vendredi 22 février 2019

284 - M’y promenant dans la plaine


Dans les commentaires d'une précédente version de cette chanson, un(e) internaute anonyme nous a demandé qui pouvaient bien être les capitaines dont il est question. Ces gaillards qui se permettent de traiter la fille de « vilaine » sont-ils des membres de la « ligue du Lol » ? La chanson n'a retenu que leur anonymat. Ce qui est important c'est la différence de classe entre une fille du peuple (bergère, jardinière...) et des membres d'une aristocratie (prince, capitaine...) sur laquelle se base l'argument de ce type de chansons mettant au prises une « bergère » et un « monsieur ». Ce qui est encore plus intéressant c'est que ces personnages sont trois !
Pour écouter la chanson et lire la suite :



Trois : un nombre premier hautement symbolique dans les mathématiques mais aussi en philosophie, dans les religions ou l'histoire. C'est par exemple celui de la trinité « Père – Fils - Saint esprit ». C'est la référence aux âges de la vie : enfant – adulte – vieillard, ou à la place dans le temps : passé – présent – avenir, ou dans l'espace : les trois dimensions. La littérature et les contes abondent d'exemples : les trois mousquetaires (1), les trois petits cochons (ou poulettes, dans nos régions). Mais qu'en est-il dans la chanson traditionnelle ? Il suffit de parcourir rapidement la liste des chansons déjà publiées dans ce blog et d'autres qui pourraient y trouver place pour constater que bien souvent les personnages vont par trois.
trois cavaliers fort bien montés sur la route de Saillé ou de la Vendée
trois garçons du village qui demandent une fille en mariage
trois matelots du port de Brest tirant la courte paille
trois mariniers arrivant dans une auberge du coté de Coueron
trois jeunes marins, tous trois du port de Nantes
trois jeunes dragons qui regrettaient leurs maîtresses
trois jeunes soldats qui s'en vont à la guerre
trois gendarmes qui ont déserté avant d'être rattrapés par la patrouille
trois capitaines s'en allant dîner à l'auberge
trois jeunes tambours s'en revenant de guerre
trois jolis mineurs au service d'une jeune fille
trois frères comme les écoliers de Pontoise ou ceux qui vengent leur sœur maumariée
trois enfants que Saint Nicolas délivre du saloir
trois larrons qui ont volé un cotillon (la vézi, la vézon)
trois amants pour la même fille
trois jeunes conscrits, trois gentilshommes, trois galants, trois libertins ou encore trois jaloux dans une danse
ou tout simplement « trois » qui veulent la fille du coupeur de paille
La chanson oublierait-elle les personnages féminins ? Pas du tout :
trois filles à marier dans les faubourgs de Guérande
trois sœurs dont on préfère la plus jeune
trois princesses au pommier doux
trois Maries de la légende sacrée
trois filles qui se jouent d'un moine
trois nonnes, trois filles de bien
trois commères qui ont trop goûté la soupe au vin
trois gentes demoiselles qui font la tournée des bistros
Même les animaux y ont droit
les trois pigeons dont on a fait un pâté
les trois petits chats dans la comptine qui reprend toujours la dernière syllabe
Objets inanimés avez vous été oubliés ? Il y a encore :
la fontaine au trois moulins
l'olivier dont on a fait trois navires
les trois navires chargés de blé
les trois vaisseaux l'un chargé d'or l'autre d'argenterie...
les trois robes de la délaissée
les gants à porter trois fois l'an
...et maintenant c'est à vous de compléter la liste.
On termine juste avec les trois orfèvres dont les exploits à la Saint Eloi font les délices des amateurs de paillardes.
Cette liste vous a paru interminable. Il y manque certainement bien d'autres exemples.
Mais avec tout ça nous avons un peu oublié la chanson de la semaine. Pour l'essentiel des commentaires reportez vous au texte n° 244, d'avril 2018. Il n'est plus question ici ni d'Anne de Bretagne ni de passer par la Lorraine. Il reste un texte qui se prête bien à la marche ou à la danse, avec un refrain inspiré par une autre chanson et un air qui doit beaucoup à son interprète.

Note
1 – bon, d'accord, ils étaient quatre. Mais c'est justement ça qui est intéressant : on ne parle que de trois.

interprète : Janig Juteau – réponses : Jean-Louis Auneau, Dominique Juteau, Jean Ruaud, Francis Boissard
source : D'après une version du Pays de Retz. Paroles et musiques adaptées par Janig Juteau, pour danser le bal paludier
catalogue P. Coirault : En passant par la Lorraine (Bergères et rois – N° 03802)
catalogue C. Laforte : En passant par la Lorraine (I, G-11)

M’y promenant dans la plaine
Comme le vent va l'hirondelle
M’y promenant dans la plaine
Comme le vent va l'hirondelle
Rencontrai trois capitaines
Comme le vent, Comme le vent va l'hirondelle
Comme le vent
Comme le vent, Comme le vent va l'hirondelle
Comme le vent

Ils m'ont appelée vilaine
Je ne suis pas si vilaine
Puisque le fils du roi m’aime
Il m’a donné pour étrennes
Un beau bouquet d'éternelles
S’il fleurit, je serai reine…
S'il fleurit pas c'est pour mes peines
Il a fleuri de verveine
La belle est devenue reine.

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