vendredi 15 février 2019

283 - C’étaient trois jeunes marins


Les retours de guerre sont une source inépuisable d'aventures que la chanson traditionnelle exploite à fond. Après une absence plus ou moins longue le soldat qui retrouve son pays se trouve confronté à des situations sortant de l'ordinaire (sinon ça ne vaudrait pas le coup d'en faire des chansons!). Emportés par la vague des commémorations de la grande guerre, nous avons contribué à cette ambiance en nous penchant sur ce thème. Rassurez vous, la chanson de cette semaine n'a rien à voir avec la Madelon. Elle fait référence à un conflit dont on serait bien en peine de préciser la date. Cette histoire est intemporelle, plus romantique que réaliste.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Avec un précédent commentaire (1) nous avions déjà évoqué l'existence de cette version de la chanson du soldat qui trouve sa mie morte. Nous signalions que dans les versions à caractère maritime la jeune fille se prénomme fréquemment Adèle. Car cette chanson est tellement répandue que les prénoms changent de l'une à l'autre, tout comme l'affectation du soldat qui peut aussi bien faire campagne à pied que sur les flots. Adèle est un prénom un peu désuet qui oblige à soigner ses phrases. Il est plus convenable de dire :
Ton Adèle est morte
que
Elle est morte Adèle (2)
Combien de temps s'est-il absenté ce jeune marin ? C'est difficile à dire. Plus que le mal du pays, c'est le mal d'amour qui le tourmente. Peut être s'inquiète-t-l pour sa bonne amie ; et il a bien raison. Le plus étonnant dans l'affaire c'est la facilité avec laquelle il obtient de son capitaine carte blanche et joli passeport ! Des termes peu en usage dans le vocabulaire militaire. Mais ce n'est pas la seule invraisemblance. Le plus extraordinaire vient après l'annonce au jeune homme du décès de sa bien aimée. Nous n'avons pas eu droit aux adieux déchirants des situations ou l'agonisante :
a tiré sa blanche main du lit
pour dire adieu à son ami
Qu'importe ; l'amour est définitivement plus fort que la mort et c'est d'outre tombe que la parole consolatrice est adressée à l'amoureux éploré. Il est invité à chercher une autre compagne, par celle qu'il regrette tant. Une façon de dire que la vie continue et qui nous épargne les conclusions fantaisistes de certaines versions où le soldat regagnant son régiment est promu au grade supérieur en guise de consolation.
Il ne faut donc pas chercher dans ce texte à caractère romantique l'évocation d'une situation réelle. Rien ne nous permet de le rattacher à un conflit en particulier. La situation aurait même tout aussi bien pu se rapporter à une absence pour d'autres faits que la guerre. Mais alors cette chanson ne collerait pas avec notre actualité (3).
Pour les puristes – et les plus attentifs d'entre vous – nous devons vous signaler que notre interprétation emprunte des passages à deux versions assez proches. Toutes deux ont été récoltées par Hervé Dréan et publiées dans son ouvrage « Instants de mémoire ».

notes
1 – chanson n° 104 « c'était un jeune dragon » en mai 2015
2 – de là à dire que cette chanson est un saucisson ; c'est une blague de mauvais goût que nous ne nous permettrions pas.
3 – pour ce qui nous concerne : un atelier répertoire et une session de chants, liés à une exposition sur le sujet des « retours de guerre » aux archives départementales de Loire-Atlantique.

interprète : Francis Boissard et réponses de Jean Ruaud, Dominique Juteau et Jean-Louis Auneau
sources : Edouard Sébillot, d'Herbignac en février 1980 et Mme Dagaud, de Marzan en février 1979 enregistrés par Hervé Dréan. Publié dans : Instants de mémoire, volume 2 pages 25 et 26 (Musique sauvage - 2011)
catalogue P. Coirault : 1406 – le soldat qui trouve sa mie morte
catalogue C. Laforte : II, I-13 – le retour du soldat : sa blonde morte


C'étaient trois jeunes marins qui partaient pour la guerre (bis)
Qui partaient pour la guerre mais tout en regrettant
Leurs trois jolies maîtresses que leur cœur aimait tant

Le plus jeune des trois regrettait bien la sienne
Regrettait bien la sienne, comme il avait raison
Car c'était la plus belle fille des environs

Le jeune marin s'en va trouver son capitaine
Bonjour mon capitaine signez moi mon congé
Pour aller voir Adèle, ma mie du temps passé

Le capitaine lui dit mon brave homme de guerre
Voici ta carte blanche, ton joli passeport
Tu iras voir Adèle, tu reviendras à bord

Le jeune marin s'en va chez son père et sa mère
Bonjour mon père ma mère frères sœurs et parents
Où est elle donc Adèle, ma mie que j'aimais tant

Le père lui répondit ton Adèle elle est morte
Ton Adèle elle est morte, elle est bien loin d'ici
Son corps est dans la terre, son âme au paradis

Le jeune marin s'en va tout droit au cimetière
En appelant Adèle, Adèle parle moi
Donnes moi une parole pour la dernière fois

Adèle lui répondit du fond du cimetière
T'en trouveras bien d'autres, bien des filles à seize ans
Qui seront les plus belles de tout ton régiment

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