Serait-ce avec un bel esprit d'à
propos que nous aborderions la fête nationale en chantant les
militaires ? Non point ; Si le jour du quatorze juillet
vous restez dans votre lit douillet et que la musique qui marche au
pas cela ne vous regarde pas, inutile de vous alarmer. Cette chanson
parle de militaires mais sans arrière pensée militariste.
Ce n'est même pas un chant de
marche ; plus souvent ses paroles ont servi à faire danser en
rond, en particulier en pays nantais. C'est une histoire d'amours
contrariées en un temps où les parents s'imaginaient mettre fin à
une liaison en enfermant une jeune fille au couvent ou dans une tour.
La chanson traditionnelle n'hésite pas à fustiger ces méthodes
archaïques et leur inutilité.
Pour écouter la chanson et lire
la suite
Il est vrai que les personnages
militaires hantent les chansons traditionnelles avec plus ou moins de
bonheur. C'est rarement positif pour le simple soldat. Les combats,
quand il en réchappe, lui laissent rarement le loisir de passer voir
ses proches lui faisant plutôt passer l'arme à gauche ! Et
quand par hasard il revient chez lui c'est pour trouver sa femme
remariée.
Des caporaux et des sergents,
chargés de la discipline, la tradition ne retient guère que des
aspects négatifs, comme pour celui qui essuie son visage avec un
mouchoir blanc alors qu'il va fusiller son camarade déserteur.
Faut-il rappeler le triste sort du porte-enseigne (ou du colonel ;
c'est selon) qui agonise sur le champ de bataille, au désespoir de
revoir sa blonde. Une catégorie d'officiers échappe cependant à
cette sinistrose et se trouve souvent mise en valeurs : les
capitaines.
On vous entend d'ici dire que vous
avez bien écouté la chanson et n'y avez trouvé aucune allusion à
ce gradé. C'est vrai avec cette version apprise à Saint Lyphard, en
Brière, de Mme Gouesmat. Mais quand on la compare avec les
nombreuses autres occurrences de ce texte force est de constater
qu'il évoque le plus souvent :
Un jeune capitaine, revenant de
guerre, cherchant ses amours...
Le capitaine serait-il le gendre
idéal ? Rien n'est moins sur si on se fie aux chansons. Il en
est qui traitent leur amie de « vilaine ». D'autres qui
la traînent dans une hostellerie l'obligeant à faire la morte pour
« son honneur garder ». Ces attitudes machistes ne
semblent pourtant pas décourager la jeune fille à qui on propose un
mariage avec le plus beau des soldats qui est dans nos armées
et qui répond dédaigneusement qu'elle ne s'intéressera qu'à un
capitaine.
C'est peut-être pourquoi le
maréchal de France (1), qui connait bien l'esprit de ces militaires,
cherche à enfermer sa fille. Oui mais voilà, dans les chansons
traditionnelles les amours contrariées ne sont là que comme des
épreuves pour le blanc chevalier qui doit délivrer sa belle des
griffes de son dragon de père. L'abominable vieillard menace de
noyer sa fille. C'était sans compter sur la bravoure de l'amoureux
et tout est bien qui finit bien. Cette comparaison avec un thème
chevaleresque plus ancien n'a rien d'impossible si on se souvient,
entre autres, de la chanson de la belle enfermée dans la tour. C'est
la même histoire avec des moyens différents utilisés par les
amoureux pour se retrouver.
La mélodie de notre chanteuse,
bien que différente du standard habituel, est apparentée au timbre
original (2). La chanson est si connue que deux écrivains du 19è
siècle s'en sont fait écho dans leurs ouvrages: Gérard de Nerval
et Honoré de Balzac (3).
Les derniers couplets de la
chanson font penser aux habits de noces. Bien des versions
l'expriment plus clairement:
A la troisième ville
Son amant l'habille
En épousements
Compte tenu de l'attitude du
beau-père on imagine bien l'ambiance au mariage: glaciale !
En attendant c'est encore au
régiment que la plupart des chansons se terminent:
Elle était si belle
On chantait pour elle / on ne
voyait qu'elle
dans tout le régiment
ou bien
Elle passait pour reine
dans tout le régiment
Et pour nous faire mentir, il est
des versions aux allures guerrières:
Allons partons belle,
Partons pour la guerre,
Partons pour la guerre,
Partons il est temps
Ce qui a permis à certains
historiens (Doncieux, Davenson...) d'affirmer qu'on tenait là une
chanson de soldats. Au risque de les contredire nous préférons
rester sur le thème de la chanson d'amours. La guerre dont il est
question est plus surement celle qui se déroule sous les draps de
lit avec des combats plus proches du corps à corps que de la
bataille rangée.
C'est sur cette morale qui ne
l'est pas que nous vous quittons. Les semaines prochaines ne verront
peut être pas une parution aussi régulière comme chaque fois que
reviennent les vacances d'été. Rassurez vous, la source n'est pas
près de se tarir nous n'avons publié à ce jour qu'à peine plus de
trois cent chansons. Il en reste des milliers d'autres.
Profitez bien des vacances
notes
1 - Maréchal de France ou tantôt:
Général, Sénéchal, ou encore beau Roi de France. Ce qui
n'explique pas pourquoi dans certains textes la fille s'en va à
Bruxelles ou devient Reine de Belgique
2 – d'après P. Coirault le
timbre serait un vieil air de chasse datant de 1764. Coirault a
publié une étude complète sur cette chanson dans “formation de
nos chansons folkloriques”, tome 2 pages 305-315
3 – vieilles chansons du Valois,
dans la Sylphide en 1842 pour Nerval – Les chouans en 1827 pour
Balzac
interprète : Aurélie
Aoustin
Source : Antoinette
Gouesmat, née Legal, enregistrée au Pélo, en Saint-Lyphard (44) le
3 octobre 1991 par Yves Maurice
catalogue P. Coirault :
Brave capitaine (Traverses – N° 1425)
catalogue C. Laforte :
La fille du maréchal de France (2-A-75)
C’est un jeune militaire
Revenant de la guerre
En cherchant ses amours
Il les a tant cherchées
Qu’il les a retrouvées
Hélas, dans un couvent
Dis-moi donc, la belle
Le cœur plein de peine
Qu’est-ce qui t’a mis là
Amant, c’est mon père
Amant, c’est ma mère
Pour l’amour de toi
Demande à mon père
Demande à ma mère
Quand je sortirai
Maréchal de France
Votre fille me demande
Quand elle sortira
Brave militaire
Ne pense pas tant de peine
Car tu n’l’auras pas
Je l’aurai sur terre
Sur terre ou sur mer
Ou par trahison
Le père en colère
Il attrapa sa fille
Il pense la noyer
Mais l’amant si brave
Se jette à la nage
La rattrape aussitôt
A la première ville
Son amant l’habille
Tout en satin blanc
A la seconde ville
Son amant l’habille
Tout en diamants
A la troisième ville
Son amant l’habille
En or et en argent.
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