Derrière ce titre énigmatique se
cache une chanson très connue sous le titre « Mon père me
marie au fils d'un avocat ». Cette gauloiserie parfois titrée
« le combat entre les draps » nous ramène à une époque
où la nuit de noces était autant un sujet d'attentes que de
plaisanteries. L'éducation sexuelle des jeunes filles par leur mère
y laisse à désirer. Elle est simpliste et tardive !
Cette chanson est connue au moins
depuis le 16ème siècle. Elle est répandue dans tout le folklore
francophone avec une grande diversité d'airs, de formes et de
refrains. Celui ci, entendu dans le pays d'Ancenis, est une rareté.
pour écouter la chanson et lire la suite
C'est peu dire que cette chanson est
très répandue puisque c'est par douzaines qu 'elle a été
collectée dans toute la Haute-Bretagne. Ceci pour ne parler que du
pays gallo, qui n'en a pas l'exclusivité. Mais, de toutes les
versions imprimées ou enregistrées, celle collectée à Mouzeil par
Pierre Guillard est la seule à nous proposer ce refrain. La grande
majorité de ces chansons est basée sur la formule :
Oh la la que ça ne va guère
Oh la la que ça ne vas pas.
Une majorité relative puisqu'on trouve
une telle variété d'airs et de rythmes que les refrains sont
parfois liés à la danse locale : rond en pays de Loudéac,
ridées du coté de Ploermel, etc. Quelques refrains nous proposent
même des onomatopées suggestives associées au déroulement de
l'action. On croirait entendre grincer les ressorts du sommier :
kouin, kouin, kouin deri kouin kouin
kouin (à Lassay, en Mayenne)
laderi couic couic laderi ponpon
(version chantée par Gisèle Gallais)
tire la rouli roulette laridon ridou
ridou (collecte de Jean Tricoire en pays de Chateaubriant)
La jeune mariée appelle non pas
directement sa mère mais sa servante qui s'appelle Catherine,
Augustine, Joséphine...ou le plus souvent Marguerite, ce qui permet
de supposer l'existence d'une version originale ou Marguerite devait
déjà être présente.
Il en est de même pour Nicolas, qui
tient généralement le rôle du petit frère :
Ni toi ni ta petite sœur
ni ton frère Nicolas
Mais c'est parfois le prénom du père
(collectes de François Simon dans les Mauges)
Ta mère en est pas morte
Ni ton père Nicolas
Et encore assez souvent le dit Nicolas
serait en odeur de sainteté puisque l'épitaphe précise que la
fille
Est morte en faisant sa..
..prière au grand Saint Nicolas
Mais ici Saint Nicolas n'est qu'une
métaphore pour désigner le sexe masculin
Ce grand saint que les hommes
Portent la tête en bas
comme le précise une version plus
paillarde de la chanson.
La première version imprimée de cette
histoire se trouve dans un recueil de 1607, conservé à la BnF (1).
Nous vous en donnons le texte intégral après celui de notre
chanson. Vous remarquerez que le refrain :
Courage, courage ma fille
Non tu n'en mourras pas
est désormais devenu un simple
couplet. Faute de connaître l'origine exacte de cette chanson on ne
peut que s'émerveiller du nombre de variantes et de l'inventivité
des interprètes qui ont su l'adapter aux circonstances. L'héroïne
n'est pas nommée, sauf dans quelques versions où il est question de
« la petite Jeannette (ou Huguette) » ; des prénoms
déjà bien utilisés dans d'autres chansons gauloises voire
paillardes. L'histoire sort parfois des coutumes de la nuit de noces
pour s'adapter aux aventures d'une nonne. Plus question de matelas
dans ces circonstances mais des sacs de pois, un tas de bois ou même
directement sur le foin !
Peut être ne faut-il chercher aucune
explication précise à l'expression « remue tes canettes à
tour de bras » si ce n'est que les bras qui enserrent la mariée
se transforment parfois en :
Il m'a serré si fort
qu'il m'a cassé un bras
Le refrain le plus proche du notre est
celui d'une version vendéenne recueillie par l'Arexcpo :
Quand je remues, tu r'mues, ça
r'mue
Quand je remues, tout bouge
Pour en finir avec les refrains, on a
retrouvé (une seule fois) ce texte associé au refrain son voile
par ci son voile par là...(2)
Quand à la présence du fils d'un
avocat elle n'inspire guère qu'une certaine méfiance vis à vis de
cette corporation, comme dans la chanson de la marchande d'oranges. A
moins qu'il n'y ait là une fine allusion qui nous échappe.
notes
1 - Airs de Cour comprenans le trésor
des trésors, la fleur des fleurs et eslite des chansons amoureuses,
extraites des œuvres non encore cy devant mises en lumière des plus
fameux et renomez poètes de ce siècle – à Poitiers par Pierre
Brossart - 1607
2 – cf. chanson n° 180 de décembre
2016, dans ce blog
interprète : Martine Lehuédé
et Janig Juteau
source : M. Pichard, de
Mouzeil (44) - collectage de Pierre Guillard, le 7 décembre 1986
catalogue P. Coirault : On
ne meurt pas de ça (Gauloises – N° 11601)
catalogue C. Laforte : Le
mari avocat (1-D-07)
Remue tes canettes
Mon père me maria, remue tes canettes
(bis)
Au fils d’un avocat, remue tes
canettes à tour de bras
Au fils d’un avocat
La première nuit d’mes noces, remue
tes canettes…
Avec lui je coucha
Il me serra si fort / Si fort entre ses
bras
J’appelle la servante / Catherine,
lève-toi
La mère qu’est aux écoutes / Entend
ce discours-là
Endure, endure, ma fille / On n’en
meurt pas pour ça
Et puis si tu en meurs / Sur ta tombe
on mettra
Ci-git une pucelle / Qui est morte en
faisant ça
En faisant sa prière / Au pied d’Saint
Nicolas
Mon père m'a donnée (chanson à
danser)
Extrait des : Airs de Cour
comprenans le trésor des trésors, la fleur des fleurs et eslite des
chansons amoureuses, extraites des œuvres non encore cy devant mises
en lumière des plus fameux et renomez poètes de ce siècle – à
Poitiers par Pierre Brossart - 1607
Mon père m'a donnée à un jeune
avocat
La première nuitée qu'avec moi il
coucha la la
refrain
Courage, courage ma fille
Non tu n'en mourras pas
Il me vint sans parler frapper de son
matelats
Je me prins à crier, venez à mon
trépas
Ma mère oyant ma plainte, vint qui me
consola
Me disant n'ayes crainte, non tu n'en
mourras pas
Car j'estais de ta sorte quand on me
fit cela
Et si j'en fusse morte tu ne serais pas
la
Au sort si tu y meurs, enterrée tu
seras
Et avec force pleurs, Las ! On te
portera
Au plus haut de la ville ton sepulchre
sera
Et par un homme habille ces mots on
gravera
Cy gist la jeune fille qui mourut de
cela
Ça été la première, la dernière
sera
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