse là mes petits
en nous gratifiant de commentaires du style :
Dieu ne veut pas, c'est sage, qu'on touche aux nids (2)
ou d'une conclusion plutôt rare :
Ému de ce langage, je les remis (2)
La grande majorité de ces chansons présente une voleuse de nids, même si dans la réalité ce sont sans doute plutôt les jeunes garçons qui se livrent à ce genre d'acrobaties. S'il y a inversion des rôles c'est probablement que la chanson a autre chose à nous dire qu'une défense de s'en prendre aux petits oiseaux. Le texte présent, comme beaucoup d'autres, dit : je ne suis point fillette, j'ai un mari. Des versions recueillies outre-Atlantique sont connues avec le vers : elle me dit pucelle retire toi d'ici et quelques versions précisent : Cesse donc d'être fille, prends un mari. En fait de morale faudrait-il donc comprendre que cette chanson est une invitation à cesser de papillonner pour établir une relation sérieuse ?
D'ailleurs la voleuse de nids s'empresse de présenter pour sa défense un mari, sur lequel elle ne dit pas grand chose, et une progéniture qui nous vaut quelques détails intéressants.
De nos jours il n'est pas rare d'entendre une mère de famille parler de ses enfants installés à l'autre bout de la France, ou du monde. A l'époque où cette chanson a pris naissance (3) c'était surement moins fréquent. Cette insistance est-elle le signe d'une certaine réussite sociale ? Le dernier vers renforce cette hypothèse. Le voilà promu à de hautes fonctions ou, à tout le moins doté d'une distinction réservée aux homme de valeur d'un point de vue social (4).
Vous aurez remarqué que les enfants se sont installés dans des villes renommées. Si notre chauvinisme habituel se réjouit du choix de Nantes, force est de remarquer que les cités choisies sont celles les plus présentes dans les chansons traditionnelles (5). Outre, Paris, Nantes et la Rochelle d'autres versions envoient les enfants à Bordeaux, Rouen...ou Versailles.

Notes
1 – chanson n° 5 de ce blog, en mai 2013 – Enfant petit – également présente sur notre CD Chants à la marche en Loire-Atlantique.
2 – d'après une chanteuse de Bourgneuf en Retz notée par Abel Soreau pour le premier et d'après une chanteuse du Pays de Chateaubriant reprise par Francis Lemaitre, pour le second
3 – Quelle époque ? C'est difficile à définir. Quelque part entre jadis et autrefois !
4 – La croix de Saint-Louis est une distinction honorifique créée par Louis XIV en 1693 pour récompenser les officiers catholiques les plus valeureux ayant au moins 10 ans de présence au sein des régiments du royaume, quelle que soit leur condition de naissance (d'après Wikipedia)
5 - d'après nos recherches, dans l'ordre : Paris, Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Lyon...

Interprètes : Annick Mousset, Isabelle Maillocheau, Aurélie Aoustin, Béatrice Denoue
source : d’après un assemblage de deux des versions publiées dans l’édition critique des archives d’Armand Guéraud : la première recueillie à Pornic (44) et la seconde à Bouguenais (44).
Catalogue P. Coirault : La belle qui trouve le nid de l'alouette (Lyriques - N° 00107)
catalogue C. Laforte : I, I-8, la fille et la caille

REFRAIN
T'endors-tu, Jeannette, oh, oh, oh, oh !
T'endors-tu, Jeannette, oh, que nenni !

Quand j'étais chez mon père, enfant petit (bis)
Il m'envoya aux landes, chercher des nids

Il m'envoya aux landes, chercher des nids (bis)
J'en trouvai un de caille, deux de perdrix

Etc

Quand j'étais chez mon père, enfant petit
Il m'envoya aux landes, chercher des nids
J'en trouvai un de caille, deux de perdrix
Et l'autre d'alouette, le plus joli
L'oiseau qu'est sur la branche, qui m'avisit
Dans son joli langage, elle m'a dit
Que fais-tu là, fillette, tu prends mon nid
Je ne suis point fillette, j'ai un mari
J'ai trois garçons sur terre qui sont de lui
L'un est à La Rochelle, l'autre à Paris
Et l'autre, il est à Nantes, quand r’viendra-t-il ?
Il sera roi de France, Croix de Saint-Louis


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